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III. Les microorganismes immobilisés en œnologie

III.5. Les applications existantes en œnologie

Dans les applications œnologiques, les microorganismes immobilisés sont utilisés pour répondre à des problématiques spécifiques. Les deux techniques les plus employées sont soit l’immobilisation par inclusion soit par floculation.

Dans notre étude, nous nous intéressons strictement aux microorganismes inclus, nous ne présentons donc pas les applications de la floculation.

En ce qui concerne les microorganismes inclus, trois thématiques principales sont traitées : la prise de mousse lors de l’élaboration de vins effervescents, la désacidification des moûts, et le traitement des arrêts de fermentation.

Pour chacune de ces applications, l’immobilisation, en plus de permettre de résoudre un problème technique, présente des avantages supplémentaires:

- réutilisation du biocatalyseur pour des cycles successifs;

- arrêt de la réaction biologique aisément contrôlé par le retrait du catalyseur; - séparation des microorganismes du vin facile et rapide.

Pour les trois applications décrites ci-dessous, les microorganismes immobilisés mis en œuvre sont des levures incluses dans une matrice d’alginate. L’alginate de sodium est un polymère d’acides mannuronique et guluronique extrait d’algue marine (Figure 23) et utilisable pour un produit alimentaire. La formation du gel est facile par réticulation des chaînes de polymères par l’intermédiaire d’ions calcium. Il en résulte un réseau tridimensionnel poreux auquel une forme de petites billes est donnée en faisant tomber au goutte à goutte, une solution mélange d’alginate et de microorganismes dans un solution de chlorure de calcium (Figure 24). Les pores du gel ainsi obtenus sont suffisamment grands pour ne pas engendrer de problèmes de diffusion des substrats et produits. Afin d’obtenir une durée de conservation semblable à celle des levures sèches actives, les billes de levures sont également séchées.

Figure 23 : Structure de l’alginate, polymère d’acides mannuronique et guluronique

Figure 24 : Schéma de fabrication des levures immobilisées dans de l’alginate de calcium Générateur de gouttes

Aiguilles Gouttes

Billes de gel chargées en levures

Agitateur magnétique

III.5.1. La prise de mousse pour l’élaboration des vins effervescents

Dans la méthode traditionnelle d’élaboration des vins effervescents, la deuxième fermentation du vin de base additionné de sucres a lieu en bouteille afin de piéger le gaz produit par les levures. Pour ce faire, les bouteilles remplies de vin de base sont enrichies en sucres et inoculées avec une quantité de levures donnée. Une fois la deuxième fermentation terminée, et un temps de contact de plusieurs mois, la phase de ‘remuage’ commence. Cette étape a pour objectif de ramener le dépôt de levures au niveau du goulot par rotations et inclinaisons progressives de la bouteille. Le dépôt est ensuite éliminé au cours du ‘dégorgement’, qui consiste à éliminer le dépôt préalablement congelé par immersion du col de la bouteille dans une saumure à basse température, sous pression du gaz dissous. La remise à niveau est ensuite effectuée avec la liqueur de dosage.

Dans ce schéma traditionnel, l’étape de remuage est une étape dite limitante : elle est longue, coûteuse et requiert un savoir faire spécifique. Parmi les différents systèmes proposés en remplacement de cette étape, se trouve l’utilisation de microorganismes immobilisés. En effet, l’immobilisation des levures permet de récupérer quasi instantanément l’ensemble des levures, par simple retournement de la bouteille (Figure 25). Les levures S.cerevisiae incluses dans des billes d’alginate de calcium double couche sont commercialisées sous forme sèche. La deuxième couche d’alginate a été mise en place ici afin de supprimer les risques de croissance cellulaire en dehors de la bille, risque existant dans les systèmes monocouche. Ces levures immobilisées sont ajoutées dans la bouteille lors du tirage à raison de 1,3 g.bouteille-1 soit 2.106 cellules.mL-1. Leur emploi en remplacement des levures libres, a montré des cinétiques de prise de mousse semblables, sans différence analytique ou organoleptique sur les vins obtenus. Et la longue étape de remuage a ainsi pu être supprimée.

Figure 25 : Illustration de l’utilisation des levures immobilisées pour la prise de mousse III.5.2. La désacidification des moûts

Comme mentionné ci-avant, il est souvent nécessaire d’éliminer l’acide malique présent dans les vins. Même si la fermentation malolactique est la méthode la plus courante, il peut être

avantageux dans certaines conditions d’utiliser les levures Sch.pombe pour réaliser la fermentation maloalcoolique. Et afin de maintenir des vitesses de fermentation élevées, la désacidification des moûts avant fermentation alcoolique peut être préférée. Cependant, compte tenu de la concurrence entre les souches S.cerevisiae et Sch.pombe (Taillandier et al. 1995) et les vitesses de croissance plus élevées dans le cas de la première, il est nécessaire d’inoculer massivement le moût avec Sch.pombe pour garantir la désacidification du moût. Et dans un deuxième temps, pour éviter d’éventuels faux goûts, il est nécessaire de procéder rapidement à leur retrait du moût une fois celui-ci désacidifié.

Bien que ce schéma paraisse complexe et délicat en utilisant des levures classiques, il est bien facilité par l’utilisation des levures immobilisées. Silva et al. (2003) en ont d’ailleurs démontré la faisabilité industrielle avec des levures Sch.pombe incluses dans des billes d’alginate elles-mêmes placées dans des sacs de nylon suspendus dans les cuves à traiter (Figure 26).

Figure 26 : Mise en œuvre des levures immobilisées pour la désacidification III.5.3. Le traitement des arrêts de fermentation

En vinification, il arrive que la fermentation alcoolique subisse un net ralentissement voire un arrêt total avant l’épuisement total des sucres résiduels. Cet arrêt, qui se produit pour diverses raisons, peut être résolu par l’apport d’une grande quantité de levures dans un état physiologique approprié donc en ayant recours à des levures S.cerevisiae immobilisées. Dans ce cas, les levures subissent un traitement particulier avant immobilisation afin d’assurer par la suite une bonne activité fermentaire même en milieu très défavorable comme lors des arrêts de fermentation. De nombreux essais industriels, certains publiés par Silva et al. (2002), ont montré l’efficacité de ce nouveau protocole.