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L’artère carotide dans la pathologie cardiovasculaire

2.3.3 Apport de la prise en compte du mouvement longitudinal

Le mouvement longitudinal de la paroi artérielle et son implication dans la physiopathologie vasculaire n’a été considéré que par un nombre très restreint d’études cliniques, du fait de sa récente caractérisation sur la carotide humaine [Persson et al., 2003].

Études cliniques réalisées à l’Université de Lund, Suède

Une première équipe a récemment mené différents travaux dans l’optique d’étudier le rôle du mouvement longitudinal de la paroi carotidienne dans la physiologie vasculaire, en util-isant une méthode spécifique d’estimation du mouvement du speckle [Persson et al., 2003, Cinthio et al., 2005] sur des séquences d’images US mode B.

Le motif cyclique et reproductible du mouvement longitudinal, illustré par la Figure 2.11d, a été caractérisé pour la première fois dans une étude [Cinthio et al., 2006] menée sur 10 volon-taires sains. Il a été mis en évidence que, durant le cycle cardiaque, la trajectoire du complexe intima média décrit un mouvement rétrograde (i.e. dans la direction opposée au flux sanguin) au début de la systole, puis un premier mouvement antérograde à la fin de la systole, et un second mouvement antérograde durant la diastole. Le retour élastique de l’artère dans le sens opposé au flux sanguin est un phénomène qui n’avait jamais été étudié auparavant. La même étude a également montré que les tissus de la couche adventice ne présentent pas une amplitude de dé-placement aussi importante que les tissus du complexe intima-média, témoignant de la présence d’une contrainte de cisaillement dans la paroi.

Chapitre 2. L’artère carotide dans la pathologie cardiovasculaire – 2.3. Les pathologies cardiovasculaires

Par ailleurs, une étude différente [Ahlgren et al., 2009] réalisée par la même équipe, menée sur la carotide de cochons, a montré que l’administration d’adrénaline (épinéphrine) provoquait

une augmentation de plus de 200% de l’amplitude X du mouvement longitudinal, indiquant

un effet possible du stress mental sur la physiologie vasculaire.

Ces résultats ont étés confirmés par des travaux complémentaires [Ahlgren et al., 2012b], réalisés à nouveau sur la carotide de cochons, montrant que le déplacement longitudinal était lié au taux de catécholamines (i.e. une hormone provoquée par l’état de stress mental et ayant pour effet d’augmenter la fréquence cardiaque et la pression artérielle) dans l’organisme.

No-tamment, les résultats montrent que l’amplitude Xdu mouvement longitudinal augmente de

190% après injection de noradrénaline, de 228% après injection de bêta-bloquant, et à l’inverse diminue de 88% après injection d’adrénaline à faible dose.

D’autre part, une étude [Ahlgren et al., 2012a] menée sur la carotide humaine chez 10 volontaires sains pendant une période de suivi de 4 mois, a mis en évidence que le mouve-ment longitudinal de la carotide reste stable dans le temps, tout en présentant des particularités propres à chaque individu. Notamment, les résultats montrent d’une part que le ratio du pre-mier mouvement antérograde par le mouvement rétrograde, et d’autre part que l’amplitude du premier mouvement antérograde, restent stables dans le temps pour chaque sujet, avec un coef-ficient de corrélation intra-classe (ICC, Intraclass Correlation Coefcoef-ficient) équivalant à 0.88 et 0.76, respectivement.

Études cliniques réalisées à l’Hôpital Universitaire de Sahlgrenska, Suède

Une seconde équipe a également réalisé plusieurs études cliniques visant à caractériser l’as-sociation du mouvement longitudinal de la carotide avec la pathologie cardiovasculaire chez

l’homme. L’amplitude X du mouvement longitudinal estimée en utilisant le logiciel

com-mercial Velocity Vector Imaging (VVI, Research Arena 2 ; TomTec imaging systems GmbH, Unterschleissheim, Allemagne) sur des séquences d’images US mode B.

Une première étude de faisabilité [Svedlund and Gan, 2011b], menée sur 16 volontaires

sains et 16 patients atteints de maladie coronarienne, a montré que l’amplitude Xdu

mouve-ment longitudinal est significativemouve-ment réduite chez les patients en comparaison des volontaires sains (0.112 ± 0.074 mm vs 0.543 ± 0.394 mm, p < 0.0001).

Par la suite, une autre étude [Svedlund and Gan, 2011a], menée sur 10 volontaires sains et 10 patients atteints de plaques d’athéromes, a mis en évidence que la présence de la plaque chez les patients provoque localement une réduction du mouvement longitudinal par rapport aux volontaires sains (0.062 ± 0.028 mm vs 0.142 ± 0.074 mm, p = 0.003).

Chapitre 2. L’artère carotide dans la pathologie cardiovasculaire – 2.3. Les pathologies cardiovasculaires

Basée sur ces premiers résultats encourageant, une étude épidémiologique plus vaste [Svedlund et al., 2011], menée sur 441 patients ayant une maladie coronarienne suspectée, a montré que l’occurrence des accidents cardiovasculaires (i.e. décès, infarctus du myocarde, AVC, et revascularisation de l’artère coronaire) est liée à l’amplitude Xdu déplacement longi-tudinal. En effet, sur une période de suivi de 372 jours, un total de 61 accidents cardiovasculaires s’est produit, indiquant une association avec un mouvement longitudinal réduit, c’est-à-dire une

amplitude X inférieure à la valeur seuil de 0.055 mm, avec une corrélation correspondant

à p = 0.03.

Impact de la contrainte de cisaillement et estimation du mouvement longitudinal

Le déplacement longitudinal de la paroi carotidienne in vivo a été corroboré par un mod-èle mécanique réaliste [Warriner et al., 2008], simulant les propriétés viscoélastiques de la carotide au cours du cycle cardiaque, et basé sur les propriétés hémodynamiques du flux sanguin et physiologiques de la paroi. La force tangentielle exercée par le sang sur la paroi endothéliale, correspondant à la force de cisaillement (wall shear stress) [Davies, 2008], est un facteur important de la physiopathologie artérielle [Malek et al., 1999], dont les origines et implications sont encore discutées aujourd’hui. En effet, cette force peut avoir une influence sur la fonction endothéliale et être un facteur du développement de l’athérosclérose [Cunningham and Gotlieb, 2004, Slager et al., 2005, Groen et al., 2007, Chatzizisis et al., 2007].

Par ailleurs, des études ont mis en évidence la présence d’une contrainte de cisaillement (wall shear strain) intra-murale [Cinthio et al., 2006, Hodis and Zamir, 2008]. Ce paramètre, qui reflète la rigidité artérielle, est engendré par le différentiel de l’amplitude Xdu mouvement longitudinal du complexe intima-média (amplitude maximale) et de celle de la couche adventice (amplitude moindre). Cependant, les causes exactes du mouvement longitudinal provoquant la contrainte de cisaillement de la paroi demeurent inconnues à ce jour.

L’hypothèse qui est privilégiée dans ce travail propose que le mouvement longitudinal soit induit par l’étirement radial des tissus, provoqué par le passage de l’ondée systolique, alors que la force de cisaillement, générée par la friction du sang, n’apporterait qu’une contribution minime au déplacement longitudinal [Hodis and Zamir, 2011]. Il est également probable que la carotide soit soumise à une traction de recul (i.e. en direction du cœur) par l’anneau aortique en phase protosystolique et en phase mésosystolique, expliquant ainsi le mouvement rétrograde (i.e. dans le sens opposé au flux sanguin), propre au motif caractéristique du déplacement lon-gitudinal (Fig. 2.11d) [Cinthio et al., 2006].

Il apparait que le mouvement longitudinal de cisaillement des tissus du complexe intima-média de la carotide représente potentiellement un nouveau marqueur de risque cardiovascu-laire. La principale contribution de ce travail de thèse est axée sur le développement de

méth-Chapitre 2. L’artère carotide dans la pathologie cardiovasculaire – 2.3. Les pathologies cardiovasculaires

odes de quantification du mouvement longitudinal in vivo, appliquées à la caractérisation de son impact dans la physiopathologie vasculaire humaine.

CHAPITRE

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État de l’art des méthodes d’estimation du mouvement et de