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VI. DISCUSSION

3. Analyse des résultats

a. Comparaison des caractéristiques de la population générale et celles de l’échantillon de l’étude

L’échantillon comprenait uniquement des MG des HdeF. Une comparaison a été réalisée avec des MG de toute la France.

i. Démographie et activité des MG

Le site Améli de la Sécurité Sociale met à disposition les données statistiques de 2016 concernant les effectifs d’omnipraticiens installés en libéral actifs (=somme des MG et des médecins à mode d'exercice particulier) (28) (mise à jour en décembre 2017).

HdeF France Echantillon étude Nombre de MG 5 366 H=3 779 (70,4%) 59 752 H=38 080 (63,7%) 103 H=68 (66%) F=1 587 (29,6%) F=21 672 (36,3%) F= 35(34%) Age moyen 53 H = 55 53 H = 55 50 H= 54 F = 49 F = 49 F = 44 Conventionné 5 097 (95%) 54 225 (90,8%) 103 (100%) Libéral exclusif 4 853 (90,4%) 54 525 (91,3%) 93 (90,3%) Nombre moyen de patients déclarés 1912 1910 1052 Nombre moyen de consultations* 109 91 129 Nombre moyen de visites* 16 10 15

Les données sont exprimées en nombre (pourcentage). H = hommes ; F = femmes

*sur une semaine type

ii. La prise en charge des PA en institution par les MG

Selon une étude de la DRESS, s’intéressant à 5 régions françaises, en moyenne 38% à 52% des médecins avaient déclaré prendre en charge des PA en institution. (29).

Dans la présente étude, sur les 103 médecins répondants, 80,3% ont déclaré participer au parcours de soin des PA en EHPAD.

Cette différence était peut-être liée en partie au fait que les MG ayant répondu à l’étude étaient d’autant plus sensibilisés par le fait qu’ils intervenaient en EHPAD.

b. Les particularités des MG prenant en charge des PA en EHPAD

i. Le genre

Dans la présente étude, les médecins intervenant en EHPAD ont été représentés par 65% d’hommes et 35% de femmes. Il n’y a pas eu de différence significative de répartition hommes - femmes entre le groupe intervenant en EHPAD ou n’y intervenant pas. De manière indifférenciée parmi les médecins hommes ou dans le groupe des médecins femmes, 80% sont intervenus en EHPAD.

ii. Ancienneté d’installation

Dans l’étude, de manière non significative, les MG intervenant en EHPAD étaient installés depuis plus longtemps que les MG qui n’y intervenaient pas (20 ans contre 16 ans en moyenne).

Les MG intervenaient en EHPAD depuis en moyenne 16 ans alors qu’ils étaient installés depuis un peu plus de 20 ans en moyenne.

Il est possible d’expliquer ces résultats par le fait que la patientèle d’un jeune médecin installé est moins âgée que celle d’un médecin plus âgé. Ceci fait écho à l’hypothèse d’une association entre les profils des médecins et celles des patients.

iii. L’association entre l’âge du patient et celui du médecin

Des études avaient déjà été réalisées dans le but de montrer une association entre le profil sociodémographique des médecins et celui des patients. De nombreux travaux avaient établi un lien particulier entre le sexe et l’âge des médecins et celui de leurs patients, et d’autant plus lorsque le suivi est régulier. Ainsi, un tiers des

consultations des médecins de plus de 40 ans concernait un patient de 70 ans et plus, contre 19% chez les médecins de 30 ans. (15)

Selon l’étude présentée ici, si on scinde les médecins en deux groupes selon leur âge, la tendance se confirme. Les médecins de 40 ans et plus ont été 84% à intervenir en EHPAD contre 70% chez les moins de 40 ans. Si on place le curseur à 50 ans, les médecins de 50 ans et plus ont été 86% à intervenir en EHPAD contre 74% pour les moins de 50 ans.

Dans l’étude, les MG intervenant en EHPAD ont été plus nombreux à déclarer avoir une patientèle orientée gériatrique par rapport aux MG n’intervenant pas en EHPAD (14,5% contre 5%).

iv. Zone d’activité

Selon la présente étude, si on s’intéresse à la population des MG installés en zone urbaine, 83% ont exercé en EHPAD contre 70% des MG installés en zone rurale.

D’un autre point de vue, si on s’intéresse à la population des MG qui intervenaient en EHPAD, ils ont exercé davantage en milieu urbain comparé aux médecins n’intervenant pas en EHPAD (83% contre 70%) de manière statistiquement non significative.

Les MG réalisant le plus de VAD étaient davantage installés en milieu rural car ils voyaient plus de patients d’une manière générale. Cependant les VAD en EHPAD ont été davantage assurées par des MG des zones urbaines car les EHPAD concernés étaient peut-être davantage implantés dans des zones urbaines et

les médecins en zone rurale suivaient moins de patients institutionnalisés car limités dans leurs déplacements en termes de kilomètres.

v. Les formations

Les deux groupes (MG intervenant en EHPAD et MG n’intervenant pas en EHPAD) ont été statistiquement différents sur le critère « temps consacré aux GEP » où les MG intervenant en EHPAD y passaient 4 fois plus de temps que les médecins ne s’y rendant pas. Les MG qui intervenaient en EHPAD ont été plus nombreux à participer à des GEP comparé à l’autre groupe.

Les MG qui intervenaient en EHPAD ont eu plus de formations complémentaires et en lien direct avec les pathologies des PA (18% avaient une formation en gérontologie, 5% en soins palliatifs) contrairement aux médecins n’intervenant pas en EHPAD.

Les MG qui intervenaient en EHPAD étaient installés depuis plus longtemps que la moyenne, ce qui leur confère une certaine expérience dans l’exercice de la médecine. Il est permis d’imaginer qu’ils désirent partager leurs expériences au cours des GEP. Par leur ouverture d’esprit, ils sont désireux d’enrichir leurs connaissances et s’engagent à suivre des formations complémentaires, notamment dans le domaine de la gériatrie afin d’améliorer leur prise en charge auprès des PA.

c. Les visites : à domicile ou en EHPAD

Sur les 103 MG interrogés, ils ont été 3 à ne réaliser aucune VAD soit 2,9%. Ils ont été 19,4% à ne pas réaliser de visites en EHPAD. 8 ont refusé d’aller en visite en EHPAD malgré la présence de certains de leurs patients institutionnalisés et d’EHPAD à proximité, ce qui représentait 7,8% de la population générale et 40% de la population des MG qui n’intervenaient pas en EHPAD.

Parmi les 20 MG qui ne se sont pas rendus en EHPAD, 17 ont pourtant réalisé des VAD soit 85%. En moyenne ils ont réalisé 15 VAD par semaine. Parmi les 8 médecins ne désirant pas se rendre en EHPAD malgré un EHPAD à proximité ou un de leur patient institutionnalisé, ils ont été 6 à faire en moyenne 15 VAD par semaine, avec un maximum de 50 VAD pour l’un d’entre eux. Ceci montre que pour certains la réticence n’est pas à la VAD mais à la visite en EHPAD spécifiquement.

d. Les spécificités d’une visite en EHPAD

Sur la moyenne des 13 critères évalués, il existait une différence significative entre les 2 groupes, les MG intervenant en EHPAD semblaient apprécier davantage d’y intervenir (5,8/10 contre 5/10, p=0,039).

i. La visite en EHPAD : une activité chronophage

➢ La durée de la consultation

Le temps moyen d’une visite en EHPAD en France varie de 24 à 57 minutes selon le motif et le profil du patient. Une visite non programmée et débouchant sur une prise en charge hospitalière ou SAMU ou encore une première visite d’admission est plus

longue. Le temps moyen d’un MG intervenant en EHPAD est de 32 minutes par visite et par résident. (14)

Une enquête de la DREES publiée en 2006, avait été menée entre 2002 et 2003 auprès de 922 MG libéraux. Sur les 44 000 consultations qu’ils avaient réalisé à leur cabinet et les 6 000 visites qu’ils avaient effectué auprès de leurs patients:

- La durée moyenne d’une consultation au cabinet était de 15 minutes.

- La durée des consultations des patients âgés de 75 ans et plus était plus proche des 17 minutes.

- La durée moyenne d’une VAD était de 18 minutes sans compter le temps de trajet et le report des informations au cabinet ensuite soit environ 41 minutes.(30)

- La durée moyenne des consultations des PAD était de 23 minutes.

- La durée moyenne sur place d’une VAD pour une PAD était de 25 minutes. (12)

Les MG peuvent être réticents à réaliser une visite en EHPAD car elle est 1,8 fois plus longue qu’une VAD, et 1,3 fois plus longue qu’une VAD chez une PAD.

Dans le présent travail, le critère « durée de l’acte » a été noté 5,4/10 par les MG intervenant en EHPAD et 3,8/10 par ceux qui ne s’y rendaient pas, avec une différence significative (p=0,020). De nombreux participants parlaient de visites chronophages dans les commentaires libres, et expliquaient la longue démarche de la visite en EHPAD : il faut trouver l’infirmière pour avoir des transmissions, trouver le

patient, l’amener dans sa chambre, l’examiner, faire des transmissions à l’infirmière, faire les prescriptions et laisser une trace écrite dans le dossier informatisé. Les médecins aimeraient compter davantage sur l’aide d’une infirmière pour les accompagner au lit du patient facilitant ainsi l’examen clinique, et la coordination pour le suivi du patient.

➢ Le temps de trajet

Il faut également compter le temps de trajet. Dans la présente étude, les médecins ont fait en moyenne 4,3 km pour se rendre dans un EHPAD. Dans l’étude, plus de 60% des MG se limitaient à moins de 5 km. Les MG intervenant en EHPAD ont noté le critère « temps de trajet » 5,8/10 contre 4,2/10 pour les MG n’intervenant pas en EHPAD (p=0,027).

➢ La rupture de l’emploi du temps

Le fait de se rendre en EHPAD, parfois en urgence peut créer une rupture dans la journée et perturber le fil des consultations. Ceci constitue une perte de temps et peut perturber l’organisation du médecin. Les médecins n’intervenant pas en EHPAD ont noté plus sévèrement ce critère : 3,3/10 contre 4,5/10 pour ceux qui s’y rendent (p=0,040).

Les notions de durée de l’acte, de temps de trajet et de rupture dans l’emploi du temps apparaissent comme des critères décisifs dans le choix de réaliser ou non des visites en EHPAD.

ii. La rémunération de la visite en EHPAD

Des MG interrogés par Anne Laure Dufour avaient estimé que la rémunération n’était pas suffisante mais ne semblait pas être un frein à leur réalisation. Une revalorisation n’était pas apparue comme une solution pour les inciter à en faire davantage mais pourrait contribuer à ce qu’ils se sentent mieux reconnus dans l’exercice de leur profession. (22)

Dans la présente étude, les médecins participants ont attribué une note moyenne de 5,2/10 concernant la satisfaction liée à la rémunération. C’était un des critères les moins bien notés. Cependant il n’a pas été mis en évidence de différence significative de notation sur ce critère entre les deux groupes, ce qui signifie que ça n’est pas un critère décisif sur le fait de se rendre ou non en EHPAD.

Certains EHPAD proposent une rémunération au forfait pour les MG suivant des patients institutionnalisés. Le forfait annuel s’élève à 384€ soit 32€ par résident et par mois. Ce forfait correspond presque à la rémunération actuelle pour une VAD mensuelle. Mais il ne prévoit pas les visites pour une pathologie aigüe ou en urgence, qui peuvent vite augmenter le temps passé auprès du résident et peuvent nécessiter une réévaluation. Cette estimation ne prend pas en compte le temps passé avec la famille et les équipes soignantes. Les MT habitués jusqu’à présent à être payés à l’acte vont-ils accepter une rémunération forfaitaire, au risque d’être perdants s’ils se déplacent plus d’une douzaine de fois par an ? (14)

Un projet de contrat national type pourrait solutionner quelques-unes de ces problématiques afin de rémunérer à sa juste valeur le temps passé par les médecins

pour un suivi médical de qualité, un bon relationnel avec l’équipe soignante et la participation aux réunions de l’établissement. (27)

iii. L’accès au dossier du patient

Le critère « accès au dossier et informatisation » a été très mal noté par les participants lors de l’enquête avec une différence significative entre les 2 groupes (5,5/10 pour les MG intervenant en EHPAD et 3,9/10 pour ceux qui ne s’y rendent pas, p=0,009). C’est un aspect qui apparait comme très contraignant pour les médecins lors de leur intervention en EHPAD, et qui semble être un élément décisif dans le choix d’intervenir ou non en EHPAD.

D’autres travaux avaient pu évoquer la possibilité de la création d’un dossier médical standardisé informatisé, à installer dans tous les EHPAD. Cette uniformisation faciliterait la tâche des MG qui interviennent dans plusieurs EHPAD, en leur évitant de devoir travailler sur divers logiciels. (27)

Aujourd’hui, certains logiciels médicaux sont consultables sur internet ce qui permet aux médecins de disposer du dossier médical en visite sur smartphone ou tablette. Plusieurs médecins interrogés dans la thèse d’Anne-Laure Dufour s’étaient dit intéressés par cette possibilité. Mais pour ceux qui l’avaient testé, ils s’étaient parfois heurtés à un problème de connexion internet, de synchronisation des données, ou du coût financier pour s’équiper.(22)

iv. L’aspect relationnel avec le patient

L’aspect relationnel avec le patient est particulier en EHPAD. La relation médecin patient est parfois forte, de par l’ancienneté du suivi du patient qu’il a vu vieillir et devenir dépendant jusqu’à son institutionnalisation. Cet aspect a été particulièrement apprécié par les médecins, non seulement par ceux qui intervenaient en EHPAD mais aussi par le groupe de MG qui ne s’y rendaient pas qui attribuait d’ailleurs à ce critère la meilleure note, sans différence significative entre les 2 groupes.

L’aspect gériatrique poly pathologique a été l’un des critères les mieux notés dans les 2 groupes également.

Ces critères n’apparaissent donc pas comme des éléments décisifs dans le fait d’intervenir ou non en EHPAD.

v. L’aspect relationnel avec le personnel de l’établissement et le médecin coordonnateur

Le relationnel avec le personnel a été apprécié par le groupe des MG qui n’intervenaient pas en EHPAD (6,1/10), mais pas autant que dans le groupe de MG intervenant en EHPAD (7,3/10) (p=0,045). Même s’il n’a pas été sévèrement noté il pourrait être un critère décisif dans leur choix d’intervenir en EHPAD. Plusieurs MG répondants ont évoqué un personnel débordé et aimeraient qu’il soit plus disponible pour les accompagner au lit du patient.

L’aspect relationnel avec le médecin coordonnateur a été plus sévèrement noté autour de 5,5/10 pour les 2 groupes. Dans les commentaires libres, les participants

ont été plusieurs à exprimer le fait qu’ils ne voyaient jamais le médecin coordonnateur, souvent à temps partiel, et que le manque de coordination pénalisait le patient.

Le manque de coordination a justement été noté 5,6/10 pour les MG d’EHPAD contre 4,6/10 chez les non intervenants (p=0,022). Ce critère semble rendre réticents les MG à se déplacer en EHPAD.

vi. Motifs de demandes de visites

Les MG n’intervenant pas en EHPAD ont jugé plus sévèrement ce critère (4,4/10 contre 5,9/10 pour ceux intervenant en EHPAD p=0,006). Ce critère apparait alors comme décisif dans le choix d’intervenir ou non en EHPAD.

Une enquête sur les consultations et visites des médecins généralistes libéraux en 2002 par le DREES avait établi que parmi toutes les demandes de visites hors renouvellement de traitement, seules 24% étaient jugées urgentes. (19)

Au total, l’étude a montré que ce n’est pas le fait de la prise en charge des PA poly pathologiques qui semblait freiner les MG à intervenir en EHPAD mais plutôt les conditions matérielles et organisationnelles liées à l’intervention dans les EHPAD.

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