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V. Travaux antérieurs sur la tête du Canyon de Capbreton

V.4. Apport en sédiment dans la tête du Canyon

V.4.1. Rôle de l’Adour

Figure I.44 : Divagation de l’Adour depuis le début du quaternaire (2,6 millions d’années). D’après Thibault (1970) et Duboscq (1977) modifiée.

Le Canyon de Capbreton a été en relation très étroite avec l'Adour au cours de son histoire géologique (Klingebiel et Legigan, 1978). Du Plio-Pléistocène à -80 000 BP, le bassin alluvial de l’Adour a changé d’orientation passant d’une direction sud-nord à une direction est-ouest. Ainsi, l’exutoire de l’Adour s’est progressivement déplacé entre Contis et Capbreton (Figure

65 I.44). Pendant les glaciations Riss I et II et Riss III (glaciations Alpines équivalent à 130-200 ka) l’Adour débouchait à Capbreton.

Pendant cette période de bas niveau marin avec connexion à l’Adour, le canyon canalise les écoulements gravitaires alimentés par l’érosion des Pyrénées, via le bassin de l’Adour et des Gaves (Bourillet et al., 2007). En effet, l’apport sédimentaire continental est plus important pendant les glaciations. Ces écoulements, qui prennent naissance lors des crues du fleuve, possèdent une forte charge sédimentaire et sont appelés courants hyperpycnaux. Plus denses que l’eau océanique, ils ont une forte capacité érosive. Actuellement l’Adour, de par sa taille et son débit, serait susceptible de générer ce type d’écoulement (Cirac et al., 2001). On peut supposer qu’il a pu en être de même pour le paléo-Adour (Cirac et al., 2001).

Figure I.45 : (A) Tracés historique de l’Adour (d’après Cuzacq, 1930) ; (B) Exemple d’un panache de l’Adour qui remonte vers le nord (d’après Petus, 2009).

66 Vers -80 000 BP, l’Adour a été capturé par la Nive qui trouve un exutoire à l’ouest de Bayonne. Après la dernière déglaciation (transgression flandrienne), la remontée du niveau marin comble la vallée alluviale de l’Adour et engendre la formation d’une dune littorale en réponse à l'action combiné du vent et de la dérive littorale provoquant alors le déplacement à l'arrière de ce système dunaire de l'Adour et de la divagation de l’embouchure de l’Adour en différents endroits (Figure I.45-A). Entre -80 000 BP et le 14ème siècle, l’Adour débouchera à plusieurs reprises à Capbreton au cours de ses migrations.

La tête du canyon s'est définitivement déconnectée de l’Adour en 1310 AD, lorsque son embouchure s'est naturellement établie au niveau de Souston. En 1578, le creusement d'un chenal dans le système dunaire au droit de Bayonne a artificiellement déplacé l'embouchure de l'Adour à 15 km au sud de la tête du canyon. L'endiguement de l'embouchure du fleuve empêche depuis toute nouvelle reconnexion directe avec le canyon (Klingebiel et Legigan, 1978).

Cependant, bien que déconnecté, l’Adour semble continuer à jouer un rôle dans la distribution de sédiment dans la tête du Canyon de Capbreton. En effet, des études récentes de télédétection basées sur les images satellite MODIS, ont révélé qu’au cours d’une année, le panache de l’Adour (qui exporte 0,25 x 106 t/an de sédiment en suspension) atteint la tête du canyon de Capbreton pendant 20 % du temps (Petus, 2009), lorsque les vents d’est ont tendance à « pousser » le panache en direction du nord (Figure I.45-B).

V.4.2. Interaction avec la dynamique littorale

Les études antérieures portant sur l’interaction entre la tête du Canyon de Capbreton et la dynamique littorale (et plus précisément la dérive littorale) ont conduit au débat scientifique suivant : (1) Duplantier (1976), Froidefond et al. (1983) et Abe (1984) proposent que la tête du canyon n'est pas un réceptacle à la dérive littorale, (2) à l'inverse, Gaudin (2006) propose que la tête soit directement soumise à la dérive littorale et capture le sédiment transporté par ce courant.

(1) Tout d’abord, Duplantier (1976) a établi des cartes de houle en fonction de la direction du vent et des variations bathymétriques (Figure I.46) et précise, par des flèches, les directions de la dérive littorale induites par la divergence des orthogonales au-dessus du canyon. Ainsi,

67 pour une orientation ouest-nord-ouest (Figure I.46-A), les houles pénètrent plus rapidement dans l’axe du canyon que sur les bords où les effets de réfraction sur le fond se font sentir. De ce fait, les crêtes de houle arrivent déformées à proximité du rivage, ce qui limite considérablement les effets de la dérive littorale de part et d’autre du canyon. Pour une houle d’ouest (Figure I.46-B), le même phénomène se reproduit de façon presque identique. Cette hypothèse est soutenue par Froidefond et al. (1983), qui s’appuie sur l’absence de sédiments sableux dans les prélèvements par benne effectués en juillet 1982 dans la tête du canyon (Figure I.42). Il conclut à une contribution minime de la dérive littorale dans l'alimentation en sédiment de la tête de canyon. Une campagne effectuée, entre mai 1982 et janvier 1984, a permis le suivi des mouvements des sédiments superficiels grâce à des traceurs radioactifs. Les résultats, détaillés dans la thèse d’Abe (1984), montrent qu’il y a peu de différences entre les mouvements sédimentaires au nord et au sud du canyon et que ces mouvements se produisent principalement le long d’un profil perpendiculaire à la côte. Le rôle de la dérive littorale n’a pas pu être mis en évidence dans cette étude et la tête du canyon n’apparaît pas comme un piège pour les sédiments. L’essentiel des mouvements s’effectue entre l’estran, la zone de déferlement et le large (profondeur d’eau entre 16 et 17 m). L’auteur attribue cette circulation à la convergence et à la divergence de la houle.

Figure I.46 : Cartes des lignes de houle : A) d’ouest et B) d’ouest-nord-ouest (Duplantier, 1976).

(2) À l’inverse, l’analyse des données de bathymétrie, d’imagerie et de sonar latéral recueillies lors de la mission ITSAS 5 (2001), a suggéré la présence de cicatrices de glissements localisées à l’entrée de la tête du canyon, là où les pentes sont les plus fortes (jusqu’à 7°) (Figure I.47 ; Gaudin et al., 2006). La présence de cicatrices de glissements dans la tête de canyon suggère que celle-ci joue un rôle majeur dans l’initiation de courants

68 gravitaires dans la tête du canyon. En effet, sa morphologie permettrait un piégeage des sédiments grossiers apportés par l’hydrodynamique côtière. Ceci est confirmé par la présence de sable massif dans les carottes au niveau de la tête. Dans ce cas, les pentes fortes de la tête (jusqu’à 7°) impliquent que les sédiments qui s’y trouvent sont dans un état métastable et proches de la rupture. Lors d’évènements météorologiques très énergétiques comme la tempête « Martin », ou de microséismes, les sédiments seraient déstabilisés et transportés vers l’aval par le thalweg axial du canyon, nourrissant l’activité turbiditique dans le canyon (Gaudin et al., 2006 ; Bourillet et al. 2007 ; Mulder et al., 2001).

Figure I.47 : a) Carte d’imagerie acoustique issue de la mission ITSAS 5 (EM1000), et des isobathes issues de la bathymétrie. Les tons clairs indiquent une forte rétrodiffusion et les tons sombre une faible rétrodiffusion. B) profil de pente le long du transect A-B montrant la corrélation entre les cicatrices (Slump scars) et la pente.

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