Propri´et´es :
– |α|= 0⇐⇒α= 0 :
⇐ est imm´ediat d’apr`es le premier point de la d´emonstration pr´ec´edente.
⇒ Par contrapos´ee, si α ∈ R∗+, alors |α| = α 6= 0 d’apr`es le deuxi`eme point. Et si α ∈ R∗−, alors d’apr`es le troisi`eme point |α| = −α donc
|α| ∈R∗+.
– ∀α, β∈R,|α+β| ≤ |α|+|β|:
Soient (an)n∈Net (bn)n∈Ndes repr´esentants deαetβdeux r´eels. D’apr`es le th´eor`eme 5.1, la suite (|an+bn|)n∈Nest un repr´esentant de|α+β|, tout comme les suites (|an|)n∈Net (|bn|)n∈Nsont des repr´esentants des r´eels|α| et|β|respectivement.
Or, d’apr`es l’in´egalit´e triangulaire dansQ, on sait que pour tout entier n, on a|an+bn| ≤ |an|+|bn|. La suite (|an|+|bn| − |an+bn|)n∈Na donc tous ses termes positifs, et donc|α+β| ≤ |α|+|β|.
– ∀α, β∈R,|αβ|=|α| · |β|:
Avec les mˆemes notations, un repr´esentant de|αβ|est la suite (|anbn|)n∈N, c’est-`a-dire en utilisant la mˆeme propri´et´e dans Q (d´ej`a d´emontr´ee), la suite (|an| · |bn|)n∈N, dans laquelle on reconnaˆıt l’expression du produit des deux suites de Cauchy (|an|)n∈Net (|bn|)n∈N, d’o`u la propri´et´e annonc´ee.
Annexe : Topologie de R
Nous terminons cette construction des nombres r´eels par des propri´et´es d’ordre topologique. Nous avons construit R comme l’ensemble des suites de Cauchy de rationnels (quotient´e par l’id´eal des suites convergeant vers 0). Nous allons voir ici qu’il ne servirait `a rien de recommencer une telle construction en esp´erant obtenir d’autres nombres, ce qui n’aurait a priori rien d’absurde. En fait, toute suite de Cauchy de r´eels converge elle-mˆeme vers un r´eel : on exprime cette propri´et´e en disant que l’ensembleRest complet.
Lemme Q est dense dansR.
D´emonstration : Soient α et β deux r´eels v´erifiant α < β. On cherche un rationnela∈]α;β[.
Soient (an)n∈Net (bn)n∈Ndes repr´esentants deαetβ. On aβ−α >0 donc il existe un rationnel >0 et un entiern0tel que, pourn≥n0, on aitbn−an≥ (th´eor`eme 2.4, la deuxi`eme possibilit´e ´etant exclue).
Soit ensuite, en utilisant la d´efinition d’une suite de Cauchy,n1≥n0tel que pour tousn, p≥n1,|an−ap|<
4 et |bn−bp|<
4. Il suffit alors de posera=an1+
2. En effet, on a pour toutn≥n1 : an≤an1+
4 ≤a− 4 10
D’autre partn1≥n0 doncbn1 ≥an1+et donc pour toutn≥n1 : bn≥bn1−
4 ≥a+ 4
Le rationnelaconstruit est donc bien dans l’intervalle ]α;β[.
Afin de d´emontrer la compl´etude deR, on a besoin du lemme technique qui suit. Rappelons l’existence d’un plongementϕdeQdansR. Via ce plongement, une suite de Cauchy de rationnels nous donne une suite de Cauchy (de rationnels
´egalement) dansR.
Lemme Soit u = (un)n∈N une suite de Cauchy de rationnels, et α le r´eel qu’elle repr´esente. Consid´er´ee dansR, la suite(un)n∈Nconverge, vers le r´eelα.
D´emonstration : Soit un r´eel strictement positif, et soit 0 un rationnel v´erifiant 0< 0≤(c’est possible car Qest dense dansR).
Soitn0∈Ntel quen, p≥n0=⇒ |un−up|< 0.
Pourn≥n0d´esormais fix´e, ceci implique que la suite (un)n∈Nest comprise,
`
a partir du rangn0, entre la suite constante ´egale `aun−0 et la suite constante
´egale `aun+0, d’o`u dansR:
|α−un|< 0≤
Mais ceci est vrai pour toutn≥n0, c’est-`a-dire que dansR, la suite (un)n∈N
converge versα.
Th´eor`eme Rest complet.
D´emonstration :Soit une suite de Cauchy (αn)n∈NdansR. Soit (n)n∈Nune suite de rationnels tendant vers 0. Par densit´e deQ dansR, on peut trouver une suite (un)n∈Nde rationnels v´erifiant :
∀n, |un−αn| ≤n
(Cette suite ´etant obtenue en prenant, pour chaque indice n, un rationnel un
dans l’intervalle ]αn−n;αn+n[.)
Par l’in´egalit´e triangulaire (dansR), on a pour deux entiersnetp:
|un−up| ≤ |un−αn|+|αn−αp|+|αp−up| ≤n+p+|αn−αp| On en d´eduit ais´ement que la suite (un)n∈N est elle aussi de Cauchy, et qu’elle converge vers le r´eelαqu’elle repr´esente (lemme pr´ec´edent).
Comme par constructionun−αnn−→
→∞0, il vient : αnn−→
→∞α
et la suite (αn)n∈Nconverge bien dansR.
N.B.L’ensembleR, construit par les suites de Cauchy de rationnels, est appel´e compl´et´e de CauchydeQ. Cette construction est possible `a partir de n’importe quel groupe archim´edien.
Enfin, il existe d’autres constructions de R, notamment par les coupures (construction du math´ematicien allemand Dedekind). Cette construction, dans
11
les grandes lignes, consiste `a d´efinir un r´eel comme la borne sup´erieure d’un en-semble major´e de rationnels. Plus laborieuse pour pas mal de choses, notamment la d´efinition des op´eration, et bien sˆur la compl´etude, elle a n´eanmoins l’avan-tage de fournir sans trop d’effort la propri´et´e de la borne sup´erieure. Voyons comment l’obtenir par la construction de Cauchy :
Th´eor`eme Tout sous-ensemble de R non vide et major´e poss`ede une borne sup´erieure (un majorant, qui est le plus petit des majorants de la partie).
D´emonstration : Soit donc A une partie deR, major´ee. Si A poss`ede un plus grand ´el´ementm, il n’y a rien `a d´emontrer : tout majorant de A doit majorer m, et doncmest le plus petit des majorants de A.
On se place donc dans le cas contraire, o`u la partie A ne poss`ede pas de plus grand ´el´ement. En particulier, quel que soit a ∈A, on peut trouver un autre
´el´ementb∈A strictement sup´erieur. Nous allons construire la borne sup´erieure de A comme la limite de deux suites adjacentes, dont il faudra auparavant montrer qu’elles sont de Cauchy. Il s’agira d’une suite croissante d’´el´ement de A et d’une suite d´ecroissante de majorants de A.
Soit doncu0 un ´el´ement quelconque de A, et m0un majorant (quelconque
´egalement). On construit par r´ecurrence les suites (un)n∈N et (mn)n∈N de la fa¸con suivante.
Supposonsu0, . . . , un construits, ainsi quem0, . . . , mn. – Si un+mn
2 est encore un majorant de A, on posemn+1= un+mn
2 , et l’on choisit dans A l’´el´ementun+1> unde fa¸con arbitraire. C’est possible puisque A n’a pas de plus grand ´el´ement.
– Sinon, on peut trouver un ´el´ement de A strictement sup´erieur `a un+mn
2 ,
qui seraun+1, et l’on posemn+1=mn.
Montrons que ces deux suites sont bien des suites de Cauchy. Par construction, la suite (un)n∈Nest strictement croissante, et la suite (mn)n∈Nest d´ecroissante.
Montrons par r´ecurrence surnla propri´et´e :
P(n) : 0< mn−un< m0−u0
2n
– P(1) est vraie. En effet lors de la premi`ere ´etape de construction, deux cas se pr´esentent.
Dans le premier cas,m1= u0+m0
2 est un majorant de A, donc u0< u1< u0+m0
2
et donc 0< m1−u1< m1−u0= m0−u0
2 Dans le second cas, on au1> u0+m0
2 etm1=m0, donc 0< m1−u1< m0− u0+m0
2 = m0−u0
2
– P(n)⇒ P(n+ 1) : Supposons en effet 0< mn−un< m0−u0
2n .
Par le mˆeme raisonnement que pour la premi`ere ´etape, on obtient en distinguant les deux cas 0 < mn+1−un+1 < mn−un
2 . En appliquant 12
l’hypoth`ese de r´ecurrence, on a donc pour mn+1−un+1 l’encadrement voulu, `a savoir :
0< mn+1−un+1< m0−u0 2n+1
– On conclue par r´ecurrence que la propri´et´e est vraie pour toutn.
Soit maintenantun r´eel strictement positif. Comme nous savons d´ej`a que Rest archim´edien, il existe un entierp tel que p×≥ m0−u0. Soit alorsn0
un entier tel que 2n0≥p. Pourn≥n0, on a alors 2n×≥p×≥m0−u0
donc m0−u0
2n ≤ et donc 0< mn−un<
Soient maintenantnetpdeux entiers sup´erieurs ou ´egaux `an0. On suppose par exemplen≤p. On a alors les in´egalit´es :
un≤up< mp≤mn
donc |un−up|<|un−mn|<
et |mn−mp|<|un−mn|<
Ceci montre que les deux suites (un)n∈N et (mn)n∈Nsont des suites de Cauchy.
D’apr`es le th´eor`eme pr´ec´edent, elles convergent donc. Comme de plus la diff´erencemn−un tend vers 0, elles ont mˆeme limite. Soitαcette limite com-mune. Nous allons montrer queα est la borne sup´erieure recherch´ee.
Pour ceci, nous allons avoir besoin de la propri´et´e suivante :
Propri´et´e Soit (xn)n∈N une suite de Cauchy (dans R) de limite x, et y un r´eel tel que l’on ait :
∀n∈N, xn≥y
Alors x≥y
On a bien sˆur une propri´et´e analogue en rempla¸cant≥ par≤. Nous remettons
`a plus tard la d´emonstration de cette propri´et´e, pour pouvoir terminer celle de notre th´eor`eme.
– αest un majorant de A. En effet, si l’on consid`ere un ´el´ementxde A, la suite (mn)n∈N a tous ses termes plus grands quex. D’apr`es la propri´et´e pr´ec´edente, il en va donc de mˆeme pour sa limiteα, qui majore donc x, et donc la partie A dans son ensemble.
– αest le plus petit majorant possible. Soit en effety < α. Supposons que le r´eelyest encore un majorant de A. En particulier, c’est aussi un majorant de la suite (un)n∈N, donc (propri´et´e) de sa limiteα, ce qui est absurde.
Nous avons montr´e que le r´eelαest bien le plus petit des majorants, c’est-`a-dire
la borne sup´erieure.
D´emonstration de la propri´et´e : Soit donc (xn)n∈N une suite de Cauchy (dansR) de limitex, ety un r´eel tel que l’on ait :
∀n∈N, xn≥y 13
Tout comme pour la d´emonstration de la compl´etude de R, nous allons revenir par densit´e `a des suites de rationnels. Soit (n)n∈Nune suite de rationnels qui tend vers 0. On commence par construire une suite (an)n∈N de rationnels telle que pour toutn, on aitxn< an< xn+n.
Ensuite, on construit une suite (bn)n∈N de rationnels pris respectivement, par densit´e deQ, dans les intervalles ]y; min (y+n, an) [.
Les suites (an)n∈N et (bn)n∈N tendent respectivement vers x et y. Or par construction, on a pour tout n, bn< an, donc la suite (an−bn)n∈N repr´esente un r´eel positif, c’est-`a-dire quex−y≥0, et doncx≥y.
N.B.Muni de cette propri´et´e, il est assez facile d’exhiber des r´eels qui ne sont pas rationnels (plus que pour la suite Pn
k=1
1/k!).
Exemple : Il existe un r´eel de carr´e 2. Ce r´eel n’est pas un rationnel.
En effet, l’ensemble des r´eels de carr´e plus petit que 2 est non vide (0 est dedans !) et major´e, par exemple par 2 : la relation d’ordre ´etant compatible avec la multiplication surR+, on ax ≥2 =⇒x2≥4 >2. Tout r´eel positif de carr´e plus grand que 2 est un majorant de notre partie, par le mˆeme argument.
La borne sup´erieureαde cet ensemble est alors un r´eel dont le carr´e est 2 : – siα2>2, on pose= α2−2
/5, et l’on a
(α−)2=α2−2α+2> α2−2α Or on sait queα≤2, donc 2α≤4. Il vient la minoration :
(α−)2≥α2−4 α2−2 /5>2
Doncα−est encore un majorant, ce qui contredit la d´efinition deα.
– Si au contraireα2<2, on pose cette fois= 2−α2
/5, et alors (α+)2=α2+ 2α+2
Comme 0≤α2<2, on a 2−α2≤2, et donc <1, d’o`u l’on tire2< . Et comme bien sˆurα≤2, on a toujours 2α≤4.
Il vient (α+)2< α2+ 5= 2
Le r´eelα+construit est donc de carr´e strictement inf´erieur `a 2, ce qui contredit le fait queαmajore l’ensemble des r´eels de carr´e inf´erieur `a 2.
Le r´eelα construit v´erifie donc bienα2= 2.
Or, on ne peut construire de rationnel de carr´e 2 : si p
q 2
= 2, en supposant petqpremiers entre eux (repr´esentant irr´eductible), on obtientp2= 2q2, donc successivement :
– 2 divisep2, donc 2 divisep(un nombre impair a un carr´e impair).
– ps’´ecrit donc 2p0, doncp2= 4p02.
– En rempla¸cant dans l’´egalit´e d’origine, il vient 2p02=q2. – Donc 2 diviseq2, donc 2 diviseq.
– pet q ont 2 comme diviseur commun, ce qui contredit le fait qu’ils sont premiers entre eux.
14
Irrationalité de Pi
Historique
C'est en 1761 que Lambert démontra le premier l'irrationalité de : Sa démonstration, très différente de celle présentée ici, reposait sur la décomposition en fractions continues detanx.
Il faudra attendre 1882 pour que Lindemann démontre la transcendance de ;prouvant du même coup l'impossibilité de laquadrature du cercle.
Notations
Pour tout entiernstrictement positif, on considère la fonctionpndé nie par pn(x) = 1 n!
2
4 x2
n
et on s'intéresse à l'intégrale In= Z + =2
=2
pn(x) cosx dx:
Lemme Pour tout nombre réelK >0; lim
n!+1 La suite(un)n Kest décroissante et minorée par 0. Elle converge donc vers une limite réellelvéri ant
l= lim
Donc, pour tout réelb >0; (bnIn)n 1est une suite de réels strictement positifs qui converge vers 0.
Calcul deIn
A l'aide d'intégrations par parties successives jusqu'à disparition du facteur polynomial, on obtient : In =
carpnétant une fonction polynomiale paire, il en va de même des fonctions dérivées p(2j)n .
Ghislain.Dupont@univ-lemans.fr 1/2 Département de Mathématiques
Calcul des dérivées successives depn
On considère les fonctions polynomiales dé nies par : fn(x) = 1
n! 2 x n et gn(x) = 1
n! 2 +x n: Alors (8k n) (8x2R) fn(k)(x) = ( 1)k
(n k)! 2 x n k et gn(k)(x) = 1
(n k)! 2+x n k et (8k > n) fn(k)=gn(k)= 0:
En particulier, (8k2N) fn(k) 2 =
( ( 1)n si k=n
0 sinon et g(k)n 2 =
8<
:
n k
(n k)! si k n
0 sinon
Or pn=n!fngn, donc (8k2N) p(k)n =n!
Pk j=0
k
j fn(j)gn(k j) (formule deLeibniz).
En particulier, (8k2N) p(k)n
2 = 8<
: n! k
n ( 1)ngn(k n)
2 si k n
0 sinon
et plus précisément, (8k2N) p(k)n
2 = 8<
:
( 1)n k n
n!
(2n k)!
2n k si n k 2n
0 sinon
où cn;kdef= ( 1)n k n
n!
(2n k)!= ( 1)n k n
n
k n (k n)!2Z lorsque n k 2n:
Irrationalité de 2
Supposons un instant qu'il existe deux entiersaetbstrictement positifs tels que 2=a b: Alors (8j2N) bnp(2j)n
2 =
( bncn;2j 2(n j)=cn;2jan jbj si n 2j 2n
0 sinon
donc (8j2N) bnp(2j)n
2 2Z, et donc bnIn= 2 Pn j=0
( 1)jbnp(2j)n
2 2Z: (bnIn)n 1 serait donc une suite d'entiers strictement positifs qui converge vers0:
L'inexistence d'une telle suite prouve l'absurdité de l'hypothèse selon laquelle 2serait rationnel.
2est donc irrationnel, ce qui entraîne l'irrationalité de :
Ghislain.Dupont@univ-lemans.fr 2/2 Département de Mathématiques
R´ ef´ erences
[1] Gilles COSTANTINI.Suites de nombres r´eels.
http ://gilles.costantini.pagesperso-orange.fr/agreg−fichiers/suitesR.pdf [2] Ghislain DUPONT.Irrationnalit´e de Pi.
perso.univ-lemans.fr/∼dupont/Maths/Pi.pdf [3] Jean GOUNON. Nombres rationnels.
http ://www.math.ens.fr/culturemath/maths/pdf/logique/rationnels.pdf [4] Jean GOUNON. Nombres r´eels.
http ://www.math.ens.fr/culturemath/maths/pdf/logique/reels.pdf
[5] Jacqueline LELONG-FERRAND, Jean-Marie ARNAUDI`ES. Cours de math´ematiques. Tome 2, Ana-lyse, 4`eme ´edition .
[6] Jean-Etienne ROMBALDI.Le corps des r´eels.
http ://www-fourier.ujf-grenoble.fr/∼rombaldi/Capes/AnalyseChap1.pdf [7] Exercices collection EXO7.Propri´et´es deR.
http ://exo7.emath.fr/ficpdf/fic00009.pdf