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« Attention ! Attention ! Ne quittez pas vos places ! Le numéro que vous venez de voir, La Tentative d’évasion, est rarement réussi. Nous persistons cependant à le présenter, jour après jour parce que, Mesdames et Messieurs, le spectacle doit continuer sans interruption. Attention ! Attention ! Ne quittez pas vos places ! Le spectacle doit continuer sans interruption ! Attention ! Attention ! ».

– Jour après jour (1962).

Nous l’avons dit, pour Blackburn, la bande sonore doit former un tout. Composer une bande sonore totale consiste à affirmer le rôle actif et les interactions possibles entre les matières d’expression que sont les bruits, la voix et la musique. Ces trois éléments distincts forment pour Blackburn une « musique », qui doit être supervisée et structurée intégralement par le compositeur. Cette démarche a pour but d’établir un dialogue étroit entre les trois éléments constitutifs de la bande sonore – ou de la musique, au sens où l’entend Blackburn –, mais également entre le visuel et le sonore. La mise en résonance des éléments constitutifs du sonore permet au compositeur de développer une méthode de création qui favorise le rôle actif du son dans la production de sens au cinéma100.

Déjà en 1952, avec A Phantasy, Blackburn expérimentait la structuration intégrale de la bande sonore en faisant dialoguer le son synthétique et les trois saxophones à l’intérieur d’un continuum sonore organisé s’appuyant sur la structure visuelle fantaisiste proposée par McLaren, tout en l’unifiant. Image et son devenaient ainsi indissociables. Mais du trinôme sonore bruits-voix-musique, la voix (bruit des hommes) était encore absente. Elle se fait

100. Toutes ces questions et préoccupations, qui n’avaient pas un grand écho à l’époque, sont à nouveau posées par toute une lignée de compositeurs et de concepteurs sonores québécois : Jacques Hétu (Au pays de Zom, de Gilles Groulx), Robert Marcel Lepage (La plante humaine, de Pierre Hébert), René Lussier (Le trésor archange, de Fernand Bélanger), Jean Derome (Le chapeau, de Michèle Cournoyer), Claude Beaugrand (Trois pommes à côté du sommeil, de Jacques Leduc), Martin Allard (La bibliothèque entre deux feux, de Serge Cardinal) et Olivier Calvert (Ilôt, de Nicolas Brault). Nous tenons à remercier Frédéric Dallaire de nous avoir fourni cette précision et cette liste de noms.

entendre dans les années 1960 avec les premières œuvres électroacoustiques totales du compositeur onéfien, destinées au médium cinématographique. Parmi ces réalisations, le film documentaire Jour après jour (1962), de Clément Perron101, est un excellent exemple pour comprendre les implications du concept de bande sonore totale dans la pensée et la pratique cinématographique de Maurice Blackburn, ainsi que dans l’élaboration d’un véritable dialogue entre son et image.

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« Une ville : Windsor, Québec ; population 6,500. Une industrie : La fabrique de papier ; travailleurs 1,500. » Jour après jour s’annonce comme un documentaire sur la vie quotidienne des ouvriers de l’usine de pâtes et papiers de la ville québécoise de Windsor. Si cet unique bloc de discours textuel, purement informatif, ouvre le film en l’ancrant dans un lieu et un sujet donnés, le contenu audio-visuel ‒ image, voix, bruit et musique ‒ du court-métrage (27 min 43 s), ainsi que sa construction s’éloignent quelque peu des formes documentaires traditionnelles. C’est ce que note René Prédal, en 1967 : « Jour après jour, en 1962, fait beaucoup parler de lui à sa sortie. Le film apporte en effet quelque chose de nouveau en rompant assez franchement avec les méthodes du “candid102” ». Il précise :

101. Clément Perron (1929-1999), scénariste, réalisteur et producteur québécois, obtient tout d’abord une licence en philosophie (Université Laval). Il part ensuite étudier les lettres en France, à Poitiers et à Paris (Sorbonne), puis s’inscrit à l’Institut de filmologie. De retour au Canada en 1957, il intègre l’ONF en tant que scénariste. Producteur délégué de la production française dès 1968, il est également nommé directeur du Comité du programme français en 1975-1978 et 1980-1982. Il quitte l’ONF en 1986. Outre Jour après jour, on lui doit la

réalisation de Marie-Victorin (1963), Caroline (1964, avec Georges Dufaux), Salut Toronto ! (1965), Cinéma et réalité (1967, avec Dufaux), Taureau (1973) ou encore Partis pour la gloire (1975). En tant que scénariste, citons son travail pour Wilfrid Pelletier, chef d’orchestre et éducateur (1960, de Louis Portugais), Tattoo 67 (1967, d’Yves Leduc et Michel Régnier), Mon oncle Antoine (1971, de Claude Jutra), ou encore Le vieillard et l’enfant (1985, de Claude Grenier). Pour davantage d’informations sur Perron, on pourra consulter son entrevue parue dans la revue Séquences en 1962 (no 30).

102. Le candid eye apparaît à la fin des années 1950 au Canada, alors que, à la suite de l’arrivée de la télévision, certains cinéastes ressentent le besoin de capter le quotidien, de saisir la vie, la rue, la vérité, sur le vif. Le mouvement tire son nom d’une série de courts-métrages créée par Tom Daly, à l’ONF, et diffusée par la CBC en

1958 et 1959. Le candid eye définit également une technique qui « consiste à jeter un regard non préconçu sur le réel au moyen de caméras mobiles, […] et à prêter l’oreille aux manifestations de cette réalité en enregistrant les sons réels. En voulant capter la réalité “sur le vif”, ou en jetant un regard “candide” (c’est-à-dire neuf et dégagé de toute intervention extérieure) sur le monde, le candid eye se propose d’aller plus loin que les actualités filmées à cette époque, car, à la spontanéité saisie visuellement, s’ajoute une dimention sonore jusque-là inédite (prise de son synchrone, sur le terrain, “en direct”). » (Esther Pelletier et Steven Morin, « Le scénario au Québec de 1913 à 2003 », in Boulais, 2006 : 33, note 7.)

Le film fait en effet alterner rapidement des images montrant la terrible et lugubre routine du travail des ouvriers et l’impitoyable machine déversant des flots de papiers qui submergent les employés. Le commentaire ‒ dont Perron est l’auteur ‒ évoque la poésie de Prévert par l’utilisation systématique de mots et d’expressions très courants, de barèmes et tarifs énumérés sur un ton monocorde avec parfois une fulgurante trouvaille verbale venant dynamiter l’ensemble. De plus les sons, admirablement mixés par Maurice Blackburn, rendent fantastiques des bruits pourtant naturels. On est loin du documentaire traditionnel car l’auteur fait sentir sa présence d’une manière d’ailleurs assez littéraire, essayant de personnaliser cette matière sociale et humaine. (Prédal, 1967 : 134.)

Dès l’ouverture du film, la voix d’Anne Claire Poirier en présente le thème central en déclamant un extrait adapté du récit de la Genèse : « Puis l’homme dit : “Faisons la machine à notre image et selon notre ressemblance, et qu’elle domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques, et sur toute la terre” » (01 :25-01 :40)103. Ce thème des rapports entre l’homme et la machine n’a pas seulement une forme orale et textuelle : il acquiert une consistance et une complexité à travers la modulation des figures visuelles, sonores et audio-visuelles mises en œuvre par les artisans du film104.

L’édification de la bande sonore totale permet de dépasser la seule dénonciation des conditions aliénantes du travail en usine pour rendre audibles et visibles les multiples interactions (consonantes ou dissonantes) entre les hommes et les machines. Dans Jour après jour, les engrenages et les gestes répétitifs se musicalisent, les sifflets crient et sonnent le réveil, les corps métalliques et organiques s’emboîtent, entrent en résonance, la voix féminine oriente notre perception des travailleurs muets et des appareils bruyants. Le travail de Blackburn sur les sons et leurs rapports avec l’image donne une force expressive à ce montage cinématographique composé de matériaux social, humain et mécanique. Ces éléments, sonores et visuels, acquièrent une puissance d’évocation, de signification et de sensorialité qui participe à la singularité du regard et de l’écoute portés sur la vie quotidienne des ouvriers. Ce travail sur la perception permet de complexifier les rapports entre l’homme et la machine en introduisant la figure du créateur. La dimension démiurgique, qu’elle soit incarnée (par une

103. Tout au long de ce chapitre, le minutage fait référence à la version numérisée du film disponible sur le site Internet de l’ONF : <www.onf.ca/film/jour_apres_jour> (consulté le 8 juillet 2014).

104. Réalisation : Clément Perron. Images : Guy Boremans. Montage : Anne Claire Poirier. Prise de son : Claude Pelletier. Mixage : Ron Alexander, Roger Lamoureux. Trame sonore conçue et réalisée par Maurice Blackburn. Production : Hubert Aquin, Fernand Dansereau, Victor Jobin.

statue du Christ), évoquée (par la voix-off), impliquée (par les manipulations de Blackburn), expliquée (par les gestes des travailleurs et les mécanismes des machines), complexifiée (par l’interaction de tous ces éléments), traverse l’ensemble des strates du tissu filmique ; elle dynamise notre écoute et nous permet de circuler dans une réalité industrielle aux multiples ramifications.

Ce chapitre analyse les différentes modalités des rapports homme-machine qui prennent forme dans les agencements audio-visuels du film. Cette description permettra premièrement de mesurer les conséquences de l’idée de bande sonore totale dans l’édification d’une œuvre filmique au discours critique singulier, et, deuxièmement, de mieux comprendre la démarche créatrice originale de Blackburn. Nous décrirons les principes de composition utilisés par celui-ci pour construire un système de relations complexe et subtil où les multiples interactions entre l’homme et la machine sont mises en lumière par des considérations créatives et cosmologiques (gestes, symboles, paroles, idées, matières). La démarche du compositeur, qui crée, enregistre, filtre, monte et mixe tous les sons du film, assure un rôle de premier plan à la dimension sonore dans le processus de création de Jour après jour. Cette singularité dépend notamment de l’esprit artisanal qui dirige les gestes et les pensées du compositeur : Blackburn explore un univers industriel avec la méthode du bricoleur. Cette tension injecte une vitalité, une imprévisibilité au cœur même de la routine et des répétitions, rendant perceptible la dimension humaine des techniques, ainsi que le rôle des outils dans la formation des individus. Si, 52 ans après sa création, Jour après jour nous semble un film nécessaire et important, c’est qu’il produit une réflexion sur la réalité sociale du travail industriel à partir d’une démarche cinématographique artisanale. Nous tenterons de rendre compte de la richesse de cet amalgame qui nous permet de s’interroger à la fois sur une réalité importante du Québec au milieu du siècle dernier et sur un rapport à la création qui place les instruments bricolés, les outils d’enregistrement et de manipulation sonore au centre de la composition pour l’image.

En effet, nous verrons que la composition de la bande sonore commence par une écoute de l’image qui guide la sélection des matériaux sonores – la musique naît de l’image. Ces matériaux sont ensuite organisés pour interagir ensemble et avec l’image, dans des relations de

convergence ou de divergence. Pour mettre en relief cette particularité du processus créateur de Blackburn, ainsi que la singularité des matériaux sonores sélectionnés, plusieurs outils analytiques ont été invoqués : 1) les critères typo-morphologiques déterminés par Pierre Schaeffer (1966) ont permis d’identifier et caractériser les caractéristiques phénoménales des sons ; 2) le tri-cercle des modes de relations du son à l’image proposé par Michel Chion et raffiné par Serge Cardinal (s.d., en ligne) a aidé à définir les relations spatiales audio- visuelles ; 3) plus ponctuellement, la terminologie développée par Stéphane Roy (2003) dans le cadre de l’analyse fonctionnelle des musiques électroacoustiques nous a aiguillée dans l’observation des interactions entre les éléments des structures sonores et audio-visuelles. De ces trois approches, qui nous ont surtout servi de guides, seuls les résultats seront ici repris.

Le recoupement des résultats permet d’appréhender l’œuvre audio-visuelle totale selon trois axes analytiques. Le premier, « thématique », cherche à souligner les conditions d’existence des rapports de l’homme et de la machine, en décrivant les matériaux utilisés et leur organisation. Ayant identifié les blocs visuels et sonores qui organisent le contenu discursif, nous verrons ensuite comment le film construit un discours critique sur le devenir- machine de l’homme et le devenir-organique de la machine. Par la suite, deux axes « esthétiques » visent à expliciter les moyens d’actualisation d’un tel discours par : 1) la modification de la perception temporelle, et 2) la construction des espaces audio-visuels. À travers une analyse des formes et des pratiques sonores, nous suivrons l’émergence et les modalités d’une réflexion critique sur la dimension technique de l’homme. Nous dégagerons petit à petit les principes de composition utilisés par Blackburn pour donner aux sons cette expressivité singulière.

Axe thématique : l’homme et la machine Sélection des matériaux sonores et visuels

La première étape de la création d’une bande sonore totale est la sélection des matériaux et le défi consiste à trouver des éléments sonores qui pourront s’allier aux sources visuelles.

Chaque son sélectionné s’inscrit dans un système de résonance comprenant tous les éléments du film. Pour Blackburn, rappelons-le, il est « difficile de penser aux images, aux bruits, au commentaire, à la musique, comme si ces éléments pouvaient être compartimentés, isolés les uns des autres » (Blackburn, [1986]). Le choix des matériaux en fonction des qualités plastiques et référentielles des images est donc le premier geste de composition de la bande sonore. Nous décrirons tout d’abord les éléments visuels du film de Clément Perron pour mieux comprendre ensuite les matériaux sonores qui structurent la conception sonore.

Le discours de Jour après jour s’élabore à partir de trois blocs visuels significatifs. Le premier rassemble les images présentant différents aspects du travail à l’usine et de la vie active : la caméra s’attarde sur les gestes du contremaître et des ouvriers qui interagissent avec des machines, en action ou en arrêt, et évoluent à l’intérieur de leur environnement de travail qu’est l’usine. Le deuxième bloc d’images présente des situations de loisirs et de vie sociale : les travailleurs prennent une pause, parlent, mangent, se réunissent ou dansent dans différents lieux de rassemblement (salle communautaire, cafétéria, club de jazz, café, aréna). Enfin, le dernier bloc visuel rassemble les plans subjectifs renvoyant à la propre création du film (caméra-épaule), créant de la sorte un effet de distanciation : l’être humain n’est pas seulement à l’intérieur du plan, il est aussi derrière la caméra, déambule à l’intérieur et à l’extérieur de l’usine et traverse la ville de Windsor en voiture. Quand l’homme passe derrière la caméra, Perron pointe un nouvel agencement où la relation homme-machine conditionne la production des images, le regard, selon un registre artisanal (absence de caméra fixe) se rejouant à différents niveaux dans l’œuvre. En somme, les relations entre les travailleurs et les machines, dans les deux premiers blocs, sont explorées dans des environnements de travail et de loisir. Même lorsque l’homme passe derrière la caméra ou que la machine disparaît, leur relation rythme la vie et organise les gestes des habitants ainsi que les paysages de cette petite ville mono-industrielle.

Le choix des sons se fait en portant un regard musical sur ces éléments visuels – l’image contient déjà une musique que le compositeur doit trouver et exprimer, nous disait Blackburn. Les matériaux sonores de Jour après jour permettent d’explorer et de complexifier les rencontres, les confrontations, les interactions entre l’homme et la machine. Le travail de

Blackburn a pour but de présenter différentes dimensions et modalités des relations entre les sujets humains et les objets mécanisés. Pour ce faire, il divise la bande sonore selon une tripartition maintenant classique : bruits, voix, instruments. Or, ces trois groupes entretiennent des rapports singuliers en plus de modifier notre perception des matériaux visuels. Mais avant d’interroger la totalité sonore, et son rapport avec la partie visuelle, il convient d’identifier et de caractériser chacun de ses constituants (cf. Annexe IV).

Bruits

En ce qui concerne les bruits, la bande sonore est dominée par une majorité d’éléments mécaniques (train, avion, soufflerie, engrenage, mise en marche ou arrêt de machines, travail à la chaîne, jets d’air) et métalliques (enclumes, cliquetis de chaînes, vasque et plaque métalliques frappées, sonnette de comptoir), soit par un ensemble sonore évoquant l’univers industriel. Les bruits sélectionnés par Blackburn se divisent en deux blocs : les sons produits par les actions des êtres vivants (bruits de pas, de foule, galopade, chute d’arbre abattu, etc.) et les sons renvoyant à l’usine (sonneries, machines, métal, déchirures, etc.). Ce dernier groupe de sons est plus présent et récurrent que le premier : le vivant se subordonne au rythme des machines, qui ponctue la vie quotidienne des travailleurs. Et pourtant, diverses « sonneries » (sifflets de train, sonnette de comptoir, alarmes, sirènes de bateau) résonnent comme un appel, une incitation au réveil, une façon d’échapper à ce rythme constant, aliénant et répétitif, ou de le faire bifurquer105. Si la production de sens commence par une sélection des sources et des sons, elle est aussi tributaire de tous les éléments qui ne sont pas audibles : Blackburn ignore plusieurs mouvements dans l’image, réduit l’environnement sonore à quelques sons, laisse le corps des ouvriers sans bruits et sans voix.

105. « Ce film cherche […] à réveiller les gens trop résignés. Il voudrait faire prendre conscience d’une vie intérieure qui ne semble pas se manifester. Il cherche à déranger des gens qui acceptent trop facilement une vie routinière. Il veut inquiéter ceux qui vivent indifférents, jour après jour, à l’usine. » (Bonneville, 1962 : 52.)

Voix

La voix off, celle d’Anne Claire Poirier, généralement monocorde et impassible, rejoue à son niveau les tensions du monde des bruits. Elle oscille entre différentes fonctions : elle véhicule des informations neutres, court-circuite l’objectivité par des remarques poétiques et/ou subjectives, prend la parole pour tous ces travailleurs muets. Au fil de ses interventions se tisse un discours pluriel, un contrepoint poétique et littéraire pouvant se diviser en six utilisations distinctes de la voix :

1) Extraits de la Genèse : « Puis Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur les animaux domestiques, et sur toute la terre” » (00 :14-00 :31) ;

2) Remarques objectives sur le travail en usine : « Feuilles sèches et minces, faites de toutes sortes de substances végétales réduites en pâte, pour écrire, payer et communiquer si possible » (04 :38-04 :49) ;

3) Énumérations mêlant des faits objectifs et subjectifs : « Là, on fait dans du papier. Du 2 par 4, du 4 par 8, du 30 par 40, du 100 par 100, du lundi au samedi, de 12 à 8, de 8 à 4, de 4 à minuit, de père en fille » (10 :02-10 :19) ;

4) Références à l’enfance : récitations, comptines, chants scouts (10 :51-11 :57, 15 :12- 15 :57) ;

5) Fabulations sur les loisirs des travailleurs : spectacle, voyage, tarot et voyance (ex. : « À 11 heures cette nuit le bateau franchira la ligne de l’Équateur », 19 :49-19 :55) ;

6) Remarques subjectives et/ou poétiques : « Ce matin, elle m’a dit : “Pierre, Pierre…” Mais elle n’achève jamais ses phrases… » (02 :19-02 :30), « Un œil » (07 :16-07 :17).

Le régime de la parole adopte ces différentes figures discursives que sont la récitation, la description, l’énumération, le chant, la fabulation et l’affirmation, en utilisant diverses tonalités oscillant entre deux pôles : la voix extériorisée, mécanique et cadencée, composée de tons monotone, déclamatoire et récité, et la voix intériorisée, composée de tons intime, velouté, chuchoté et doux. Les différentes configurations entre les figures du discours et la tonalité vocale rendent audible les interactions entre les hommes et les machines. Les tonalités fortes, rudes ou monotones, ainsi que l’énumération et la description (la voix objective)

adoptent le rythme et l’allure des bruits des machines, alors que les tonalités fluctuantes, hésitantes, intérieures et la fabulation (la voix subjective) teintent la réalité industrielle d’éléments imprévisibles et poétiques. En adoptant diverses intonations, la voix peut circuler entre les espaces intérieurs et extérieurs ; elle a cette capacité de métamorphose qui nous fait sentir différents états des relations homme-machine, parlant à la fois pour les travailleurs et l’usine elle-même. Cette voix à l’identité mouvante nous donne à voir un univers pluriel, un espace réel et idéel qui se crée et se transforme, se répète et varie, se multiplie et s’unifie.

Musique

L’instrumentation comprend tout un groupe de percussions entrant en résonance avec les chocs et mouvements de l’univers visuel industriel. Blackburn utilise une timbale, une cymbale, une batterie (caisse claire, hi-hat), un xylophone, un vibraphone, un piano traité de manière percussive (clusters), une cloche et des mains (claquées). Ces instruments se font

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