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Confinement Dans nos expériences de cavitation dans des inclusions d’hydrogel, le

rayon de confinement Rc est compris entre 15µm et 180µm et la pression négative

est de l’ordre de 20 MPa. En utilisant la formule (V.22) avec une tension de surface

σ=73 mN/m et le module élastique du liquideK=2,2 GPa, on trouve que le paramètre

de confinementγest compris entre 7,3.10−12et 1,3.10−8. C’est de plus une borne

supé-rieure car d’après la discussion précédente il faudrait remplacerKpar un module effectif

Keffqui prend en compte l’élasticité de l’hydrogel. Nous ne sommes donc clairement pas

dans un cas où le confinement est suffisamment important pour provoquer les effets

ori-ginaux qui apparaissent près du point critique du système (γde l’ordre de 0,1).

Notamment, on peut calculer à l’aide de la formule (V.23) la zone sur laquelle le liquide

à pression négative est absolument stable dans nos plus petites inclusions, et on trouve

que celui-ci devient métastable dès que la pression est inférieure à 0,4 MPa environ.

C’est une déviation significative mais qui reste faible devant la pression de cavitation.

Gaz Supposons que la cavitation à 20 MPa soit provoquée par des germes gazeux.

Ces derniers devraient donc expliquer le facteur d’environ 0,14 par rapport à la

théo-rie classique pour la nucléation homogène qui prédit une pression de cavitation de

−140 `a 150 MPa environ (voir section 1.1). D’après la discussion de la section (1.4.2)

concernant la pression de cavitation, on devrait alors avoirα≃0,135. C’est une valeur

assez proche du seuil de Blake (αB≃0,15) mais qui reste inférieure, on peut donc avoir de

tels germes dans un état métastable.225

1.6.2 Mécanisme de cavitation

Dans leur étude de 2009, Wheeler et Stroock étudient les différents mécanismes de

cavitation susceptibles d’expliquer l’apparition de bulles dans les inclusions d’hydrogel.

Une analyse minutieuse leur permet notamment d’exclure la nucléation par croissance

de germe gazeux, que ce soit à partir de germes sphériques comme dans notre modèle

ou à partir de poches gazeuses piégées dans la paroi de l’inclusion, ceci à cause de

l’indé-pendance de la pression de cavitation par rapport à une pré-pressurisation du système,

censée dissoudre ou réduire les germes. On devrait donc avoirα=0 dans notre modèle.

Malgré cela, la valeur deαcalculée ci-dessus conserve son intérêt car elle permet

d’éva-luer une borne supérieure des effets liés à la présence de gaz.

Selon Wheeler et Stroock (2009), les deux mécanismes les plus probables sont une

cavitation au sein du liquide aidée par la présence d’impuretés comme des substances

chimiques dissoutes, ou une nucléation hétérogène sur des zones hydrophobes de taille

micrométrique ou nanométrique. Nous discutons de ces deux possibilités ci-dessous.

225. D’après (V.28) ces germes devraient contenir environ 1000 particules de gaz, contenues au moment

de la cavitation dans un germe de rayon 5 nm environ, d’après l’équation (V.30).

valeur prédite par la CNT proviendrait d’un facteur 0,142/30,27 sur la tension de surface

(qui devrait donc être proche de 20 mN/m). Nos expériences sur la dynamique de bulles

(chapitre IV section 3.3) suggéraient que la tension de surface du liquide dans les

inclu-sions était inférieure à celle de l’eau pure, mais plutôt avec un rapport 0,6. Par ailleurs,

pour expliquer nos observations expérimentales qui montrent que la bulle apparaît

systé-matiquement à proximité de la paroi d’hydrogel, il faudrait aussi que les impuretés soient

présentes en plus grande concentration près des parois.

Zone hydrophobe Ce que suggère donc surtout l’observation précédente, c’est que la

cavitation apparaîtsurla paroi. Ceci pourrait être expliqué par la présence de zones

hy-drophobes (voir section 1.5.3). En utilisant les formules (V.48) et (V.49) on peut montrer

que pour expliquer la pression de cavitation observée il faudrait que l’angle de contact

de l’eau sur l’hydrogel soit supérieur à 150°. Ceci est incompatible avec des mesures

ma-croscopiques effectuées par Wheeler et Stroock (2009) qui montrent que l’hydrogel est

plutôt hydrophile (θ∼40°). Cependant, il est possible que microscopiquement la surface

de l’hydrogel soit composée d’une alternance de zones hydrophiles et très hydrophobes,

ces dernières jouant le rôle de sites de nucléation.

Dans les deux cas, nous voyons que notre système expérimental n’est pas le meilleur

candidat pour tester la théorie précédente dans toute sa généralité, puisqu’on aγ≃0

et probablementα=0. Malgré tout, nous verrons que la forme de l’énergie libre est une

information essentielle pour comprendre la dynamique de la bulle de cavitation observée

expérimentalement. Nous pouvons aussi déduire d’autres informations sur l’équilibre de

la bulle que nous détaillons ci-dessous.

1.6.3 Rayon d’équilibre de la bulle

On peut en effet retrouver les résultats obtenus au chapitre III section 3.1 concernant

le rayon d’équilibre temporaireRb : le rayon sans dimension de la bulle yb=Rb/Rc doit

vérifier l’équation (V.38). Comme les dimensions des inclusions sont grandes devantR,

on doit avoiryeq≫1. Si on fait cette hypothèse et qu’on met tout d’abord de côté l’effet du

gaz (α=0), on trouve à l’ordre le plus basybγ1/3qui est bien grand devant 1 puisque

γ≪1. En utilisant la définition (V.15) deγet (V.13) deRon obtient

Rb=Rc

µ

p(0)

K

¶1/3

. (V.50)

qui est identique au résultat (III.9) puisque l’écart∆p des pressions avant et après

cavi-tation est égal àp(0)avec une très bonne approximation. On retrouve le résultat (III.11)

dans le cas d’un confinement élastique en remplaçantKparKeff, et la formule générale

pourβ=Rb/Rcest donc

β=

µ

p(0)

Keff

¶1/3

(V.51)

Comme discuté au chapitre III, la valeur expérimentaleβ≃0,3 implique, selon (V.51) et

(V.47),Keff≃0,7 GPa etKc=4G/31 GPa dont on déduitG≃0,75 GPa d’après (V.44), en

très bon accord avec les mesures mécaniques du chapitre II.

Remarque On peut se poser la question de la correction à apporter au rayon d’équilibre s’il y a

du gaz dans la bulle, en supposant que la nucléation provient d’un germe gazeux. En introduisant

yb=γ1/3(1+ǫ) dans l’équation (V.38) on trouve qu’à l’ordre le plus bas enγon a

ǫ=13¡αγγ1/3¢

(V.52)

où le premier terme correspond à l’effet du gaz et le deuxième à celui de la tension de surface. Avec

les plus grandes valeurs deγdans nos expériences de l’ordre de 10−8et avec la valeur estimée de

α=0,135 on voit que les deux corrections sont négligeables, la première étant de l’ordre de 109

et la deuxième étant de 10−3environ. Des deux effets, notons que c’est la tension de surface qui

est à prendre en compte en premier, mais elle ne commence à avoir une influence perceptible sur

la taille d’équilibre de la bulle que pour des inclusions de dimensions inférieures au micromètre.

Notons que les calculs précédents supposent que la bulle est sphérique à l’équilibre.

Nous avons montré que c’est le cas expérimentalement, même si la nucléation se fait

à partir d’un germe non sphérique sur la paroi. Ceci provient du mécanisme d’éjection

présenté au chapitre précédent, qui décroche la bulle de la paroi pour l’amener vers le

centre de l’inclusion.

1.7 Conclusion

Nous venons de présenter un modèle “tout-en-un” qui permet de décrire la cavitation

dans un liquide confiné, aidée ou non par la présence de germes gazeux. Dans ce cadre,

deux nombres sans dimension suffisent à décrire le comportement du système, ce qui

permet de comparer a priori deux configurations très différentes par les échelles de taille

ou l’ordre de grandeur des pressions mises en jeu. Outre le fait de combiner la théorie

classique de nucléation et l’approche de Blake, l’originalité de notre description est la

prise en compte de deux effets peu étudiés : celui du confinement, et celui de l’élasticité

éventuelle de celui-ci.226

Résumé On peut retenir que dans un liquide métastable confiné, deux éléments sont

en compétition : la présence de gaz non dissous affaiblit la résistance du système à la

ca-vitation (fait bien connu et abondamment décrit, voir chapitre I), alors que nous avons

montré que le confinement a au contraire un effet stabilisant. L’effet de ce dernier sur

la pression de cavitation est relativement faible (pas de modification importante de la

barrière d’énergie de nucléation), mais pour une pression négative donnée, il existe un

confinement critique à partir duquel il n’existe plus de possibilité de nucléer une bulle, le

liquide métastable devenantabsolumentstable. De manière équivalente, pour un

confi-nement donné, il existe une gamme de pressions négatives sur laquelle le liquide est

ab-solument stable, et cette gamme est d’autant plus étendue que la taille du confinement

est réduite. Cet effet est lié à l’élasticité du liquide qui “aide” la tension de surface à

refer-mer les cavités s’ouvrant dans le liquide sous tension. Si le confinement solide n’est pas

226. Des travaux récents montrent que nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à ces aspects :

Hoyt (2006) prend en compte l’influence de la déformation du solide qui constitue l’inclusion dans le cas

où l’eau qu’elle contient cristallise, alors que Martiet al.(2012) étudient la dissolution d’une bulle (sans

gaz insoluble) par changement de la température dans une inclusion supposée infiniment rigide, avec une

approche d’énergie libre similaire à celle développée ici. Par ailleurs, certains de nos résultats sur l’effet du

confinement recoupent ceux obtenus sur les transitions de phase dans les petits systèmes (voir par exemple

Regueraet al., 2003; MacDowellet al., 2004). On peut par exemple déduire la valeurγ

s

=3

3

/4

4

de l’équation

d’expliquer les résultats expérimentaux montrant que la taille de la bulle est

proportion-nelle à celle de l’inclusion dans laquelle la cavitation se produit.

Nous avons aussi profité de ces considérations théoriques pour discuter du

méca-nisme de cavitation dans les inclusions d’hydrogel, le scénario le plus probable étant une

rupture d’adhésion entre le liquide étiré et la paroi, c’est-à-dire une nucléation

hétéro-gène sur des zones hydrophobes à la surface du gel.

Discussion Dans l’état actuel, le modèle possède des ingrédients de base simples qui

amènent pourtant à une grande richesse, avec notamment un diagramme de phase

ty-pique d’une transition du premier ordre dont les deux états possibles ne sont pas le

li-quide et la vapeur, mais le lili-quide avec un germe gazeux et le lili-quide avec une bulle de

cavitation. Cette simplicité, associée à la possibilité de résoudre analytiquement certains

cas simples, donnent un intérêt pédagogique à cette approche.

La réalité des phénomènes de cavitation peut être plus complexe, mais les éléments

physiques restent ceux que nous avons considéré, à savoir la tension de surface,

l’élas-ticité de l’eau et du confinement, et les pressions du liquide ou du gaz. On peut donc

s’attendre à ce que les phénomènes prédits, notamment la spectaculaire disparition de

la possibilité de nucléer une bulle dans un liquide à pression négative à fort

confine-ment (croiseconfine-ment de la spinodale S), soient observables expériconfine-mentaleconfine-ment, même si

c’est dans une gamme de paramètres physiques légèrement différente de celle qui est

annoncée.227

Un autre aspect intéressant est la dissolution d’une bulle de vapeur préexistante lors

du croisement de la spinodale S. Il serait intéressant de vérifier expérimentalement que

le liquide retourne spontanément à un état homogène à pression négative. On pourrait

aussi avoir envie d’explorer expérimentalement le diagramme de phase présenté en

véri-fiant l’existence d’un point critique et en le contournant. Ceci nécessite un contrôle de la

quantité de gaz piégée dans la bulle, ce qui amène à d’autres défis expérimentaux.

Comme on le voit, l’approche théorique que nous avons développée dans cette

pre-mière partie de chapitre constitue un premier pas vers d’autres investigations, qu’elles

soient théoriques ou expérimentales.

227. On pourrait tester cette prédiction en utilisant des inclusions dans un milieu poreux, contenant un

li-quide dont la tension est fixée par un équilibre avec une vapeur sous-saturée comme dans nos expériences.

Le milieu poreux devrait avoir une perméabilité suffisamment faible pour que le liquide n’ait pas le temps

de “fuir” sur l’échelle de temps de la dynamique des bulles de cavitation. En disposant dans le même

échan-tillon des inclusions de taille différente et en tentant de déclencher la cavitation par un stimulus extérieur

(tir laser par exemple) on devrait observer qu’il est impossible d’obtenir de la cavitation dans les plus

pe-tites inclusions. Bien sûr, des défis techniques sont à résoudre : si on veut des inclusions facilement

obser-vables et donc suffisamment grandes il faut soumettre le liquide à une tension faible (quelques mégapascals

donnent un rayon d’inclusion critique de quelques micromètres) ce qui nécessite l’utilisation d’une

humi-dité relative proche de 100 % pour la vapeur extérieure. Un contrôle très précis de la température et de

l’humidité est donc requis. On peut aussi envisager utiliser d’autres méthodes pour générer la tension, par

exemple par refroidissement isochore comme dans les tubes de Berthelot.

2 Dynamique de la bulle de cavitation

Notre objectif va être maintenant de prédire la dynamique de la bulle de cavitation en

milieu confiné, et nous allons pour cela nous appuyer sur l’étude statique de la première

partie du chapitre. Nous avons notamment vu que le “moteur” de l’expansion de la bulle

est le liquide sous tension qui, étiré, cherche à reprendre un volume plus faible. L’équilibre

est atteint quand le liquide a repris son volume au repos, mais l’inertie peut engendrer des

oscillations autour de l’équilibre. L’existence et la persistance d’oscillations dépendent de

la dissipation au sein du système.

Dans nos expériences l’inertie existe et se manifeste par des oscillations extrêmement

rapides (fréquence de l’ordre de quelques MHz). La dissipation existe aussi, et n’autorise

qu’une dizaine d’oscillations de la bulle.

Nous allons ci-dessous élaborer un modèle mécanique permettant de prédire

quanti-tativement ces différents points.

2.1 Ingrédients mécaniques

On peut en général prédire la dynamique d’un système en ayant trois données :

– le paysage d’énergie potentielle Ep qui détermine les forces tendant à mettre le

système en mouvement en chaque point de l’espace,

– la masse inertiellemqui indique la facilité du système à se mettre en mouvement

sous l’effet de ces forces,

– les sources de dissipation.

Dans notre cas, le système est complexe : il comprend le gaz, le liquide et le solide qui

peuvent tous trois être en mouvement, avec a priori un nombre infini de degrés de liberté.

Nous montrerons que sous certaines hypothèses, on peut se ramener à un problème à un

seul degré de liberté, le rayonRde la bulle.

Nous discuterons des sources de dissipation à la fin de ce chapitre, et nous allons tout

d’abord nous intéresser au potentiel et à la masse. Comment les définir ici ?

Energie potentielle Nous avons calculé dans la première partie de ce chapitre l’énergie

libre de l’ensemble {bulle-interface-liquide-solide}, qui est le potentielthermodynamique

de ce système. Nous supposerons qu’il s’agit aussi du potentielmécanique,228c’est-à-dire

Ep(R)=F(R). (V.53)

Nous supposerons ainsi que le potentiel calculé dans un cas statique est aussi celui qui

détermine la dynamique de la bulle. Autrement dit, nous faisons l’hypothèse que la

dy-namique du système est une suite d’états d’équilibre pour le solide et le liquide,229ce qui

implique notamment que la pression et la densité sont uniformes dans le liquide. Nous

reviendrons sur cette hypothèse quasi-statique en fin de chapitre (section 2.6).

228. Cette hypothèse est justifiée par le fait que l’ensemble des termes intervenant dans∆Fproviennent

de travaux des forces de pression, et sont donc d’une “origine mécanique”.

229. Il faut préciser que l’équilibre du système total (solide, bulle et liquide) n’est vérifié qu’au minimumR

b

de∆F(R), mais qu’en n’importe quel autre pointR6=R

b

, le liquide et le solide sont aussi dans un équilibre

proches230 : dans la gamme 2030 °C, les deux modules diffèrent de moins de 1,5 %

(Del Grosso et Mader, 1972; Kell, 1975). On ne les distinguera donc pas dans la suite.

Masse Nous cherchons à décrire notre système à un degré de liberté (R) comme un

sys-tème ponctuel évoluant dans le potentiel précédent avec une masse équivalente, de façon

à pouvoir l’étudier avec les outils classiques de la mécanique du point. Ceci sera possible

si on peut écrire l’énergie cinétique totale du système sous la forme

Ec=1

2m

µdR

dt