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Je fais ici le constat que cette approche de la modélisation, qui cherche à simuler finement un ensemble de processus spatio-temporels en interaction, n’est possible que grâce à l’avancée technologique des outils de mesure, de stockage de l’information, des méthodes de programmation26 et des puissances de calcul. Non

seulement les moyens techniques sont aujourd’hui réunis, mais en plus leur disponibilité est croissante dans le monde scientifique et socio-économique. La plateforme de simulation MAELIA27 en est un très bon exemple pour

ce qui concerne le domaine de la gestion quantitative des ressources en eau. Mes travaux de thèse ont été la première occasion d’appliquer la plateforme MAELIA dans le cadre d’un projet de recherche-intervention. Ils ont mis en lumière les atouts de la plateforme, mais aussi des contraintes, des limites et des perspectives pour son utilisation par les scientifiques et par les acteurs. En me basant sur mon expérience d’utilisation dans un processus participatif pour la conception et évaluation, je discute ci-dessous des forces et des faiblesses de cet outil d’aide à la décision.

L’expérience MAELIA sur l’Aveyron aval a permis de valider/redéfinir une hypothèse qui avait été faite par le collectif à l’origine de la plateforme : il faut proposer une architecture de modélisation souple, adaptable au sujet traité, à l’approche choisie et aux données disponibles pour le terrain. En effet, j’ai pu démontrer que certains modules doivent pouvoir être désactivés afin de laisser la possibilité de greffer des modules qui répondent au besoin d’utilisation de la plateforme tout en considérant la disponibilité des données, les objectifs des simulations et les contraintes des phases de calibration et de validation. Par exemple, j’ai eu besoin de désactiver un module qui simule la décision d’assolement des agriculteurs d’année en année afin de tester des distributions spatiales de systèmes de culture spécifiées par les acteurs du dispositif de conception. J’ai également contribué à améliorer la représentation des systèmes agricoles dans la plateforme pour les besoins de la démarche de conception-évaluation menée. J’ai, en effet, participé à la spécification de l’interface de la plateforme et des algorithmes qui permettent respectivement de décrire finement les systèmes de cultures dans le paysage agricole (cf. figure 7 de l’article 1) et de représenter les stratégies de conduite des cultures en fonction de l’état du système sol-plante-ressources en eau, ainsi que les stratégies de changement de ressources en cours de campagne en fonction des restrictions de prélèvements et de leur état de remplissage.

L’instanciation de la plateforme a été un réel défi méthodologique, que je n’ai pu dépasser que grâce à ma posture de recherche participative. En effet, instancier ce type de modèle nécessite d’intégrer un nombre important de données de nature très variable et de paramétrer une large gamme de processus (notamment l’hydrologie des différentes ressources en eau, le comportement des agents agriculteurs et des gestionnaires de barrage, et la gestion des restrictions de prélèvements). La disponibilité des données d’un territoire à un autre peut fortement varier (ex. existence et précision d’une carte des sols, géo-référencement des réseaux d’irrigation, information sur les systèmes de culture). Pour utiliser MAELIA dans un projet de recherche action, l’utilisateur de la plateforme devra mettre en place des méthodes similaires à celles développées dans ma thèse basées sur l’hybridation de l’information (cf. article 1). Cependant, l’instanciation de MAELIA réalisée dans le cadre de mes travaux a permis de développer des jeux de paramètres qui pourront être repris mais devront être adaptés dans le cadre d’utilisations futures. C’est tout particulièrement le cas si elles sont réalisées dans des zones présentant des systèmes de culture et des situations pédoclimatiques similaires.

L’architecture de MAELIA, pensée pour représenter les systèmes socio-écologiques, permet de structurer l’intégration des données. En effet, l’instanciation de la plateforme présente l’avantage de mettre en lumière les données nécessaires et les processus à calibrer pour simuler le système socio-écologique dans son ensemble. La plateforme a, par ailleurs, démontré sa capacité à générer de l’information utile pour instruire la question

appliquée posée (Cf. exemple en section 2.3 de cette partie). Cela constitue un autre apport de mes travaux pour le projet MAELIA : prouver qu’une telle plateforme a la capacité de produire une information utile, c’est-à-dire qui renseigne sur les processus intéressants les acteurs de la gestion de l’eau à un niveau de détail qui fait sens du point de vue de leur échelle de décision et d’action et ainsi nourrir la réflexion autour de la gestion des étiages pour le respect des DOE.

Cependant, je souhaite ici souligner que la plateforme MAELIA ne peut pas être considérée comme un objet intermédiaire mobilisable dans un atelier participatif. En effet, le temps nécessaire pour implémenter une alternative (de 30 min à une demi-journée suivant le degré de changement par rapport à la situation actuelle28)

et simuler ses effets sur une dizaine d’années (de 2 à 6 heures suivant les sorties demandées et leur niveau d’agrégation) ainsi que le manque de fonctionnalité automatisée de traitement et d’affichage des sorties rendent impossible son utilisation en direct avec les acteurs. Il est donc nécessaire d’organiser des aller-retour entre ateliers de conception et analyse des résultats en laboratoire où sont conduites les simulations. En revanche, les éléments qui constituent les simulateurs (entrées, formalismes et sorties) peuvent être mobilisés pour réfléchir avec les acteurs comme objets intermédiaires. Par exemple, le module agricole peut être appliqué sur un petit nombre de situations dans des ateliers de conception pour explorer les effets potentiels de systèmes de culture à l’échelle de la parcelle ou d’un agrégat d’exploitations. Les sorties de simulation, une fois traitées, peuvent être formatées pour être utilisées comme objet intermédiaire avec les acteurs. Ainsi par exemple, pour discuter des sorties sur l’hydrologie simulée, j’ai testé l’utilisation du logiciel R. Grâce à ce dernier et à des scripts préexistants, nous générons rapidement des jeux de données analysés et leurs affichage sous forme de graphiques, en fonction de critères et de niveaux d’agrégations spatiaux, organisationnels ou temporels demandés par un groupe d’experts. Ceci pose les bases d’une méthode participative interactive pour l’évaluation multicritère des sorties de MAELIA.

28 La formalisation (et l’intégration) d’une nouvelle distribution de systèmes de culture dans MAELIA est gérée

en deux temps : (1) mise à jour ou création d’un ou plusieurs itinéraires techniques (« Crop Management Strategy - CMS » dans la nomenclature de MAELIA, voir article 1 et 3) c’est-à-dire adaptation ou création d’un jeu de paramètres de règles de déclenchement des pratiques culturales et (2) développement d’une requête SQL pour affecter un système de culture (séquence et CMS) à chacune des parcelles du territoire. Ces requêtes peuvent intégrer des critères relatifs au niveau exploitation pour respecter des critères de changement (ex. la part maximum de la SAU concernée par les changements).