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3.3 Des avalanches aux temps courts

3.3.3 Analyse temporelle

Dans les systèmes qui font apparaître des évènements intermittents comme des ava-lanches avec des amplitudes largement distribuées, la question de la predictibilité est une question centrale. Dans le domaine des tremblements de terre, la prédiction s’ar-ticule souvent autour de la caractérisation des séries temporelles liées aux précurseurs et aux répliques qui entourent un évènement de taille importante. Une série temporelle

66 Chapitre 3. Réarrangements autour d’un intrus unique

Fig. 3.9 (a) Taille d’avalanche en fonction du temps normalisé par le pas de temps pour une expérience avec un intrus mécanique. Les traits horizontaux correspondent à des tailles d’avalanche de 20 (trait foncé), 30 et 60 (trait clair). (b) Distributions des temps d’attente pour tous les évènements de toutes les expériences avec un unique intrus mécanique (NA≥ 20 (losanges foncés), NA≥ 30 (triangles) et NA≥ 60 (carrés clairs)). Insert : Fonction d’auto-corrélation en fonction du temps normalisé pour α = 20 (trait foncé), α = 30 et α = 60 (trait clair).

typique des tailles d’avalanche pour une manipulation avec un intrus mécanique de 10 dg de largeur est représentée sur la figure 3.9 (a). On peut y voir les principales caractéristiques de la distribution de la figure 3.7 : la majorité des tailles d’avalanche se situent aux alentours de 10 et les grands évènements sont d’autant plus rares qu’ils sont d’amplitudes importantes. La série temporelle ne manifeste aucune périodicité ou quasi-périodicité évidente au-delà d’une taille d’avalanche donnée.

Suivant les travaux de [132], la fonction d’auto-corrélation de la série temporelle des avalanches peut être calculée grâce à la formule suivante :

CAα(t) =

Pβ=m−t

β=0 [NAα(β)NAα(β + t)] − hNAα(β)i2

Pβ=m−t

β=0 [NAα(β) − hNAα(β)i]2 (3.3.2) avec m la durée de la série temporelle, NAα(t) = 1 à l’instant t = β si NA > α et 0

sinon. L’intérêt de ce genre de caractérisation est d’évaluer des éventuelles corrélations temporelles ou temps caractéristiques dans la série temporelle considérée. Nous avons considéré dans cette analyse les plus grands évènements (NA > α = [20; 30; 60]),

c’est-à-dire ceux situés sur la loi de puissance de la distribution de la figure 3.7 tout en conservant des probabilités d’apparition suffisantes. Dans l’insert de la figure 3.9 (b), les fonctions d’auto-corrélation ont été tracées pour ces trois populations mais ne laissent apparaître aucune période d’occurrence clairement visible.

Une autre façon d’analyser la série temporelle des avalanches est d’évaluer le temps d’attente twentre deux évènements d’amplitudes données. Les histogrammes des temps d’attente pour les différentes populations de tailles d’avalanche sont tracées sur la figure

3.3. Des avalanches aux temps courts 67

3.9 (b). Dans les trois populations d’évènements observées, on observe une tendance exponentielle décroissante des temps d’attente. Par la relation suivante, on peut donc en déduire des temps d’attente caractéristiques τ :

p(tw) ∝ exp(−tw / τ ). (3.3.3) Les différentes populations d’évènements laissent apparaître des temps caractéristiques d’attente exprimés en pas de temps de 5, 7, 8 et 16,3 pour NA > 20, NA > 30 et NA> 60 respectivement. Il n’est finalement pas étonnant de trouver des temps

carac-téristiques d’attente croissants puisque la population considérée a de moins en moins d’évènements (ce qui est déjà un résultat en soi). Et, en prenant l’ensemble des ava-lanches, on trouverait un temps caractéristique d’attente égal à un pas de temps ∆t. Néanmoins, les décroissances exponentielles sont observées pour toutes les tailles d’évè-nements considérées. Quelques processus intermittents [144, 167] ont mis en évidence des temps d’attente distribués en loi de puissance. Dans ces cas, les évènements sont corrélés et peuvent permettre des prévisions à plus ou moins long termes [168]. Pour un processus aléatoire et homogène, on s’attend plutôt à des décroissantes exponentielles des temps d’attente, les grandes avalanches observées ici semblent donc décorrélées en temps. En des termes plus concrets, attendre longtemps un grand évènement n’aug-mente pas les chances d’en avoir un plus rapidement : c’est un processus sans mémoire. Des pentes plus marquées peuvent être constatées sur la figure 3.9 (b) aux temps d’at-tente courts. Certaines fois, il apparaît donc que les grandes avalanches se concentrent sur des durées restreintes sous forme de précurseurs et de répliques. En pratique, il est cependant difficile de dire si ces évènements rapprochés font partie d’une même étape de réorganisation ou si ce sont bien des réarrangements distincts.

Cette concentration d’évènements d’amplitudes importantes sur des périodes courtes promeut a priori la possibilité de prévoir ces grands évènements à courts termes. Nous avons donc moyenné les tailles d’avalanches autour des dix évènements les plus impor-tants de chaque expérience sur la figure 3.10 pour voir s’ils pouvaient être prédits par la série des précurseurs et des répliques. Une très légère variation de la taille d’ava-lanche moyenne est visible juste avant et juste après l’évènement considéré. Elle reste cependant beaucoup trop faible et trop courte pour permettre une quelconque prévi-sion. Les auteurs de [132] montrent que dans le milieu granulaire monodisperse qu’il considère la prévision des grands évènements est possible par le suivi d’un paramètre de forme décrivant le désordre local présent au sein du système. Dans notre cas, le milieu granulaire est plus désordonné et de multiples configurations de l’empilement peuvent permettre d’atteindre un état mécanique stable. De ce fait, il ne semble pas qu’une considération structurelle simple puisse permettre de prédire les grands évè-nements. Par ailleurs, la course de l’intrus mécanique est relativement faible devant les dimensions de la cellule. Ainsi la majorité des disques présents dans la cellule at-teignent finalement des configurations spatiales peu différentes de leurs états initiaux. Il est donc raisonnable de penser que le système est encore dans un état transitoire dans son évolution globale. À plus long terme et pour une évolution de l’intrus suffi-samment longue, on pourrait imaginer l’apparition d’un état structurel plus constant avec des évènements peut être plus réguliers. Enfin, une avalanche de grande ampleur est souvent associée à une grande dissipation d’énergie après une forte accumulation, des informations supplémentaires sur les forces mises en jeu pourraient permettre une

68 Chapitre 3. Réarrangements autour d’un intrus unique

Fig. 3.10 Taille d’avalanche moyenne avant et après l’une des dix plus importantes avalanches de chaque manipulation placée ici à l’instant t = 0.

certaine prévision des évènements importants qui sont semblent ici décorrélés.