(conception, suivi, évaluation), correspond à la description de ces villes du continent africain, incapables de satisfaire les besoins de la majorité de leurs populations, natifs comme néo-urbains venus s’y échouer en masse depuis la campagne. Impulsés par les institutions financières internationales, les plans de réajustement y ont parfois même eu pour effet de compresser drastiquement les dépenses sociales, éducation et santé notamment. Liée à la crise économique et politique que connaît le pays depuis 2008, la paralysie de nombreux services publics achève de réduire dramatiquement le pouvoir d’achat et la sécurité des urbains. Dans pareil contexte de dégradation des conditions de vie, la « créativité » des citadins correspond d’abord à des stratégies de survie et aboutit à une « ruralisation des villes » (Dubresson, Raison, 1998). Ainsi, des néo-urbains, sans emploi salarié, développent des stratégies de gestion du risque en recréant dans les quartiers des micro-activités agricoles et d’élevage. En périphérie de la capitale, d’autres reconstituent des habitats sommaires, peu différents de ceux des villages, eu égard à leurs difficultés de logement dans le centre. On est loin des creative mobilities développées dans les pays du Nord. Un certain nombre d’auteurs peuvent aujourd’hui légitimement interroger : la perspective d’une urbanisation généralisée, en particulier dans les pays du Sud, constitue-t-elle un atout ou un frein au développement ? (Véron, 2007). En Asie, comme en Afrique, l’évolution des villes participe de la tendance mondiale à la généralisation croissante de l’habitat urbain. Mais même si l’Afrique affiche aujourd’hui le plus fort taux de croissance urbaine, le continent, comme l’Asie, compte encore une majorité de ruraux, toujours défavorisés en termes d’accès par exemple à l’eau et à l’électricité (Cohen, Montgomery, Reed, Stren, 2003). Dès la fin de la première décennie du millénaire, la Banque mondiale a témoigné d’un regain d’intérêt pour le monde rural dans son dernier rapport, remettant au premier plan la nécessité de l’appui au secteur rural (Rapport Banque mondiale, 2008). Ainsi, à Madagascar, 8 personnes sur 10 vivent essentiellement en milieu rural. Les situations, les modes de gestion des ressources et de l’espace, les systèmes de valeurs et les représentations y sont marquées par la diversité, par exemple entre un paysan betsileo et un éleveur mahafaly. De même, la perception de la pauvreté ne s’y manifeste pas de la même façon selon l’ethnie d’appartenance, par exemple pour un Antandroy ou pour un Merina. Cependant, si certains parviennent à obtenir une grande partie de leur alimentation et de leurs ressources de l’agriculture et de l’élevage, les inégalités spatiales dominent, comme observé par le Réseau des observatoires ruraux (Gastineau, Gubert, Robilliard, Roubaud, 2010). Ainsi, près des trois quarts de cette population rurale vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. La proportion de personnes vivant en situation d’extrême pauvreté y est plus élevée encore qu’en milieu urbain et la malnutrition chronique y atteint entre le tiers et la moitié des enfants de moins de 5 ans, comme consigné dans un rapport récent pour l’Unicef que nous avons expertisé en tant que membre de l’International Reference Group (Carlson, Christofides, Greiner, 2016). Cependant, il ne s’agit pas d’opposer milieux ruraux et milieux urbains. Les auteurs peuvent rejeter la vision d’une « Afrique authentiquement rurale menacée de perdition par la ville ». Car ce déploiement urbain peut aussi se répercuter dans les campagnes par la circulation des pratiques ordinaires, de l’épargne et des cultures urbaines (Ben Arrous, 2006, p. 45). Par ailleurs, les artistes et artisans d’art peuvent aussi jouer un rôle à la campagne, en dépit de la faiblesse de la densité démographique, du manque d’équipements culturels, voire de l’absence d’ingénierie culturelle (Delfosse, Georges, 2015). Et cela, même si la promotion généralisée des territoires par la creative classe urbaine peut sembler bien cynique dans des pays comme « la Grande île », où de nombreux villages malgaches sont aujourd’hui encore isolés, accessibles en charrette, à pied ou par des pistes praticables uniquement en saison sèche (Gastineau, Gubert, Robilliard, Roubaud, 2010). En retour, il est difficile de conclure que c’est le processus d’urbanisation qui plupart des auteurs ont écarté la thèse d’un développement économique, politique et social dans des campagnes sans villes (Keyfitz, 1996). Au contraire, ils ont plutôt lié étroitement l’essor des villes et l’harmonie sociale (Bairoch, 1996). Une réserve est cependant systématiquement émise : que l’inflation urbaine ne se transforme pas en « phénomène autonome » dans les pays et régions les plus pauvres en capabilités, au sens de bien-être et capacité des individus à « être et à faire » (Sen, 2000) ; en livelihoods, au sens de manières de gagner sa vie et s’assurer sa sécurité (Chambers, Conway, 1992) ; ou encore en équité, au sens d’égalité des opportunités (Morrison, 2008). Or, tel est le cas, lorsque les migrations rurales qui grossissent les villes ne sont aucunement liées à des marchés du travail urbain. Les analyses de plus en plus fines freinent toute tentative de généralisation, les dynamiques urbaines se révélant fort complexes et étroitement liées aux contextes, mondial, continental, régional, mais surtout local. Certaines villes offrent ainsi des périmètres urbains, comme Dharavi au cœur de Mumbay en Inde, constituant à la fois un bidonville et, paradoxalement, un site urbain structuré, qui intègre rapidement ses nouveaux migrants et divers activités créatives relevant principalement du travail du cuir, de nature à intéresser les marchés internationaux (Saglio-Yatzimirsky, 2017). D’autres demandent réinterrogation des phénomènes de ségrégation en termes d’intensité et de formes, par exemple dans le Sud méditerranéen, où les villes italiennes, espagnoles, portugaises, grecques… se présentent à l’écart des transformations des villes postfordistes, trop souvent analysées depuis l’Amérique du Nord (Pfirsch, Semi, 2017). D’autres, encore, expérimentent de nouvelles formes de « villes rurales vertes », comme à partir du modèle de Porto-Novo au Bénin, étendu au niveau de la sous-région autour des valeurs, dites « traditionnelles », de vision, courage, discipline, solidarité, sens du bien commun et… créativité (Pini-Pini Nsasay, 2017). Enfin, le lien entre exclusion et urbanité est constamment discuté : les phénomènes de ségrégation spatiale, vécus par un nombre croissant de personnes vivant dans des situations de précarité ou de marginalisation, peuvent peut-être se révéler plus sensibles en milieu urbain mais uniquement parce qu’ils y sont plus visibles, sans pour autant témoigner d’une caractéristique et d’une exclusivité urbaines. « Les problème sociaux [qui] se concentrent dans certaines parties de l’aire urbaine [prouveraient à la fois] qu’il y a un problème dans la ville et [qu’il n’y a] en rien [un problème] de la CONCLUSION Plusieurs auteurs ont vu dans la thèse de Florida, pour le moins, un « bon coup Dans le document La ville, lieu de diffusion ou de captation des ressources ? Une analyse critique des politiques urbaines d'attractivité de la « classe créative (Page 30-33)