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Pour bien illustrer la problématique abordée dans la première partie de ce chapitre, nous allons utiliser un cas récent de série télévisée qui aborde le sujet du suicide. La série se centre autour du personnage de Clay Jensen qui enquête sur les raisons du suicide de son amie, Hannah Baker. Au fil des épisodes, on en apprend plus sur celle-ci. Nouvellement arrivée

dans l’école, elle fréquente les mauvaises personnes et devient rapidement la cible des intimidateurs. Lorsqu’elle est victime d’une agression sexuelle, elle tente de chercher de l’aide, mais elle n’est pas écoutée. Humiliée, perdue, elle passe à l’acte, laissant derrière elle treize cassettes audio dédiées à ceux qui l’ont blessée durant sa courte vie. Plusieurs sujets importants sont abordés dans cette série, l’intimidation, la cyber intimidation, les agressions sexuelles, l’abus d’alcool, etc., mais le sujet qui a le plus fait parler est le suicide, plus précisément, la manière dont il est dépeint. Les réalisateurs ont défendu leur choix de montrer le suicide de manière très graphique, selon eux, voir la souffrance du passage à l’acte aurait comme effet de dissuader les jeunes qui songent au suicide. Cependant, leur souhait a eu l’effet contraire. Sur le site Reporting on suicide, qui offre des recommandations sur la manière de traiter du suicide dans les médias (voir annexe 2), ils expliquent qu’il a été démontré, dans un bon nombre de recherches, que certains types de couvertures médiatiques peuvent augmenter le risque de suicide chez les personnes vulnérables :

« Risk of additional suicides increases when the story explicitly describes the suicide method, uses dramatic/graphic headlines or images, and repeated/extensive coverage sensationalizes or glamorizes a death. Suicide Contagion, or"Copycat Suicide," occurs when one or more suicides are reported in a way that contributes to another suicide. » (2015)

Deux chercheuses en psychologie et abus de substances se sont basées sur ces notions pour analyser la série. Elles argumentent que de montrer le suicide de manière graphique à un effet contreproductif non seulement sur le public, mais au sein même de la série. L’effet de contagion se fait au sein même de la diégèse :

« despite clear and convincing evidence that graphic depictions of suicide often have the opposite effect, especially among young adults. Interestingly, the show illustrates clearly the phenomenon of suicide contagion: for example, Hannah’s suicide directly contributes to an attempt by one of her friends, and several of her other friends either seriously consider suicide or become otherwise more self-destructive. While the show demonstrates

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the danger of contagion, the creators appear not to have considered how their particular approach to presenting the series may create similar vulnerabilities and danger in young viewers. Suicide is fundamentally an irrational act that occurs in a state of tremendous distress. When a suicide occurs, this increases feelings of pain and guilt, as well as making suicide feel more accessible. For this reason, showing Hannah’s suicide in such detail seems likely to be counterproductive. » (Weinberg 2018)

La tentative de suicide de ce second personnage est aussi très explicite. De plus, la manière dont le personnage d’Hannah continue d’exister à travers les cassettes audio qu’elle a enregistrées a beaucoup été critiquée. Ces enregistrements donnés aux personnes qu’elle blâme pour sa mort plongent les personnages dans une grande souffrance psychologique. Par ces cassettes, elle trouve le moyen de se venger, ce qui est un message dangereux pour les jeunes qui pourrait s’inspirer de son geste et le reproduire pour se libérer de leurs souffrances. Dépeindre le suicide comme un acte de vengeance est une représentation dangereuse. De plus, les étapes qui mènent au suicide sont des faits concrets qui peuvent inspirer les jeunes vulnérables et c’est malheureusement ce qui s’est produit. En mai 2018, le New York Post s’entretenait avec la mère d’une adolescente de quinze ans qui a tenté de s’enlever la vie le matin de la fête des Mères. Sa mère a retrouvé dans son cellulaire des messages qui faisait directement référence à l’émission :

« “It’s taking too long…it’s not like on 13 Reasons,” her daughter wrote in one message, after reportedly slicing her arms open from the wrist to about her elbow. […] Her daughter reportedly “took a pencil sharpener apart to get the blade out” and then filmed herself cutting both arms inside of a bathtub — mimicking the death of Hannah from “13 Reasons Why.” » (Perez 2018)

La jeune fille a survécu à sa tentative, mais d’autres adolescents n’ont pas eu cette chance. Deux autres jeunes filles sont décédées à la suite de leur tentative de suicide. Dans les deux cas, elles avaient regardé la série peu de temps avant leur passage à l’acte. Ce que l’on peut conclure de ces cas, c’est que les œuvres peuvent avoir un effet sur les individus plus influençables ou à risque.

Suite aux répercussions négatives qu’a eues la série, les producteurs ont ajouté une courte vidéo informative avant les épisodes de la deuxième saison. On y retrouve les acteurs principaux qui offrent aux jeunes des sites et des numéros de ligne d’aide. Ce geste démontre

que les producteurs sont à l’écoute du public et sont conscients des effets que peut avoir leur série.

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