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PARTIE I : DESCRIPTION DE LA RECHERCHE

CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS ET CADRE CONCEPTUEL

1.4 Le cadre conceptuel

1.4.1 Apports et limites de la littérature

La recension des écrits présentée précédemment a permis d’associer de nombreuses théories et concepts provenant de divers domaines de manière à ce que, par leur complémentarité, ils permettent de construire le cadre conceptuel sur lequel est basée cette recherche. De plus, la recension a permis d’approfondir les principaux thèmes et questionnements issus de la synthèse de la problématique présentée en introduction. Nous pouvons distinguer quatre grands domaines d’études, chacun ayant développé sa propre littérature sur tout ou une partie de l’objet de recherche, à savoir : l’évaluation de programme, l’éthique (la philosophie morale et notamment l’éthique appliquée) et, dans une moindre mesure, le droit (en lien avec les droits de la personne) et la neuro-cognition

62 (en lien plus particulièrement avec le processus décisionnel). L’intégration de ces différentes sources a permis de compléter la littérature en évaluation de programme et/ou de combler les lacunes identifiées dans cette dernière. De fait, le principal apport de la littérature en évaluation provient des renseignements apportés par celle-ci sur l’éthique théorique des évaluateurs, ainsi que sur les bouleversements moraux et épistémologiques du domaine. Sa principale limite se trouve liée au manque d’informations sur l’éthique contextualisée des évaluateurs.

Plus spécifiquement, la littérature existante en évaluation de programme a notamment permis de construire le concept d’éthique théorique (ou idéalisée) utilisée dans le cadre conceptuel. En effet, divers auteurs du domaine ont souligné la manière dont certains éléments (par exemple, son caractère moral) influencent l’évaluateur dans ses positions éthiques. Toutefois, nous avons pu compléter ces données grâce à une analyse de la littérature portant sur l’éthique appliquée (notamment dans le domaine de la gestion) qui a permis d’ajouter des facteurs d’influence (tels que le climat et la culture organisationnelle).

De plus, la littérature en évaluation a permis de concevoir et d’encadrer la définition du concept de ‘nouveaux standards’ éthiques. En effet, l’identification d’une nouvelle vague d’approches évaluatives par Guba et Lincoln (1989), ainsi que des caractéristiques communes à celles-ci a permis de regrouper ces approches tout en prenant en compte leurs similitudes et leurs divergences. Ce regroupement ainsi réalisé, associé à la revue de la littérature provenant de domaines connexes (tel que nous l’a inspiré la méthode utilisée par Sheinfeld, 1978) a ainsi permis d’encadrer la définition des nouveaux standards. L’utilisation de ce concept nous a de plus permis de s’extraire de l’étude de standards propres à une théorie évaluative particulière, approche limitante et peu pertinente puisque les évaluateurs ont eux-mêmes tendance à intégrer simultanément plusieurs théories évaluatives dans leur pratique (Christie, 2003).

De plus, la théorisation en évaluation, que cela soit envers la notion d’évaluation de quatrième génération, ou d’une approche évaluative spécifique nous a permis de distinguer le processus d’amplification de la dimension éthique en évaluation. Ce processus se trouvant à l’origine de la démultiplication de standards potentiellement pertinents pour le domaine, sa compréhension s’avère fondamentale dans le cadre de la

63 compilation et de l’étude desdits standards. Ainsi, en analysant la littérature, nous avons pu caractériser ce processus par deux composantes principales, à savoir : l’intégration des valeurs dans la théorie évaluative, et le renforcement de la relation entre évaluateurs et parties prenantes. De plus, l’analyse de la littérature en évaluation nous a également permis de préciser les conséquences d’une telle amplification de la dimension éthique de par l’accroissement des rôles et responsabilités de l’évaluateur. Ainsi, ont notamment pu être proposées comme conséquences : l’expansion de la notion de droits des participants, ainsi que la conception d’un engagement positif de l’évaluateur dans les dimensions sociales et politiques d’une évaluation. La littérature en évaluation nous a permis de détailler ce dernier concept, et notamment de faire ressortir les formes d’engagement cachées (c’est-à-dire les formes moins reconnaissables du fait qu’elles ne se trouvent généralement pas associées au concept d’engagement). Elle nous a de plus permis de proposer diverses justifications à sa promotion, que ces justifications s’ancrent dans une rationalisation à caractère épistémologique ou morale. Cependant, nous avons dû avoir recours à la littérature portant spécifiquement sur les droits de la personne (et notamment leurs définitions universelles) afin de davantage caractériser l’expansion du concept des droits des participants, et ainsi améliorer la compréhension des logiques inhérentes à l’intégration de nouvelles valeurs en évaluation (par exemple, les valeurs démocratiques, d’autonomisation, etc.).

La littérature en évaluation a ainsi contribué à la définition, à l’explication et/ou à la mise en contexte de nombreux concepts en lien avec l’objet de recherche (notamment l’éthique théorique, les nouveaux standards, l’amplification de la dimension éthique, etc.). Cependant, tel que cela a déjà été soulevé en introduction, peu d’informations y sont disponibles quant à la contextualisation de la position éthique des évaluateurs dans la pratique quotidienne. En effet, la littérature propose peu d’éléments influençant la position éthique contextualisée des évaluateurs. Ceux proposés appartiennent soit à la dimension technique (par exemple en lien avec la phase ou le type d’évaluation) soit à la dimension sociale (notamment en lien avec les intérêts des parties prenantes) d’une évaluation. De plus, la réflexion portant sur le processus décisionnel dans la pratique évaluative ne vise principalement qu’à définir un processus idéal à respecter. Nous pouvons ainsi constater que ces informations ne permettent pas la compréhension du processus de contextualisation de la position éthique par les évaluateurs, car elles sont à

64 la fois : isolées les unes des autres; isolées de la pratique évaluative (dans un contexte spécifique); et/ou, dans le cas du processus décisionnel, sont à visée prescriptive. Or, la recension de la littérature en évaluation a permis de faire émerger deux aspects cruciaux pour l’étude de l’éthique dans ce domaine : le lien entre faits et valeurs, et plus spécifiquement l’insécabilité des dimensions technique, sociale et morale (Greene, 1997), ainsi que l’indispensabilité de placer l’éthique évaluative dans un contexte particulier (Mabry, 1999). Pour ces deux raisons, lors de l’étude des positions éthiques des évaluateurs, il nous semble primordial de considérer ensemble les perceptions et le sens donné par les évaluateurs aux différents éléments étudiés au sein du processus décisionnel, et ce, au sein même du contexte de pratique. De fait, étudiant le processus de contextualisation au moyen du processus décisionnel de l’évaluateur, et afin de compléter la littérature en évaluation, nous avons donc puisé dans le domaine de la neuro-cognition afin d’obtenir davantage d’information sur ce processus. Ceci a permis de compiler des caractéristiques inhérentes au processus décisionnel qui l’influencent dans la pratique, et notamment le type de processus cognitif (logique et séquencé versus intuitif), ainsi que les émotions ressenties. De plus, le domaine de l’éthique appliquée en gestion a permis de compléter l’étude du processus décisionnel par la reconnaissance de l’importance des caractéristiques de l’enjeu éthique comme facteur d’influence. Cependant, la théorie initialement envisagée pour ce faire (Jones, 1991) implique l’existence objective et observable de ces caractéristiques et de leurs impacts sur les acteurs décisionnaires. Or, ayant adopté une perspective reconnaissant l’indispensabilité de se focaliser sur les perceptions de tels acteurs en matière d’éthique (tel qu’expliqué précédemment), l’étude de ces caractéristiques a été remplacée principalement par celle de la perception par les évaluateurs de leurs rôles et responsabilités, et complétée par des éléments tels que : les émotions ressenties, ou encore, la perception des contraintes rencontrées en relation avec l’enjeu éthique étudié (qu’elles soient issues des dimensions techniques ou sociales). Enfin, l’éthique et les concepts s’y rapportant se trouvent être sujets à des définitions ambiguës et divergentes en évaluation. La littérature en philosophie éthique a permis de définir de nombreux concepts utilisés en évaluation et de détailler les grandes approches de pensée rationalisant les décisions dans ce domaine. L’éthique appliquée, et notamment la branche de l’éthique professionnelle a permis de mettre en perspective les différents modes de régulation de l’éthique au sein d’une profession. Cela a notamment contribué à

65 nous informer sur les fonctions d’une forme particulièrement utilisée en évaluation, à savoir la déontologie, ainsi que, plus généralement, à nous informer sur la fonction de l’éthique professionnelle au sein d’une profession et du processus de professionnalisation. Mise en relation avec celle du domaine de l’évaluation, cette littérature nous a ainsi permis, dans une certaine mesure, de bénéficier d’un cadre d’analyse afin de faire l’état des lieux des approches et démarches actuellement adoptées en évaluation en vue de professionnaliser la pratique et de développer l’éthique professionnelle. De plus, cela a permis de comparer les enjeux et difficultés soulevés au sein des deux littératures et en lien avec ces deux objectifs (à savoir professionnaliser la pratique et développer l’éthique professionnelle), et notamment de proposer trois principaux défis auxquels l’éthique professionnelle se trouve actuellement confrontée dans le domaine de l’évaluation. Ainsi, les théories et concepts issus des trois différents domaines incorporés à cette recherche, à savoir l’éthique, le droit et la neuro-cognition ont permis de compléter la littérature en évaluation et, par là même, d’approfondir la problématique et d’élaborer le cadre conceptuel. Ce dernier est détaillé dans la section ci-après.