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Applications des membranes pour la pré-concentration du lait de fromagerie

Chapitre 2 : Revue de littérature

2.8 Applications des membranes pour la pré-concentration du lait de fromagerie

Les membranes sont couramment utilisées dans l'industrie laitière pour générer des ingrédients à valeur ajoutée et pour récupérer des constituants (comme par exemple les bactéries), des produits chimiques ou de l'eau. Un avantage majeur de la technologie de séparation membranaire est que les substances séparées peuvent être récupérées sous une forme chimiquement inchangée (Prasad et al., 2014). La concentration d'un produit par filtration membranaire permet d’augmenter efficacement le potentiel économique de ce dernier (Prasad et al., 2014). La pré-concentration du lait de fromagerie par MF est donc une avenue intéressante puisqu’elle permet de faciliter la commercialisation de concentrés de CN micellaires et de PS natives en prélevant ces dernières avant la fabrication fromagère (Ardisson-Korat and Rizvi, 2004). Papadatos et al. (2003) ont également démontré qu’il était économiquement rentable d’effectuer la MF du lait préalablement à la fabrication du fromage. En fait, les caillés de fromages faits avec à partir de rétentat de MF sont plus fermes que les caillés faits à partir de lait entier et génèrent aussi un lactosérum plus clair, tout en augmentant les rendements fromagers et en diminuant le nombre de cuves de fabrication nécessaires pour une obtenir une même masse de fromage (Singh, 2007; Prasad et al., 2014).

Dans la littérature, des DP de 0,1 et 0,2 µm sont principalement utilisés pour pré-concentrer le lait de fromagerie en MF. Initialement, ce sont les membranes céramiques au concept UTP qui ont été exploitées pour pré-concentrer le lait de fromagerie. Le Berre and Daufin (1996) ont étudié l'efficacité de séparation des CN et des PS à 50°C en utilisant une membrane UTP au DP de 0,1 µm. À un FCV de 2.0X, la transmission des PS dans le perméat a atteint des valeurs entre 70 et 80%, pour une rétention quasi parfaite des CN dans le rétentat. Cependant, pour expliquer la diminution de la transmission des PS à 50°C sous un FCV de 2.0X, l’hypothèse émise par les auteurs fût que la taille des micelles de CN qui obstruaient les pores membranaires diminuait au fil du temps, ce qui

permettrait de générer une couche filtrante plus tenace après une certaine durée de MF. Toujours avec des membranes UTP, Pierre et al. (1992) et Schuck et al. (1994) ont proposé un protocole pour la production de concentrés de CN micellaires purifiés. La méthodologie implique une concentration laitière par MF jusqu’à un FCV de 3.0 à 4.0X, une DF avec 4 diavolumes du rétentat obtenu et une re-concentration du rétentat jusqu’à un FCV de 6.0 à 7.0X (Saboya and Maubois, 2000). Ce type d’ingrédient laitier amène de grands avantages au niveau du rendement fromager et de la vitesse de coagulation (St-Gelais and Savoie, 1993; Caron et al., 1997). Finalement, les membranes UTP ont également été expérimentées par Nelson and Barbano (2005), Zulewska et al. (2009) et Beckman et al. (2010). Nelson and Barbano (2005) ont étudié les performances de séparation d’une membrane UTP au DP de 0,1 µm en concentrant le lait jusqu’à un FCV de 2.0X et 2 DF séquentielles. L’essai de concentration en MF a permis de retirer 56% des PS du lait tandis qu’un retrait total de 95% a été atteint suite aux DF. Zulewska et al. (2009) ont quant à eux comparé l'efficacité de séparation de la membrane UTP avec celle de la MCGP afin de retirer les PS du lait à 50°C. Au niveau des performances hydrauliques, les deux membranes aux DP de 0,1 µm ont généré des flux de perméation constants, bien qu’un plus grand «Total flux decline» a été observé pour la MCGP, ce qui impliquait une augmentation de la PTM. Au niveau de la séparation des protéines laitières, la transmission des PS était similaire pour les deux membranes, avec un retrait de près de 60% suite à une concentration jusqu’à un FCV de 3.0X (Zulewska et al., 2009). Tremblay-Marchand et al. (2016) ont également étudié les performances d’une MCGP au DP de 0,1 µm afin de séparer les CN du lait par MF à 50°C. Les auteurs ont démontré que lorsque le FCV est augmenté jusqu’à 3.0X, la rétention des PS dans le rétentat augmente, tout comme la consommation énergétique globale du système de filtration, tandis que davantage de CN sont perdues dans le perméat (Tremblay- Marchand et al., 2016). La réalisation de 2 DF séquentielles suite à une première concentration a permis d’augmenter la transmission des PS dans le perméat, malgré une augmentation de la consommation énergétique. Ces données ont permis de conclure que l’efficience d’un procédé de MF avec une MCGP n’était pas pour autant améliorée avec l’utilisation d’un FCV élevé et la réalisation de DF (Tremblay-Marchand et al., 2016).

Les systèmes membranaires céramiques préalablement décrits ont permis d’atteindre des performances favorisant la transmission des PS tout en retenant le maximum de CN dans le lait de fromagerie. Cependant, l’arrivée en MF des MPS a permis le développement de procédés de

filtration à des coûts opérationnels beaucoup plus faibles (Mistry and Maubois, 2004; Lawrence et al., 2008). Les conditions opératoires optimales de ces membranes sont moins connues que celles des membranes céramiques, principalement compte tenu de leur géométrie plus complexe (Hu et al., 2015). Lawrence et al. (2008) ont évalué les performances de MPS en utilisant des membranes de PVDF aux DP de 0,3 et 0,5 µm à 10 et 50°C, et à des variant de 50 à 258 kPa. Au niveau des flux de perméation, aucune différence signifiative (p<0,01) n’a été obtenue en fonction de la PTM ou du DP. La composition protéique finale du perméat n’était pas affectée par la température. Au niveau séparatif, la rétention des CN a augmenté en fonction du temps de filtration, passant de 96% à pratiquement 100% au fur et à mesure que la PTM augmentait, principalement due à la couche protéique filtrante d’encrassement qui se formait à la surface de la MPS (Lawrence et al., 2008). Zulewska and Barbano (2013) ont aussi démontré que l’utilisation d’une MPS au DP de 0,3 µm favorisait l’obstruction des pores membranaires par les CN du lait en raison de leur adsorption au matériau et de leur agglomération sous forme de couche filtrante. Les constituants protéiques laitiers peuvent donc produire un encrassement favorable pour la rétention des protéines laitières, en plus de permettre la génération d’un perméat clair riche en PS (Zulewska et al., 2013). Avec un DP de 0,3 µm et un FCV de 3.0X, Beckman et al (2010) ont démontré que pour augmenter la transmission des PS, deux étapes de DF séquentielles couplées à une concentration sur un système de filtration permettaient d’augmenter la transmission des PS de 68% à plus de 97%. Cependant, ces travaux avec de tels DP pour les MPS et un encrassement membranaire volontaire peuvent grandement affecter les performances à long terme de ces membranes, ce qui n’est pas idéal pour la transformation à l’échelle industrielle. Les DP de 0,1 et 0,2 µm s’avèrent donc plus optimaux pour assurer une rétention adéquate des micelles de CN, puisque la séparation résultante permet une concentration des CN dans le rétentat tout en limitant l’encrassement membranaire, tandis que les PS, le lactose et le calcium soluble traversant la membrane sont récupérés du côté perméat (Saboya and Maubois, 2000). Govindasamy-Lucey et al. (2007) ont utilisé des MPS au DP de 0,2 µm pour générer des rétentats à froid (7°C) utilisés pour la standardisation d’un lait destiné à la production du fromage à pizza. Suite à deux DF séquentielles, plus de 36% des PS ont été retirées du lait initial, ce qui demeure beaucoup plus bas que les pourcentages atteints avec les membranes céramiques. Néanmoins, les auteurs ont soumis l’hypothèse que l’utilisation d’une MPS au DP de 0,1 µm aurait permis une perte encore moins grande de CN, bien qu’avec un DP de 0,2 um, seulement 0,04 à 0,05% de CN ont été perdues dans le perméat de MF (Govindasamy-Lucey et al., 2007). Les

résultats obtenus à ce jour aux niveau des performances de séparation des MPS permettent de cibler certaines conditions opératoires avantageuses, mais les performances hydrauliques de ce type de membranes au DP de 0,1 et 0,2 µm ne sont pas caractérisées à ce jour. Il convient donc d’approfondir sur la sélection du DP optimal tant au niveau des performances hydrauliques que séparatives, mais également au niveau de leur encrassement et de leur consommation énergétique lors de la MF du lait.