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4 Résultats de l’analyse des données

4.2 Analyse de la séquence didactique

Nous aborderons l'analyse de la séquence didactique proposée par Pfister (2008) sous l'angle des différents éléments de notre cadre conceptuel. Nous y relèverons le niveau d'abstraction requis (aussi bien en référence au schéma APOS qu'au type de modèles employés par les étudiants – analogique ou paradigmatique), le type de définitions mises en jeu, la nature des langages employés, et les niveaux des preuves requises au sein de l'activité.

Cette séquence se compose de trois exercices – dont nous présentons les énoncés plus bas – précédés d'une introduction théorique qui consiste en un rappel des principales définitions (espace vectoriel sur l'ensemble des réels, scalaire et corps) nécessaires à la résolution des exercices de la seconde partie. Parmi ces définitions, seule celle de scalaire est nominale. Les

autres sont essentielles (9 propriétés à respecter en ce qui concerne l'espace vectoriel et 11 en ce qui concerne le corps).

• Exercice 1 :

Considérons l'ensemble 𝐾𝐾2 = {0; 1}. Définir une opération d'addition et de multiplication sur l'ensemble 𝐾𝐾2 = {0; 1} qui fassent de cet ensemble (muni de ces deux opérations) un corps.

L'enjeu de ce problème est de proposer une définition qui respecte les 11 conditions énoncées dans la définition de corps. La réponse anticipée rejoint la vision heuristique de Lakatos, relevée par Ouvrier-Buffet (2003). L'étudiant doit en effet proposer des candidats sur la base d'une définition naïve, proche de la définition-zéro et de nature plutôt intuitive, pour passer ensuite à une définition générée par la preuve – suivant ainsi une « activité de recherche » des opérations adéquates. C'est à l'aide d'un processus de validation de nature déductive à l'arborescence complexe (proche du calcul sur les énoncés) que l'étudiant vérifiera que les opérations définies satisfont les contraintes de la définition de corps. A la suite de cet exercice de validation, la définition-zéro peut alors devenir une définition générée par la preuve.

• Exercice 2 :

Considérons l'ensemble 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) = ��𝛼𝛼 ; 𝛽𝛽�𝑡𝑡. 𝑞𝑞. 𝛼𝛼𝛼𝛼ℝ et βϵℝ� Dans cet ensemble, deux éléments (𝛼𝛼1; 𝛽𝛽1)et (𝛼𝛼2; 𝛽𝛽2) sont égaux si et seulement si �𝛼𝛼𝛽𝛽11 = 𝛼𝛼= 𝛽𝛽22

1. Vos sympathiques professeurs ont vérifié que l'addition terme à terme de ces éléments (semblable à celle dans ℝ2) satisfait bien les cinq premières propriétés caractéristiques des corps. Expliquer pourquoi la multiplication terme à terme de ces éléments, jumelée à l'addition terme à terme, ne fait pas de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) un corps. 2. Considérons maintenant l'opération suivante que nous appellerons multiplication

sur 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽): (𝛼𝛼1, 𝛽𝛽1)(𝛼𝛼2, 𝛽𝛽2) = (𝛼𝛼1 𝛼𝛼2− 𝛽𝛽1 𝛽𝛽2, 𝛼𝛼1𝛽𝛽2+ 𝛼𝛼2𝛽𝛽1). En admettant que cette opération est commutative et associative, démontrer que l'ensemble 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽)muni de l'addition terme à terme et de cette multiplication est bien un corps.

Comme pour le premier exercice, on relève dans cet énoncé une prédominance des langages

naturel et symbolique. La représentation graphique est encore possible pour les éléments de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) car, sans le mentionner explicitement, cet exercice fait référence aux nombres complexes. L'étudiant pourrait donc recourir au plan cartésien et au principe du

parallélogramme, généralement présenté dans les cours de physique, pour illustrer leur

somme. Pour autant que les étudiants puissent s'y référer, le degré d'abstraction, au sens de Dreyfus (2002), n'est donc pas trop élevé.

Toutefois, ce recours au plan cartésien n'est plus aussi immédiat dès lors qu'on considère la multiplication des éléments de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) car celui-ci nécessite une connaissance du théorème de Moivre.

Toutes les définitions, à l'exception de celle de l'égalité, sont essentielles: celles des opérations se font par construction et sont donc également essentielles. Les opérations sont ainsi présentées, dans ces deux premières questions, en tant qu'objets (au sens de Dubinsky, 1991) et non en tant que processus.

On retrouve, dans la première partie de l'énoncé, la vision heuristique de Lakatos : une première définition naïve de la multiplication est proposée. Cependant, la multiplication terme à terme ne satisfait pas les propriétés et cette définition-zéro doit être ensuite retravaillée par l'étudiant pour aboutir à une définition convenable. L'image du concept de multiplication risque ici d'être très forte, très ancrée chez l'étudiant, car la multiplication terme à terme est la multiplication naturelle, celle qui prévalait jusque-là dans les cours de mathématiques. Il y a lieu de penser que l'étudiant peut alors ne pas percevoir la pertinence de recourir à une nouvelle définition, l'image du concept prenant le dessus sur la définition du concept.

Un des objectifs de ce problème réside dans le type de modèle employé par l'étudiant, lequel, a priori, risque de ne pas être adéquat. A quelques exceptions près, et la multiplication matricielle en est une, les opérations usuelles fonctionnaient dans la plupart des situations auxquelles les étudiants ont été confrontés. Les étudiants peuvent ainsi supposer que ces opérations prévalent d'emblée, voire qu'elles sont les seules envisageables, quels que soient l'ensemble, la théorie et les objets mathématiques considérés. Ce faisant, l'enjeu de la première partie de ce deuxième exercice est d'amener les étudiants face à une contradiction. L'ensemble

𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) étant de surcroît un ensemble numérique, les connaissances antérieures de l'étudiant sur les ensembles numériques peuvent ainsi agir, à tort, comme un modèle analogique (au sens de Fischbein, 1987) : elles devraient s'appliquer car elles sont supposées, toujours selon l'étudiant, décrire l'intégralité de la théorie.

Mais alors que le modèle de l'étudiant ou la représentation qu'il a des ensembles numériques et des opérations est analogique, pourquoi un tel exemple ne correspondrait-il pas à l’analogie implicitement faite au nombre réels ? Au travers de la recherche du contre-exemple, on amène l'étudiant à bouleverser l'organisation de ses connaissances...

• Exercice 3:

Maintenant que nous savons que 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) muni des opérations définies à la question précédente est un corps et qu'il nous fournit des scalaires, nous sommes autorisés à parler d'espaces vectoriels sur 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽). Par exemple, l'espace vectoriel 𝐾𝐾2(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) est l'ensemble des vecteurs de la forme 𝑣𝑣⃗ = ((𝛼𝛼1, 𝛽𝛽1)(𝛼𝛼2, 𝛽𝛽2)) où les composantes (𝛼𝛼1, 𝛽𝛽1) et (𝛼𝛼2, 𝛽𝛽2) sont des scalaire de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽). On effectue la somme de deux vecteurs de 𝐾𝐾2

(𝛼𝛼; 𝛽𝛽) composante à composante et la multiplication par un scalaire 𝑘𝑘 𝑣𝑣⃗ (où 𝑘𝑘 = (𝜃𝜃, 𝜇𝜇)est un scalaire de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽)) en multipliant chacune des composantes du vecteur 𝑣𝑣⃗ par le scalaire 𝑘𝑘

1. Considérons l'ensemble ordonné 𝐵𝐵 = {((1; 0), (0,0)); ((0; 0), (0; 1))} Cet ensemble de deux vecteurs de 𝐾𝐾2

(𝛼𝛼; 𝛽𝛽)constitue-t-il une base de 𝐾𝐾2(𝛼𝛼; 𝛽𝛽)?

2. Exprimer le vecteur 𝑣𝑣⃗ = ((1; 2)(3; 4)) comme une combinaison linéaire des éléments de 𝐵𝐵.

Les éléments mathématiques considérés dans cet exercice appartiennent à l'ensemble ℂ × ℂ. Pour ses éléments comme pour les opérations, seule la représentation symbolique est possible et il est délicat, voire impossible, pour les étudiants de se construire une image du concept et de recourir à un mode de représentation utilisant le langage graphique.

On retrouve à nouveau, dans cet exercice, un processus de validation avec un niveau de preuve relatif à une preuve intellectuelle (au sens de Balacheff, 1998). Les principales définitions

(base, corps et espace vectoriel) sont toujours essentielles. Mais en revanche, la définition de multiplication, abordée dans cet exercice en tant qu'objet, semble inusuelle, car elle met en jeu deux éléments issus de deux ensembles distincts: le vecteur 𝑣𝑣⃗, issu de 𝐾𝐾2

(𝛼𝛼; 𝛽𝛽), et le scalaire 𝑘𝑘, élément de 𝐾𝐾(𝛼𝛼; 𝛽𝛽)