• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 Le parallèle entre les deux lois et leur application au Brésil

3.1 Application des deux lois au Brésil et leurs impacts

L’application de la LCAPE et de la loi anticorruption brésilienne au Brésil se fait tout d’abord par les investisseurs canadiens qui avaient des investissements au pays. Devant leur propre loi nationale qui prévoyait des sanctions pour les cas de corruption commis à l’étranger ainsi que l’entrée en vigueur de la loi brésilienne, ils ont été forcés de prendre des mesures pour protéger leurs investissements face aux enjeux liés à l’application des deux.

Regardons, tout d’abord, l’application de la LCAPE. Comme dit plus haut, les sanctions prévues sont de nature pénale exclusivement et il est tout à fait nécessaire de prouver l’intention

93

de commettre le crime de corruption pour pouvoir être condamné. La responsabilité subjective prévue dans la LCAPE débouche sur un manque de prévision de la nécessité d’implémentation d’un système de conformité par les sociétés. Celles-ci ne doivent pas prouver leur innocence, mais plutôt se défendre d’une accusation qui doit, de son côté, prouver leur culpabilité. La LCAPE a exclu, comme acte licite, le paiement de facilitation, mais a gardé l’exemption des paiements autorisés en vertu de la législation nationale. Cela veut dire que, si la loi d’un pays permet le versement de sommes à ses fonctionnaires, ces paiements ne seront pas illicites au regard de la LCAPE.

La modification de la LCAPE portant sur la question de la territorialité facilite aussi son application. Avant le changement, la preuve d’un lien était essentielle. Dans le cas du Club Resorts Ltd. v. Van Breda274, la Cour suprême du Canada a dressé une liste non exhaustive de

facteurs de rattachement qui pourraient déterminer la présomption de compétence. Donc, le rattachement territorial était essentiel. Avec les changements, les instances gouvernementales et les organismes d’exécution canadiens ont maintenant le droit d’intenter des poursuites dans le cas d’une infraction liée à la corruption commise à l’extérieur du Canada, si l’auteur est un citoyen canadien, un résident permanent ou une entité constituée ou formée au Canada en vertu d’une loi fédérale ou provinciale. Il est alors devenu beaucoup plus facile de combattre la corruption en dehors du Canada car il suffit que l’acte de corruption ait un lien avec le corrupteur qui possède l’une des caractéristiques prévues dans la loi et non pas avec le Canada. Cela donne encore plus de munitions pour que les sociétés canadiennes ayant des investissements à l’étranger, exigent l’implantation des programmes de conformité. La question n’est pas seulement liée à une mauvaise image, mais plutôt à la possibilité des punitions aussi au Canada, en cas de corruption dans d’autres pays où ils détiennent une participation.

Du côté brésilien, la loi anticorruption couvre les responsabilités administratives et civiles, laissant de côté la question pénale, qui fera l’objet d’une poursuite par d’autres entités et par l’observation d’autres législations en vigueur. Cette loi modifie fortement les principes sur lesquels reposaient les lois qui traitaient du sujet une fois que responsabilise les personnes

94

morales de façon objective. Comme démontré, même si fortement critiquées, ces inclusions visent le changement de façon dont la corruption était combattue jusqu’alors. Le combat s’était montré inefficace et des changements se faisaient nécessaires. On a pu voir la multitude de scandales après scandales de corruption au pays. Pour cela, on a changé la cible et les personnes morales doivent dorénavant répondre pour des actes de leurs employés et préposés et cela, de façon objective. On retourne l’obligation de se défendre du côté de la société, plutôt que d’obliger les autorités à tout prouver. On place la société de façon à la forcer à être active dans le combat contre la corruption aux côtés du gouvernement. Afin que ça ne soit pas si lourd pour les entreprises, la nouvelle loi anticorruption prévoit aussi la possibilité de minimiser les condamnations par le moyen de l’adoption préalable des programmes de conformité dans les sociétés. Juste ou pas, la question de la responsabilité objective est toujours soulignée comme le grand atout de la nouvelle loi anticorruption. Les entreprises brésiliennes, en particulier celles qui ont leur activité liée aux secteurs plus réglementés ou très performants dans le secteur public, doivent comprendre le besoin de mettre en œuvre un bon programme de conformité ou compliance. L’implication de n’importe quel niveau hiérarchique de l’entreprise, dans les cas de corruption avec le service public, pourra engendrer des amendes pouvant être assez sévères pour les entreprises. Comme on l’a déjà démontré, la participation de la société pour mettre en place les programmes de conformité est essentiel car elle devient la principale intéressée dans la prévention, la recherche et la découverte des déviations par rapport aux conduites ainsi que de toute violation de la loi perpétrée par ses employés ou partenaires. En outre, il faut se rappeler que leurs partenaires, investisseurs ou leurs administrateurs peuvent également répondre pénalement.

Si la responsabilité objective est le pilier central de la loi anticorruption brésilienne, la possibilité d'un accord de clémence est considérée comme l'un des aspects les plus importants de son application, tandis que son absence dans la LCAPE est aussi une question importante, comme on l’a souligné plus haut. Par cet accord, les personnes physiques accusées par la loi anticorruption brésilienne déclarent volontairement leurs fautes à l’autorité publique pour diminuer leurs possibles condamnations, en plus de livrer des informations importantes pour les enquêtes. Il faut aussi signaler que, même en matière de procédure administrative, le pouvoir judiciaire jouera un rôle important dans l’assistance et le suivi des différents niveaux du

95

processus de sanctions administratives proprement dit, pour décider si une procédure judiciaire doit être entamée ou pas, afin d’appliquer ou non des sanctions pénales. Ces accords de clémence ont été largement utilisés dans les derniers scandales de corruption au Brésil, principalement dans le cas Lava Jato275.

Cette analyse semble nous montrer des lois qui se complètent en ce qui concerne leur application au Brésil. Les sociétés qui ont des investisseurs canadiens devront donc s’adapter et mettre en place des mesures prévues dans les deux lois. Les investisseurs étrangers voudront que leurs sociétés situées au Brésil soient en parfaite observance des lois en question. Cela deviendra la première vague de l’adoption des programmes de conformité au pays. On pourra voir un peu plus en détail plus loin.