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Analyse de la jurisprudence (64)

F. Application de la loi du 11 juin 2002 dans le temps

La loi du 11 juin 2002 n’a aucun effet rétroactif. Elle ne s’applique donc qu’aux faits qui se sont déroulés après son entrée en vigueur, le 1er juillet 2002. Les faits qui se sont déroulés avant cette date ne peuvent donc pas, à eux seuls, fonder une demande sur les nouvelles dispositions. Il semble cependant justifié de rete-nir des faits antérieurs à la loi, lorsqu’ils se poursuivent après son entrée en vigueur. Ceci à condition que cela ne remette pas en cause des droits définitive-ment acquis (4-5-14-15).

4.4 AUTRES ENSEIGNEMENTS D’AUTRES JURISPRUDENCES

La réalité de la violence ou du harcèlement est également examinée dans le cadre de procédures relatives à des licenciements.

On peut noter que le Tribunal du travail de Nivelles (19 septembre 2003, RG 540/N/2003) a relevé que la règle contenue à l’article 32undecies relatif à la char-ge de la preuve ne s’appliquait pas en matière de licenciement pour motif grave car, au vu de la gravité de la sanction, il serait tout à fait disproportionné d’im-poser au travailleur accusé de harcèlement de prouver sa non existence. La char-ge de la preuve d’un licenciement pour motif grave fondé sur des faits de harcè-lement moral ou sexuel repose donc sur l’employeur.

Relevons que le Tribunal du travail de Mons (17) a considéré qu’était constitutif de motif grave le fait de lancer un extincteur sur son collègue. Il considère cet acte contrai-re à l’article 17 de la loi du 3 juillet 1978 selon lequel le travailleur doit s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire soit à propre sécurité, soit à celle de ses compagnons, de l’em-ployeur ou de tiers (les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 11 juin 2002).

La Cour du travail de Bruxelles, dans un arrêt du 18 décembre 2003 (RG 44671), a considéré que les comportements outrageants (caresser les mains, tenter d’embrasser la personne et ce, de manière réitérée) et les formulations de propositions indécentes

ainsi que le fait d’avoir exercé un chantage illégitime en faisant miroiter la possibilité d’un engagement sous contrat de travail pour autant que la personne réponde aux avances, étaient des comportements de harcèlement sexuel qui justifient le licencie-ment pour motifs graves (qui a été considéré comme la mesure la plus adéquate par l’employeur au sens de l’article 32 septies). Le juge contredit les arguments avancés par le défendeur et se base sur les déclarations des deux plaignantes, faites sous la foi du serment et qui reflètent donc la vérité puisqu’elles n’ont fait l’objet d’aucune plainte en faux témoignage.

La Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 10 février 2004 (RG 44002), précise que les faits de harcèlement sexuel ne peuvent être pris en considération pour un licen-ciement pour motifs graves que pour autant que la plainte du travailleur soit exami-née, que les faits soient suffisamment précisés et que les éléments présentés par la per-sonne mise en cause soient vérifiés.

Il est également intéressant de mettre en évidence 2 jugements pénaux qui reconnaissent le harcèlement sur le lieu de travail en se basant sur l’article 442 bis du Code pénal selon lequel « Quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de 50 € à 300 € ». Cet article ne donne pas de définition légale du concept de harcèlement, il faut donc le pren-dre dans son sens courant, c’est-à-dire, selon les travaux préparatoires, le fait d’importuner une personne de manière irritante pour celle-ci (Chambre des représentants, Doc. Parl. n°1046/8-96/97, session 1996-1997, p.8).

4.5 CONCLUSIONS

Entamer une procédure judiciaire n’est pas un acte anodin, il requière temps, énergie et argent. Les personnes qui ont choisi de résoudre leurs difficultés par la voie judiciaire devaient pour la plupart certainement s’estimer réellement vic-time de harcèlement. Et pourtant, à l’heure actuelle, aucun tribunal du travail n’a reconnu l’existence du harcèlement.

Plusieurs hypothèses explicatives peuvent être avancées:

1) il faut tenir compte du fait que certains comportements qui font partie d’un processus de harcèlement, laissent souvent peu de traces: critiques orales, contrôle excessif du travail, manipulation de la communication, dénigrement de la personne… Il est donc difficile d’apporter un commencement de preu-ve de ces comportements.

2) les demandeurs ont peut-être manqué d’informations:

- sur la compréhension du phénomène de harcèlement qui requière cer-taines conditions spécifiques.Toutes les problématiques d’ordre relation-nel dans la sphère professionrelation-nelle ne constitue pas du harcèlement moral.

- sur l’intérêt de résoudre la problématique par la procédure interne qui présente l’avantage d’être plus rapide, de se dérouler dans un esprit plus pacifique par le biais de la conciliation et qui facilite, comme on l’a vu, la charge de la preuve lors d’une action en justice éventuelle.

D’où l’importance de développer une bonne information au sein des entreprises dans le cadre de la politique de prévention, comme requis par l’article 32 quater,

§1er, 7° de la loi sur le bien-être.

LISTE

1. Tribunal du travail d’Anvers – 12.05.2003- 354055 2. Tribunal du travail de Liège – 14.07.2003 – réf 1304 3. Cour du travail de Liège – 29.09.2003-94/2003 4. Tribunal du travail de Turnhout-10.07.2003-26021 5. Cour du travail d’Anvers – 07.06.2004-2003/0577 6. Tribunal du travail de Bruxelles – 18.07.2003-35/2003 7. Cour du travail de Bruxelles – 16.10.2003-2003/1695 8. Tribunal du travail de Bruxelles – 14.10.2003- 67/2003 9. Tribunal du travail de Bruxelles – 27.10.2003-43/2003 10. Tribunal du travail de Bruxelles – 03.11.2003- réf. 53/2003 11. Cour du travail de Bruxelles –05.02.2004 – réf 265 12. Tribunal du travail de Bruxelles – 03.11.2003 – réf 54/2003 13. Cour du travail de Bruxelles – 05.02.2004- réf 266 14. Tribunal du travail de Bruxelles – 24.11.2003- 53.074/03 15. Tribunal du travail de Bruxelles – 24.11.2003- 53.075/03 16. Tribunal du travail de Mons – 22.12.2003 - 6931/02/M 17. Tribunal du travail de Mons – 12.03.2004 – 5322/03/LL 18. Tribunal du travail de Liège – 03.06.2004 – 334.029 19. Tribunal du travail de Louvain – 03.06.2004 – 3399/02 20. Tribunal du travail de Brugge – 26.04.2004 – 116.881

5 RAPPORT DE SYNTHÈSE D’UNE

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