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Comme nous l’avons détaillé dans notre revue de la littérature (cf. IV. Epidémiologie des

HOs), seules quelques caractéristiques des HOs ont fait l’objet, au cours d’études, d’un recueil

descriptif précis avec des données chiffrées. C’est le cas de :

- La prévalence des HOs ;

- L’influence du genre ou de la culture ;

- La valence hédonique de ce type d’hallucination.

En revanche, d’autres paramètres des HOs ont été très peu étudiés. C’est le cas de :

- La qualité de l’odeur hallucinée ;

- La localisation de l’odeur hallucinée attribuée par le patient ;

- Les aspects temporels (fréquence de survenue, durée de l’hallucination) ;

- L’intensité de l’odeur ;

- Les facteurs déclenchants de l’hallucination ;

- Le degré de critique ;

- Les réactions comportementales et émotionnelles ;

- L’association à d’autres types d’hallucinations ou à un syndrome délirant.

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Enfin, d’autres aspects des HOs n’ont jamais été explorés ni estimés avant notre étude.

En effet, notre travail recueille et évalue pour la première fois :

- Le nombre d’odeurs différentes hallucinées par le patient ;

- L’impact de ces HOs sur les croyances et convictions du patient ;

- L’existence d’une éventuelle adaptation à ces hallucinations ;

- Le partage de ces expériences hallucinatoires avec d’autres personnes ;

- Les différentes raisons conduisant le patient à ne pas en parler ;

- Les antécédents d’exploration de ce type d’hallucination par un psychiatre ;

- Les causes attribuées par le patient ;

- L’existence d’hallucinations multimodales simultanées ou indépendantes.

Dans notre étude, la prévalence des HOs est de 24 % sur la vie entière. Cette valeur est

proche de celle rapportée par Lim et al. en 2016 (22 %). Par contre, elle apparait supérieure aux

prévalences rapportées par d’autres études (15 % pour Mc Grath et al. en 2009 ; 17 % pour

Lewandowski et al. en 2009 ; 19 % pour Thomas et al. en 2007) tandis que d’autres auteurs ont

retrouvés des HOs plus fréquentes (27 % pour Thomas et al. en 2007 et 35 % pour Kopala et

al. en 1994).

La prévalence sur le mois précédant notre étude est de 8%, ce qui correspond à celle

retrouvée par la plupart des études (6 % pour Lim et al. en 2016 ; 6 % pour Peralta and Cuesta

en 1999 ; 7 % pour Kitamur et al. en 1998 ; 9 % pour Fortuyn et al. en 2009 et 10 % pour Silver

et al. en 1993). Seules les études de Jablensky et al. (1992), Langdon et al. (2011) et Stedman

and Clair (1998) retrouvent des valeurs nettement supérieures (respectivement 13, 17 et 26 %).

En accord avec la plupart des études (Kopala et al., 1994 ; Langdon et al., 2011 ;

Lewandowski et al., 2009 ; Ndetei and Singh, 1983 ; Pryse-Phillips, 1971 ; Stevenson et al.,

2011 ; Thomas et al., 2007), nous avons retrouvé une proportion similaire d’hommes (8

patients)et de femmes (6 patients) ayant vécus des HOs.

Toujours en accord avec les données de la littérature, les HOs désagréables sont

prédominantes et on identifie également dans de moindres proportions des HOS agréables et

neutres. Le pourcentage de patients expérimentant des HOs de valences hédoniques différentes

est nettement inférieur (28 %) à celui retrouvé par Stevenson et al. (2011) qui est de 63 %. En

effet, deux tiers de nos patients n’expérimentent que des HOs désagréables.

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Ainsi lorsque nous les avons recherchées activement dans notre étude, les HOs ont été

expérimentées chez près d’un patient sur quatre. Notre étude permet donc de confirmer que les

HOs sont loin d’être rares et que l’on aurait tort de continuer à les négliger. Le peu de

connaissances à leur sujet, l’absence d’investigations par les psychiatres (aucun patient n’a

jamais été interrogé à ce sujet par un psychiatre ; tableau 9), l’inexistence d’outil adapté validé

(cf. Partie 2. I. A. 1. Les grilles existantes) et l’éventuelle réticence à en parler pour certains

patients (tableau 9) en font un symptôme clairement sous-évalué et négligé.

Pourtant, même si l’impact général sur la vie peut être moindre en comparaison avec

d’autres types d’hallucinations ou d’autres symptômes (dans 84 % des cas, le retentissement

sur la vie est absentou qualifié de « minime » ; tableau 9), notre étude a montré que les patients

atteints de schizophrénie n’y sont jamais indifférents (aucun patient n’est indifférent à ses HOs,

tableau 9). Nous avons défendu dans notre travail la thèse selon laquelle la perception et le vécu

des odeurs constituent une modalité fondamentale de notre rapport au monde (cf. Partie 1. I. C.

Odorat et système olfactif). Les perturbations de la perception des odeurs – dont l’hallucination

constitue l’un des symptômes les plus sévères – sont généralement associées à une perception

délirante du monde, notamment selon une thématique persécutive (l’HO est associée, chez 86

% des patients, à un syndrome délirant ; tableau 9).

Pour une plus petite proportion de patients, en particulier ceux expérimentant une odeur

intrinsèque désagréable, les HOs peuvent même être à l’origine d’un retentissement majeur sur

la qualité de vie en générant anxiété, dépression, autodépréciation et repli sur soi (Langdon et

al., 2011).

Même si la valeur pronostique de ce symptôme reste encore discutée et indéterminée,

l’HO peut être un symptôme précoce de la maladie voire un symptôme prodromique chez des

sujets prédisposés à développer ultérieurement une pathologie psychotique (Kwapil et al.,

1996). La survenue de ce type de symptômes devrait donc être recherchée systématiquement

par les professionnels de santé pour affiner l’évaluation diagnostique.

Enfin, l’approche du vécu du patient par cette modalité sensorielle dont nous avons vu les

liens étroits et puissants avec les émotions, la sphère intime et la mémoire autobiographique,

nous semble devoir être revalorisée afin de permettre d’accéder à une meilleure connaissance

du patient.

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Sur le plan thérapeutique, le traitement des hallucinations n’est généralement pas

distingué de celui de la schizophrénie

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. En ce qui concerne les HOs, nous n’avons retrouvé

qu’une seule étude s’intéressant à un traitement spécifique des HOs. Ainsi, Kimhy (2016)

rapporte le cas d’un patient avec un diagnostic de schizophrénie ayant bénéficié d’une Thérapie

Cognitivo-Comportementale pour la psychose (TCCp) (en anglais « CBT for psychosis » ou

CBTp) pour traiter spécifiquement les HOs (à type de propre odeur corporelle nauséabonde) et

les idées délirantes associées (à type d’incommodation des personnes le côtoyant). Cette

psychothérapie – notamment grâce à la réalisation d’une analyse fonctionnelle, du

développement d’un récit alternatif de l’histoire du patient et de ses troubles, d’une meilleure

compréhension de la part du patient de sa pathologie et d’un travail plus comportemental avec

la réalisation d’une exposition in vivo progressive – a permis une amélioration considérable du

patient dans son fonctionnement au quotidien et dans la gestion de ses symptômes. Même si à

la fin de thérapie le patient expérimentait encore occasionnellement des HOs, la conviction

délirante associée était significativement réduite. Le patient parvenait à critiquer la croyance

selon laquelle son entourage pouvait percevoir et être gêné par ces odeurs. En dépit de la

persistance d’une certaine anxiété sociale résiduelle, le patient a été capable de reprendre des

activités sociales ainsi qu’une activité professionnelle à mi-temps. En résumé, les résultats de

cette étude fournissent pour la première fois un support en faveur de la faisabilité et l’efficacité

de la TCCp pour traiter les HOs et le syndrome délirant associé chez les personnes atteintes de

schizophrénie.

Par ailleurs, les HOs présentent également un intérêt d’un point de vue plus théorique.

En effet, aborder l’étude des hallucinations par le biais de la modalité olfactive pourrait

permettre une meilleure compréhension psychopathologique des phénomènes hallucinatoires.

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