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PARTIE II : OPTIMISATION DE LA CONSERVATION HYPOTHERMIQUE

1. Effet des MPH sur les greffons rénaux en post-CRN

2.3.4. Analyses histologiques à 3 mois

On retrouve significativement moins de fibrose au niveau des reins préservés avec oxygène (environ 10%) que sur les reins préservés sans oxygène (25%).

Les marqueurs de la TEM, classiquement associés aux lésions de fibrose, ont été analysés. La quantification du marquage de la vimentine est superposable à celle de la fibrose (24% pour le groupe sans oxygène contre 9% pour le groupe avec oxygène, différence significative) tout comme celle de l’α-smooth muscle actin (α-SMA) dans de moindre proportion (14,2% pour le groupe sans oxygène contre 8,8% pour le groupe avec oxygène, résultat non significatif). La fibrose étant souvent associée à l’inflammation, nous avons étudié le niveau d’infiltration des cellules inflammatoires au sein du tissu rénal avec les monocytes-macrophages comme marqueurs de l’immunité innée et les lymphocytes T comme marqueurs de l’immunité adaptative. Il existe ainsi une infiltration plus importante dans le groupe sans oxygène mais cette tendance n’est pas significative.

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2.3.5. Etude de la corrélation entre les marqueurs de lésions d’IR et les paramètres fonctionnels

Nous avons constaté que la concentration de NGAL dans les urines à J5 post-greffe était statistiquement corrélée au devenir précoce et à distance du greffon, tout comme la concentration précoce d’ASAT à J1. Ces données confirment que la sévérité des lésions d’IR et la qualité de la préservation sont intimement corrélées au devenir du greffon.

2.4. Discussion

Dans ce travail, nous avons étudié le bénéfice de l’apport d’oxygène sur le greffon rénal issu de DDAC conservé en MPH Kidney Assist. Des études préalables ont montré un bénéfice de son utilisation par rapport à la conservation statique avec la solution UW, d’autant plus que la pression de perfusion était de 20 à 30mmHg. Nous avons donc appliqué ce régime de pression, avec ou sans oxygène, sur un modèle porcin d’autogreffe. Ainsi, nous nous affranchissions du biais induit par l’utilisation des immunosuppresseurs et la seule variable était l’utilisation ou non de l’oxygène. Ce modèle porcin mime les conditions cliniques de DDAC de façon moins proche que les modèles de CRN ou de RIS présentés préalablement. Il se limite en effet à une ischémie chaude de 60 minutes par clampage du pédicule vasculaire rénal. Ce modèle permet néanmoins l’étude des conditions d’intérêt en limitant le nombre d’animaux, ce qui se justifie sur les plans éthique et économique.

Concernant les suites précoces, les bénéfices de l’oxygénation s’observent dès le troisième jour post-transplantation avec un pic de créatininémie plus bas et un retour plus rapide aux taux physiologiques. Dans le groupe sans oxygène, la créatininémie ne retrouvait jamais son niveau de base.

Par ailleurs, la concentration urinaire de NGAL a été mesurée au cours de la première semaine. NGAL est exprimé par les cellules épithéliales des tubules rénaux et sa présence

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dans les urines est corrélée au niveau de lyse cellulaire au moment de la reperfusion. Il s’agit ainsi d’un marqueur d’intérêt dans le diagnostic des lésions rénales aiguës. Nous avons constaté une augmentation rapide du taux urinaire de NGAL à J1 dans les deux groupes, témoignant d’un wash out des débris cellulaires à la reprise de diurèse. Le groupe avec oxygène a cependant plus rapidement normalisé sa concentration de NGAL, du fait probablement d’un niveau lésionnel plus faible.

Pour évaluer la qualité du greffon rénal, nous avons étudié la concentration plasmatique d’ASAT, enzyme habituellement dosée dans le cadre de l’évaluation de la fonction hépatique mais également produite par les cellules rénales et dont l’augmentation traduit une souffrance rénale. Dans nos conditions expérimentales, la concentration d’ASAT circulant était augmentée après la reperfusion et au cours des premiers jours suivant la greffe. Cette concentration était néanmoins plus basse dans le groupe avec oxygène.

Ces résultats sont en faveur d’une meilleure préservation avec oxygénation.

Il existe une forte corrélation entre la qualité de préservation et le devenir à long terme du greffon. Le suivi de 3 mois avec analyse histologique est intéressant dans ce contexte. Lepourcentage de fibrose était plus faible chez les reins conservés avec oxygène. L’oxygénation au cours de la préservation prévient donc le développement des lésions de fibrose. Pour comprendre cet effet protecteur, nous avons étudié les marqueurs de la TEM et de l’inflammation chronique, phénomènes en lien avec le développement de la fibrose.

La TEM est un processus au cours duquel la cellule épithéliale va se dédifférencier en cellule mésenchymateuse et perdre ainsi ses caractéristiques (polarité, ancrage) pour devenir une cellule proliférant rapidement et tentant de réparer les lésions tubulaires. Au cours des lésions chroniques du greffon, ce processus est déréglé et conduit à la production de fibroblastes et à la génération de fibrose. La vimentine et l’α-SMA sont des marqueurs classiques de la TEM. En immunohistochimie, une quantité plus importante de vimentine a été détectée chez les

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reins préservés sans oxygène. Cette même tendance s’observe pour la quantité d’α-SMA. Ces résultats indiquent que le processus de TEM est amorcé dans les deux groupes mais de façon moins importante dans le groupe avec oxygène traduisant une meilleure préservation.

L’étude de l’inflammation chronique ne retrouve pas de différence significative entre les groupes. Il existe cependant une tendance à une infiltration tissulaire moins importante par les cellules de l’immunité adaptative dans le groupe avec oxygène.

L’addition d’oxygène en machine de perfusion apporte donc un bénéfice incontestable, mesurable sur les paramètres classiques que sont la créatininémie et les lésions histologiques et également sur les concentrations urinaires de NGAL et plasmatiques d’ASAT, avec une excellente corrélation. Cela souligne l’intérêt de la mesure précoce de ces marqueurs dans l’évaluation de la qualité du greffon et le rôle indiscutable des lésions d’IR dans son devenir à court et long termes.

Une étude préalable n’a pas montré de clair bénéfice à l’utilisation de la machine de perfusion avec oxygénation. Dans ce protocole les reins ne subissaient pas d’ischémie chaude. On peut donc supposer que les lésions induites étaient facilement corrigées par la conservation dynamique seule et que les greffons ne profitaient pas de l’addition d’oxygène. Des lésions plus importantes sont nécessaires pour que les résultats soient discriminants, ce pourquoi nous avons mimé les conditions de DDAC avec ischémie prolongée. C’est donc pour cette catégorie de donneurs que l’utilisation de la machine de perfusion avec oxygénation semble bénéfique et légitime aux vus des coûts engendrés.

La période de conservation ex vivo est une étape incontournable dans le processus de transplantation des reins issus des donneurs décédés. Si une grande partie des phénomènes se déroulant au cours de cette phase de préservation reste inconnue, il apparaît clairement que des réactions métaboliques se poursuivent, requérant de l’oxygène. La nécessité de supplémenter les solutions de préservation avec de l’oxygène semble ainsi évidente. Des

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études préalables ont montré un bénéfice à l’addition d’un transporteur d’oxygène en préservation statique et notamment par l’augmentation de la production d’ATP. Cela est probablement également le cas dans notre étude. Nous n’avons cependant pas pu le prouver, le prélèvement itératif d’échantillons tissulaires au cours de la préservation en machine pouvant altérer les conditions de perfusion. Un large champ d’investigation sur la conservation hypothermique et l’utilisation d’oxygène reste ainsi à explorer afin d’élargir l’utilisation des greffons issus des donneurs marginaux.

2.5. Conclusion

Dans cette étude, nous avons montré le bénéfice de l’apport d’oxygène durant la préservation en MPH sur un modèle porcin d’auto-transplantation rénale mimant les conditions de DDAC. Ce modèle préclinique permet une translation rapide des résultats chez l’homme. Les greffons préservés avec oxygène sont de meilleure qualité avec une meilleure reprise de fonction précoce et des lésions chroniques de fibrose réduites. L’oxygénation active au cours de la conservation dynamique serait ainsi une thérapeutique supplémentaire afin d’améliorer la qualité des greffons issus des donneurs marginaux. Le développement d’outils complémentaires de qualification et d’amélioration des greffons pourrait permettre de personnaliser la conservation du greffon en fonction de la sévérité de ses lésions.

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