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3. LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS SOUR LE RÉGIME DE JEAN-CLAUDE

3.2. Disparitions forcées

Durant les 15 années au pouvoir de Jean-Claude Duvalier, l’une des méthodes de répression étatique les plus courantes consistait à faire « disparaître » des personnes.

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (Convention contre les disparitions forcées) qu’Haïti a signée en 2007, définit la disparition forcée comme « l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de

personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi21 ».

L’article 17 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée en 1993 par l’Assemblée générale des Nations unies, dispose que tout acte

« conduisant à une disparition forcée continue d'être considéré comme un crime aussi longtemps que ses auteurs dissimulent le sort réservé à la personne disparue et le lieu où elle se trouve et que les faits n'ont pas été élucidés ».

JOSEPH PARDOVANY “DISPARU” DEPUIS 1983

Joseph Pardovany, un mécanicien père de cinq enfants, a été arrêté le 8/9 septembre 1983 à Port-au-Prince, probablement en raison de ses liens avec Sylvio Claude, dirigeant du Parti démocrate-chrétien haïtien (PDCH).

Les autorités haïtiennes n’ont pas reconnu la détention de cet homme. Amnesty International a appris au début de 1984 qu’il était détenu aux Casernes Dessalines. Toutefois, Joseph Pardovany ne faisait pas partie des 37 prisonniers politiques élargis à la faveur de l’amnistie proclamée en avril 1985 par Jean-Claude Duvalier. On ignore tout de son sort.

Les disparitions forcées imputables aux agents de l’État sont parmi les violations les plus abominables des droits humains qui ont été perpétrées durant les 15 années du régime de Jean-Claude Duvalier, à la fois en raison de leur ampleur dans la petite république, de leur cruauté et de la durée de ce crime.

(alias Jérôme Jean), 41 ans mécanicien, a été arrêté le 12 novembre 1981 lors d’une descente de police à son domicile de Port-au-Prince. Il était membre du Parti unifié des communistes haïtiens (PUCH).

Les activités communistes étaient érigées en infraction pénale depuis 1969 en Haïti. Rock Charles Derose a été incarcéré aux Casernes Dessalines où il aurait été torturé. Le gouvernement a refusé de reconnaître qu’il était détenu. Des témoins ont toutefois déclaré à Amnesty International qu’il était incarcéré et faisait partie des prisonniers que les autorités avaient emmenés vers une destination inconnue. Selon certaines sources, au moment de son arrestation Rock Charles Derose tentait de créer un syndicat dans l’usine où il travaillait. Il avait été arrêté en octobre 1960 et détenu pendant trois mois pour avoir participé à un meeting de la Fédération des étudiants haïtiens.

Ligue haïtienne des droits humains, a été arrêté le 28 novembre 1980. Il avait défendu plusieurs prisonniers d’opinion adoptés par Amnesty International lors de leur procès en août 1980, qui avait débouché sur leur condamnation à neuf ans d’emprisonnement. Il quittait le tribunal de Port-au-Prince où il tentait d'assister 60 ouvriers de la brasserie nationale menacés d’arrestation quand il a été interpellé et emmené de force par cinq hommes en civil. Il aurait été sauvagement torturé avant d’être remis en liberté en décembre 1980. Joseph Lafontant a été tué en 1988.

DISPARITION

JEAN LALANE a été arrêté le 9 septembre 1983 lors d’une descente de police à son domicile de Port-au-Prince. Il était au nombre des membres du Parti démocrate-chrétien haïtien (PDCH) arrêtés ce jour-là, dont Mérès Briole. Son fils Aubet Lalane a également été arrêté le même jour et détenu pendant trois mois aux Casernes Dessalines avant d’être remis en liberté. Un ancien prisonnier a affirmé que Jean Lalane était l’un des trois détenus qu’il avait vus en mars 1984 alors qu’ils étaient emmenés de leur cellule aux Casernes Dessalines, la tête recouverte d’une cagoule.

DÉTENTION ARBITRAIRE ET TORTURE GÉRARD DUCLERVILLE, un militant catholique laïc, a été arrêté le 28 décembre 1982. Durant sa détention il a été interrogé à propos du programme radio Messe du Matin qu’il animait régulièrement sur Radio Cacique. Il a été remis en liberté le 7 février 1983 sans avoir été inculpé. Il a dû recevoir des soins à l’hôpital, notamment des greffes de peau, à la suite des sévices que les policiers lui avaient infligés. Cet homme a déclaré à Amnesty International : « Ils m’ont djaké et ont commencé à me frapper à coups de matraque [...] J'ai dû recevoir 70 coups de matraque. Au bout d’un moment j’ai senti que c’était trop dur pour moi et que je ne pouvais plus le supporter. Je leur ai dit : ‘Les gars, au lieu de me torturer comme cela, vous feriez mieux de me tuer et d'en finir [...]' » (traduit de l’anglais). Gérard Duclerville a été adopté comme prisonnier d'opinion par Amnesty International.

DISPARITION

WILLIAM JOSMA,ingénieur, aurait été arrêté par des membres des forces de sécurité à Carrefour, un quartier de Port-au-Prince, le 3 avril 1981. Candidat pour la municipalité de Moron (Jérémie) aux élections législatives de 1979, il avait fait partie de ceux que le gouvernement avait obligés à retirer leur candidature. Après avoir été détenu 15 jours aux Casernes Dessalines, il a été transféré au Pénitencier national où il a été maintenu au secret jusqu’en janvier 1982. Des codétenus ont affirmé l’avoir vu alors qu’il était emmené en janvier 1982 vers une destination inconnue, apparemment parce qu’il avait

connaissance d’une tentative d’invasion qui avait eu lieu au début du mois par des exilés haïtiens. Dans une communication officielle adressée à l’organisation en février 1984, les autorités ont reconnu que William Josma était détenu et accusé d'être un terroriste. Aucune autre information n’a toutefois été fournie sur son lieu de détention ni sur son état de santé. Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion.

DÉTENTION ARBITRAIRE

GRÉGOIRE EUGÈNE,fondateur du Parti social-chrétien d’Haïti (PSCH) et éditeur du magazine Fraternité, a été arrêté par la police à son domicile le 18 juin 1984 et emmené aux Casernes Dessalines à Port-au-Prince. Des exemplaires du dernier numéro de Fraternité ont été saisis ainsi que sa voiture et son matériel d’imprimerie. Grégoire Eugène a été remis en liberté le lendemain, mais placé en résidence surveillée jusqu’en septembre.

arrêté le 16 octobre 1980 à l’aéroport de Port-au-Prince. Il rentrait de New York où il avait interviewé l’ancien président haïtien, Paul Eugène Magloire, qui vivait en exil. Détenu au secret pendant 10 jours aux Casernes Dessalines, il a été libéré sans avoir été inculpé. Le juge qui a ordonné sa remise en liberté lui a dit qu’il avait été arrêté à cause de ses émissions à la radio, considérées « subversives ». Evans Paul a raconté à Amnesty International ce qu’il avait subi : « Plusieurs personnes armées de gourdins […] m’ont violemment frappé. Un homme […] a passé un long bâton entre mes jambes et mes bras. J’étais comme une balle. J’ai eu l’impression que tout mon corps allait se briser. Ils m’ont ensuite frappé à coups de bâton. Un moment j’ai pensé que j’allais mourir. Ils m’ont donné quelque chose à boire. Puis ils ont recommencé, c’était encore pire. La peau de mes fesses était arrachée. Je saignais abondamment. Cela ne les a pas rebutés. On peut dire au contraire que la vue de mon sang les excitait encore plus. Quand j’étais sur le point de mourir ils m’ont détaché et traîné jusqu’à une cellule obscure. On n’y voyait rien. » (Traduit de l’anglais)

retour en Haïti après son retour des États-Unis, où il avait passé une quinzaine d’années. Des policiers en uniforme l’ont emmené aux Casernes Dessalines.

Après un interrogatoire superficiel il a été jeté dans une cellule obscure, sale et humide où il a été maintenu à l’isolement, en sous-vêtements, jusqu’au 19 novembre, date à laquelle il a été libéré sans la moindre explication. Frank Blaise a décrit les mauvaises conditions de détention, la nourriture insuffisante et l’absence de soins médicaux aux Casernes Dessalines. On ne lui a fourni aucune explication sur sa détention arbitraire, mais il a déclaré à Amnesty International qu’il pensait que son arrestation pouvait être liée au rôle qu’il avait joué, en tant qu’agronome, pour améliorer les conditions de vie des ouvriers agricoles ainsi qu’à un livre qu’il avait rédigé à propos de la réforme agraire en Haïti.

DÉTENTION ARBITRAIRE ET TORTURE SYLVIO CLAUDE, pasteur et membre de l’opposition, a été arrêté à plusieurs reprises entre 1979 et 1983. C’est ainsi que le 22 février 1979 il a été arrêté avec un ami par un groupe de « tontons macoutes » à son domicile de Mirebalais (département du Centre). Selon des témoins, les deux hommes ont été menottés et passés à tabac avant d’être emmenés aux Casernes Dessalines. On l'a ensuite battu et on lui a administré des décharges électriques sur la plante des pieds. Puis il a été mis dans un avion et expulsé vers la Colombie. Rentré en Haïti quelques mois plus tard, il a annoncé, en juillet 1979, la création du Parti démocrate-chrétien haïtien (PDCH). Arrêté le 30 août 1979, il a été détenu aux Casernes Dessalines puis transféré au Pénitencier national où il a été inculpé d’« activités subversives ».

Remis en liberté le 30 avril 1980, il a de nouveau été arrêté à la mi-octobre dans le cadre d’une nouvelle vague de répression en Haïti. En août 1981, Sylvio Claude et 25 coaccusés ont été déclarés coupables d’incendie volontaire et de complot contre la sécurité intérieure de l’État. Vingt-deux d’entre eux, dont Sylvio Claude, ont été condamnés à 15 ans d’emprisonnement assortis de travaux forcés. Leur peine a été ramenée à six ans en août 1982 à la suite d’un appel et d’un nouveau procès. Des observateurs internationaux ont affirmé que ni le premier procès ni le deuxième n’avaient respecté les normes internationalement reconnues. Ils ont été graciés par le président en septembre 1982 et remis en liberté. Sylvio Claude a été détenu pendant deux jours en décembre 1982 et, arrêté à nouveau en octobre 1983, il a été incarcéré pendant 77 jours aux Casernes Dessalines sans être inculpé. Amnesty International le considérait comme un prisonnier d’opinion. Sylvio Claude a été tué le 30 septembre 1991.

DÉTENTION ARBITRAIRE ET TORTURE JOCELYN BOCHARDa été arrêté le

16 novembre 1979 après avoir eu semble-t-il des contacts avec un dirigeant politique vivant en exil. Il a passé cinq mois à l’isolement dans une cellule obscure aux Casernes Dessalines où il aurait été passé à tabac. Il a ensuite été transféré au Pénitencier national. Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion. Il a été libéré en avril 1985 à la faveur d’une amnistie présidentielle s’appliquant aux prisonniers politiques ; il avait passé près de six ans en prison sans avoir jamais été inculpé.

DISPARITION

JOSEPH BIEN-AIMÉ, un veuf quinquagénaire, père de huit enfants, a été arrêté à son domicile le 13 mai 1983.

Ce membre du Parti démocrate-chrétien haïtien (PDCH) avait déjà été détenu du 29 septembre 1979 au 31 décembre 1981. Une de ses filles a déclaré en 1986 à Amnesty International que le lendemain de l’arrestation de son père elle s’était rendue au siège de la police où on

DISPARITION

MÉRÈS BRIOLE,membre des Volontaires de la sécurité nationale (VSN) et sympathisant du Parti démocrate-chrétien haïtien (PDCH), aurait été arrêté le 9 septembre 1983 à Port-au-Prince, en même temps que d’autres membres du PDCH dont certains ont été libérés par la suite. Selon certaines sources, Mérès Briole avait son chéquier sur lui quand il a été arrêté et les membres des

Les disparitions forcées provoquent chez les proches des victimes une souffrance déchirante.

Ne sachant pas si l'être aimé est mort ou s'il est encore en vie, ils ne peuvent pas faire leur deuil et se retrouvent dans l'impossibilité de résoudre certains problèmes juridiques ou matériels. Pour eux, la disparition forcée continue indéfiniment, et c’est pour cette raison qu’elle est considérée comme un crime « continu22 ».

Dans certains cas de disparition forcée, le corps de la victime finit par être retrouvé, parfois à la suite d’une enquête. Toutefois, dans la plupart des cas, on considère au bout d’un certain temps que la ou les personnes ont été tuées et que leurs restes ont été dissimulés pour empêcher que les responsables aient à rendre compte de leurs actes.

La disparition forcée a été utilisée en Haïti pour éliminer des opposants politiques, des syndicalistes et des défenseurs des droits humains, ainsi que d’autres personnes considérées comme représentant une menace pour le pouvoir ou les intérêts de l’État. En 1986, Amnesty International a appelé les autorités haïtiennes à ordonner une enquête sur la disparition de plusieurs centaines de personnes pendant les années 1970 et 198023. Les responsables bénéficient jusqu’à ce jour d’une impunité totale et, dans bien des cas, les familles des disparus ignorent toujours le sort de leurs proches.

Sous les gouvernements de François et de Jean-Claude Duvalier, le secteur de Titanyen, à la périphérie nord de Port-au-Prince, était connu pour être le lieu où ont été dissimulés les restes de plusieurs opposants politiques qui y avaient été enlevés puis exécutés. Selon des informations fournies par d’anciens prisonniers politiques, des tombes anonymes dans la cour de Fort Dimanche contiennent aussi les restes de détenus.

Jacques Emmanuel Bonheur et Augustin Auguste, membres du PDCH, sont deux victimes de disparition forcée dont le cas a été révélé par Amnesty International. Arrêtés respectivement en décembre 1985 et en janvier 1986 ils ont ensuite « disparu ».

AUGUSTIN AUGUSTE « DISPARU » DEPUIS JANVIER 1986

Selon certaines sources, Augustin Auguste a été arrêté le 28 janvier 1986 à Port-au-Prince par des membres des VSN. Il aurait été vu à l’hôpital militaire puis emmené à Fort Dimanche où il aurait été tué par balle le 3 février. La famille de cet homme n’a jamais été informée officiellement de son sort.

Sa fille a déclaré à Amnesty International : « Le 28 janvier 1986 mon père est sorti. Jusqu’à présent il n’est pas revenu. Nous ne savons pas où il est passé. Mardi nous avons été voir un de nos cousins à l’Hôpital militaire. Il nous a dit l’avoir vu à l’Hôpital militaire accompagné des « tontons macoutes » armés de machettes. Il avait la tête cassée donc on était venu avec lui dans cet hôpital en vue de lui panser les plaies.

Et puis après on est retourné avec lui au Bureau de supervision générale [le siège des « tontons macoutes » à Port-au-Prince] et il n’est pas revenu encore. Et après on me dit qu’on l’a conduit à Fort Dimanche, et c’est là qu’on l’a exécuté. »

Augustin Auguste avait déjà été arrêté à plusieurs reprises en raison de son appartenance au PDCH.

3.3. CAS DE MORT EN DETENTION

Tout au long de la présidence de Jean-Claude Duvalier des personnes sont mortes alors qu’elles étaient détenues par les forces de sécurité. Le nombre de cas signalés laisse à

penser que les détenus ont été victimes d’exécution extrajudiciaire ou qu’ils sont morts des suites de torture, de maladie ou de manque de nourriture et de soins. En 1977, Amnesty International a déclaré qu’en Haïti « des conditions d’hygiène épouvantables, les maladies, les mauvais traitements, la privation de nourriture, la torture et les exécutions arbitraires déciment les prisons. Haïti est un des pays où la mortalité parmi les prisonniers est la plus élevée24 ».

TÉMOIGNAGE D’UN PRISONNIER

« Le 23 janvier 1973, on comptait 105 prisonniers politiques à Fort Dimanche dans le quartier de La Saline à Port-au-Prince, une centaine dans les cachots du Pénitencier national rue Centre à Port-au-Prince, une cinquantaine dans des cellules individuelles et collectives aux Casernes Dessalines sous l’autorité spéciale du général Bréton Claude et un nombre indéterminé dans des prisons provinciales, à Saint-Marc, aux Gonaïves, à Ouanaminthe, etc. Au total, le nombre de prisonniers politiques localisés et toujours en vie dans les prisons de Duvalier s’élevait à 400 environ. » (Traduit de l’anglais)

Témoignage d’un ancien prisonnier politique libéré en 1973.

En 1973, la presse haïtienne a fait état d’un message que des prisonniers avaient fait sortir clandestinement de Fort Dimanche et qui révélait que 60 prisonniers étaient morts entre 1971 et 197325. Quatre ans plus tard, le nombre de morts en détention à Fort Dimanche avait plus que doublé. Entre 1972 et 1977, plus de 150 prisonniers seraient morts

d’inanition ou des suites de diverses maladies liées aux conditions inhumaines de détention.

Ainsi, la tuberculose, endémique n’était pas contrôlée ni traitée par les autorités médicales de la prison. Des exécutions ont également été signalées durant ces années.

Hubert Legros, avocat, serait mort de tuberculose en décembre 1975 dans la cellule n° 6 de Fort Dimanche. Pierre Laurent, tailleur, est mort de tuberculose la même année dans la cellule n° 8. Les prisonniers tuberculeux partageaient leur cellule avec des codétenus qui n’étaient pas malades. Un prisonnier libéré en 1977 a déclaré qu’il y avait 200 prisonniers entassés dans la prison de Fort Dimanche. « À tout moment 50 au moins étaient

tuberculeux. Nous devions partager 18 verres pour boire. Le taux de mortalité était naturellement élevé car les malades transmettraient leurs microbes aux autres. Dès que quelqu’un mourait, il était remplacé […] Les gens mouraient toujours de tuberculose ou de diarrhée26. » (Traduit de l’anglais)

Les familles des prisonniers n’étaient pas informées quand ils étaient malades, ni même quand ils mouraient. Les informations sur la mort ou l’état de santé des détenus ne pouvaient être obtenues qu’auprès des anciens prisonniers. Les autorités haïtiennes n’ont reconnu aucun décès à Fort Dimanche.

Les documents publiés par l’organisation en 1986 signalent le cas de deux hommes morts en détention à la caserne de Hinche (département du Centre). En janvier 1983, Pierre Joseph a été battu à mort. Deux ans plus tard, le 15 janvier 1985, Roland Noël, employé du ministère du Commerce, a été arrêté à Hinche. On a appris que des soldats l’avaient battu le

lendemain dans la cour de la caserne. Ils l’auraient déshabillé et lui auraient attaché les mains avant de le suspendre et de le frapper. Roland Noël est mort le 21 janvier 198527. On ne saura probablement jamais combien de prisonniers sont morts en détention. Seule une liste partielle peut être dressée à partir des témoignages d’anciens prisonniers.

4. LES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS EN HAÏTI SONT DES CRIMES AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL

« Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose, comme sanction du droit international. »

Jugement rendu à l’issue du procès des principaux criminels de guerre devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, les 30 septembre et 1er octobre 1946.

Les actes de torture, les disparitions forcées, les arrestations arbitraires et les exécutions extrajudiciaires qui ont été perpétrés sous le régime de Jean-Claude Duvalier constituent des crimes au regard du droit international. Certains de ces actes peuvent être assimilés à des crimes contre l’humanité lesquels sont reconnus comme des crimes au regard du droit international depuis la Seconde Guerre mondiale. Les crimes contre l’humanité sont

reconnus pour leur gravité particulière et pour leur caractère inacceptable pour la conscience de l'humanité. Ces crimes sont si graves qu’ils concernent non seulement les victimes, les survivants ou l’État en question, mais aussi l’humanité tout entière28. Ils relèvent de la compétence universelle29, ce qui signifie que tout État peut ouvrir une enquête et engager des poursuites contre des individus soupçonnés de crimes contre l’humanité.

Jean-Claude Duvalier est inculpé de crimes contre l’humanité commis en Haïti alors même que de tels crimes ne sont pas encore définis dans le Code pénal haïtien. Toutefois, ces crimes relevant du droit international, Haïti est tenu d’ouvrir une enquête sur ces violations, d’engager des poursuites pour crimes contre l’humanité et de permettre aux victimes d’accéder à la justice, de connaître la vérité et d’obtenir des réparations.

Il existe un nombre suffisant de témoignages et de nombreuses allégations qui laissent à

Il existe un nombre suffisant de témoignages et de nombreuses allégations qui laissent à

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