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H ÉÉ

4. L'ANALYSE DES PROGRAMMES

Cette analyse se déploie le long du graphe ascendant relatif aux objectifs.

Elle consiste à sélectionner les cheminements en fonction de certains cri- tères, et notamment de critères économiques usuels, qui justifient l'allo- cation des ressources la plus pertinente. C'est le domaine de la tactique.

Il y a à chaque échelon du graphe, par le service, ou le corps de services correspondant, élaboration de projets qui sont insérés dans des projets plus vastes à des échelons plus élevés en coordination avec d'autres orga- nismes. Cet acheminement, parce qu'il est systématique, peut favoriser une programmation extrêmement dynamique, ne négligeant aucune alternative, et obligeant à envisager et à évaluer des projets que l'on n'avait pas l'audace d'imaginer en se fiant à sa seule intuition. On défriche ainsi le terrain segments par segments, d'éléments de programmes à des catégories de program- mes qui seront peut être par la suite remises en cause par un acheminement

tout à fait différent : par exemple, on se propose la construction d'un réseau routier, et l'on adopte finalement la décentralisation des services : services administratifs, hôpitaux, facultés, etc... On veut aider les han- dicapés : handicapés "éducatifs", handicapés par les discriminations ra- ciales ..., handicapés par les charges familiales..., et l'on associe des programmes de réadaptation professionnelle à des programmes d'éducation ; on assemble ensuite des programmes relatifs aux emplois avec des programmes d'environnement social et des programmes d'assistance en espèces, qui tous pourvoient à l'autonomie de subsistance et luttent contre la pauvreté.

On progresse ainsi vers des objectifs plus généraux en râtissant l'univers des besoins qui leur sont associés.

A - Les modalités de l'analyse - Les critères

Différentes modalités d'analyse jalonnent l'approche systématique de chaque projet. Dans chacune d'elles les avantages (calculés en unité physique), les bénéfices et les coûts directs et indirects (calculés en unité monétaire), les taux d'actualisation, etc... sont confrontés et articulés en fonction de certains critères de choix ; il existe des critères de classement des projets : par exemple un critère social est le coût par mort évitée (somme des coûts d'un programme sur une certaine période divisée par le nombre de morts évitées par la mise en application de ce programme) ; un critère économique usuel de classement est le ratio bénéfice/coût. Quand on dispose d'évaluation des avantages d'un projet on peut le repérer par son efficacité mar- ginale. De façon générale il est particulièrement commode de se re- porter à la batterie classique des critères économiques utilisés pour la sélection de projets d'investissement : bénéfices actualisés, taux de rentabilité moyen, taux de rentabilité marginal, taux de rentabilité immédiat ; rappelons-en de façon concise les définitions : Si 1 est le coût de l'investissement initial, B(t) =

Rt - Dt le béné- fice brut de l'année t (différence entre les recettes et les dépenses de l'année t), a le taux d'actualisation, le bénéfice actualisé sur n années est :

n

B(n) I + L B(t)

1

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si j est le taux d'actualisation continu, équivalent au taux annuel (eJ = 1 + a), le bénéfice actualisé sur la période de 0 à t est :

_ B = -

t

e- it B(t) dt 0

Le taux de rentabilité moyen (r) se définit par : n

- r V B(t) _ .

I +

(i 1 t === 1

et le taux de rentabilité marginal, m, par :

t = 1 1 (1 + m)

Le taux de rentabilité immédiat est le quotient des avantages nets de l'instant n par le coût de l'investissement ; il indique la date optimale de réalisation du projet.

Ces critères départagent les projets alternatifs ou permettent de juger de leur seule rentabilité. Il est important de remarquer que la procédure P.P.B.S. favorise la confrontation de projets alter- natifs, et que si cette comparaison ne peut s'exercer à un certain échelon, il se trouve toujours un stade supérieur, où un programme alternatif remette en cause le programme général, dans 1"lequel

s'insère un projet isolé. '

C'est l'approche la plus classique et la plus simple pour évaluer et choisir un programme.

Nous schématisons sur la figure 1, ci-dessous, trois modalités d'ana- lyse confrontant deux projets (ou deux programmes) (1) (I) et (II), desservant ou non le même objectif ; en abscisse sont portés les coûts des projets, et en ordonnée leur efficacité, fonction des ressources qui leur sont consacrées. Cette efficacité, rappelons-le, s'exprime en "buts" ; les buts donnent les degrés prévus de réalisation des objectifs par les projets. Fixons-nous deux niveaux d'efficacité A et B ; ces niceaux de réalisation des objectifs peuvent s'exprimer de façon extrêmement précise, par exemple la destruction d'une cible déterminée à 90 % dans un intervalle de temps précis (les projets alternatifs sont alors des systèmes d'armes, avion à longue portée servant de base de lancement, ou missile lancé à partir d'une base terrestre donnée) (2) ; mais ces niveaux peuvent aussi concerner des objectifs beaucoup plus généraux, nombre d'années d'éducation, : nombre d'années d'espérance de vie...

U '

GRAPHIQUE 1 ° a .---

1

' i

1

' 1

,

1 1 1

, , 1

1 i

"t- Coûts

(1) Le programme a un sens plus large que celui de projet. Il comprend aussi bien des activités que des projets.

(2) Exemple donné par FISCHER en annexe au chapitre 4 : "The Department of Defense" de l'ouvrage collectif de NOVICK, "PROGRAM BUDGETING" (12)

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a) Choix des projets ou programmes (I) et (II) en fonction de leur efficacité marginale

On voit sur le graphique 1 qu'au niveau A l'efficacité marginale de (II) est supérieure à celle de (I) mais que les dépenses occa- sionnées par (II) sont plus importantes que celles de (I). Le choix entre (I) et (II) dépend de nos supputations sur l'avenir, de l'incertitude, de l'incidence du progrès technique. Il est évident qu'un programme plus performant a des chances futures de s'implanter et de susciter un niveau de dépenses plus élevé, les taux marginaux d'efficacité tendant à s'égaliser.

Si les projets ou les programmes (I) et (II) concernent des objec- tifs différents, on a les "termes de l'échange" entre les deux objectifs : en effet, un même montant de ressources permettant d'accroître l'espérance de vie de x années et de pourvoir à l'éducation pendant y années supplémentaires, x et y sont les termes de l'échange entre la santé et l'éducation.

. b) Choix à niveau d'efficacité donné (1) de projets ou programmes (I) et (II)

Sur la figure 1, supposons que les deux projets ou programmes (I) et (II) visent le même objectif. Au niveau A on préférera (I) à (II) parce qu'il est plus économique ; au niveau B ce sera l'in- verse. S'il y a compression des crédits après la discussion

budgétaire, on pourra être amené à modifier le choix du programme réalisant l'objectif.

(1) Ce type d'analyse a été préconisé au Département de la Défense dans l'étude des systèmes d'armes. Le promoteur en est Charles HITCH : "The Economics of Defense in the Nuclear Age". (6)

Dans cette analyse on fixe a priori le but à réaliser, par exemple

"prolongation de la scolarité jusqu'à l'âge de seize ans", et on recherche le programme le plus efficient, ou le plus économique.

Au niveau macroéconomique, cette technique a été présentée et approfondie par JAN TINBERGEN (14) : celui-ci recherchait quels sont les instruments de politique économique permettant de réaliser des "objectifs" impérativement fixés à l'avance, et qui inter- viennent dans les modèles de politique économique comme des va- riables exogènes. Mais ces modèles à "objectifs fixes" ont été de plus en plus supplantés par des modèles d'optimisation à l'échelle nationale. L'instauration de la procédure P.P.B.S.

les remettra à la mode avec l'analyse multicritère.

c) Coûts des contraintes

Un grand nombre de contraintes sont susceptibles d'affecter les projets, et ceci d'autant plus que l'on imagine des solutions audacieuses ; il existe des contraintes de multiple nature, contraintes sociologiques, idéologiques et morales intervenant comme des "tabous", contraintes de politique économique, contrain- tes législatives, contraintes résultant du cadre institutionnel et de l'influence des groupes de pression) etc...

Supposons que sur la figure 1 la courbe (II) représente le déve- loppement d'un programme, abstraction faite des contraintes,

alors que la courbe (I) traduit le programme le plus efficient dans le cadre des contraintes existantes ; au niveau d'efficacité B par exemple, le segment (B'II Blj) représente le coût imposé par le contrainte et ce coût nous permet d'évaluer ou du moins de prendre conscience de l'intérêt que l'on aurait à lever cette contrainte.

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C - L'analyse de système (1)

Cette suite de procédures d'évaluation et de sélection de projets, que nous avons rappelée et illustrée de façon schématique et par- tielle, est reprise et ordonnée dans "l'analyse de système". Celle-ci constitue une approche très générale appropriée à la gestion des pro- . grammes. Elle consiste d'abord en une "réduction" de l'environnement

très complexe et sujet à de nombreuses interactions, dans lequel les projets produisent leur impact. Cette réduction s'effectue au prix d'une incertitude entachant les caractéristiques des projets ; deux types d'incertitude sont ordinairement reconnus : l'incertitude sta- tistique d'ordre stochastique analogue au "bruit" qui dénature l'in- formation, et l'incertitude dûe à l'avenir, dérivant de la nature séquentielle des programmes d'ordre naturel, technique, opérationnel ou conceptuel.

Certains facteurs étant sélectionnés, l'univers des besoins étant . précisé, les objectifs étant définis, on développe ensuite, en fonc-.

tion d'un corps d'hypothèses explicitées, un ensemble de relations constituant un modèle dont l'objet est de simuler la réalité et

d'éprouver la valeur du programme étudié ou d'explorer les conséquences de projets alternatifs. On traite l'incertitude stochastique par exem- ple par des méthodes du type MONTE CARLO. Pour les autres types d'in- certitudes on ne peut se contenter du critère de'l'espérance mathéma- tique ; on utilise certaines techniques qui ont peut être un carac- tère peu trivial, mais qui favorisent notre appréhension du problème :

(1) L'analyse de système a été appliquée en 1948 par la RAND CORPORATION dans les problèmes militaires.

- l'analyse de sensibilité : elle indique la sensibilité des résul- tats selon les valeurs attribuées aux paramètres principaux (valeurs ' maximum, médiane et minimum), et les changements qui interviennent

en conséquence dans les classements des projets, .

- l'analyse de contingence : on fait l'hypothèse d'une modification radicale de l'environnement, et on examine ses répercussions sur le projet ou sur la suite des projets retenus (1),

- l'analyse a fortiori : on teste un projet X intuitivement choisi contre un projet Y ; on peut être amené ainsi à réviser son choix.

De façon générale, ces techniques nous apportent une meilleure connaissance du domaine étudié, et à la faveur de ces traitements._

une véritable mutation intellectuelle peut s'opérer par la découverte d'alternatives que l'on n'imaginait pas a priori.

QUADE dans sa présentation de l'analyse de système a défini quatre phases s'enchainant et susceptibles de se recycler ; nous en donnons le schéma dans le diagramme 5 :

1 - "FORMULATION" : c'est la définition du problème à résoudre 2 - "SEARCH" : c'est la reconnaissance des données, mais

contrairement aux sciences exactes un pro- blème bien posé n'est pas pour autant résolu;

les données sont les "inputs" du modèle 3 - "EXPLANATION" : c'est la construction du modèle et l'explo-

ration de ses conséquences

4 - "INTERPRETATION" : ces conséquences sont replacées dans leur contexte ; on estime leur adéquation au pro- blème étudié.

(1) QUADE donne comme type de changement radical de l'environnement stratégique, le passage de la France dans le bloc communiste.

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DIAGRAMME 5

LES PHASES DE L'ANALYSE DE SYSTEME D'APRES QUADE (1)

Problem situation

--l _________

FORMULATION SEARCH

Context Data

Assumptions Relationships

Objectives Approximations

Criteria Alternatives

Hypothèses Costs

Satisfied? No?

_________ ________ '________

INTERPRETATION EXPLANATION

Nonquantifiables Models

Omitted factors

/ Computations

Uncertainties , Comparisons

Contingencies Cost/effectiveness

Conclusions Sensitiveness

Satisfied? Yes?

Suggested action

(1) Schéma extrait de l'ouvrage de QUADE : "Analysis for Military Decisions", chapitre VIII, p. 154, "Methods and Procedures", de QUADE (13).

Cette analyse qui constitue un peu la philosophie de la Recherche Opé- rationnelle peut paraître un peu trop formalisée pour s'adapter aux situations complexes de l'activité sociale. Il faut l'accepter comme un schéma intellectuel s'intégrant parfaitement dans la procédure P.P.B.S. et manifestant la pénétration des méthodes de gestion de

l'entreprise dans l'économie publique.

Sur ces analyses de système effectuées par les gestionnaires des pro- grammes se greffent à des niveaux de responsabilité plus élevée des phases de compilation et de classement des programmes, qui se tradui- sent par un grand nombre de matrices rapportant les projets aux objec- tifs, classant les projets en fonction de leurs bénéfices, de leurs coûts, de la nature (coûts d'investissement ou de fonctionnement)

et de l'origine (Etat, collectivités locales, secteur privé) des dé- penses qu'ils occasionnent, et de critères tels que les ratios

coûts/bénéfices. C'est une phase d'épuration qui aboutit aux propo- sitions de dépenses et à la constitution du budget P.P.B.S. permettant à l'administration de rationaliser son offre de services collectifs par la maîtrise de leurs objectifs.

Les objectifs sont "atemporels" et "aspatiaux" ; le monde de demain, celui d'autres générations se mêlent au nôtre. En élargissant notre horizon nous pouvons confronter des projets d'investissement avec des programmes de recherche qui débouchent dans des domaines connexes, et estimer le risque que le progrès technique ne rende caducs des projets dont le taux d'actualisation aurait été sous-estimé, faute de quoi, comme nous le constatons chaque jour, le poids inéluctable de coûts dégressifs alourdirait l'économie de demain. Non seulement il ne faut pas éluder le défi de l'évidence, mais il faut provoquer l'évidence, et quelles que soient les capacités des responsables d'une nation, ils sauront d'autant mieux les faire valoir qu'ils

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s'appuient sur une analyse de système complète. Doit-on louer la ..

sagesse du Président JOHNSON, lui qui se flatte par ailleurs de son instinct politique, de canaliser ainsi l'intuition des fonctionnaires de son administration ? Il est évident que les risques de gaspillage sont particulièrement dramatiques à l'échelle des grands pays. Il ne s'agit pas seulement de surseoir à la construction du bombardier B70, de l'avion à géométrie variable F 111 B, du missile Skybolt, ou de controverser à juste raison l'édification de barrages du "Grand Canyon" face à des alternatives nucléaires, mais surtout de ne pas lancer impunément de grands'programmes, par exemple contre la pau- vreté de groupes de populations ou de nations, programmes louables en eux-mêmes apparemment, mais dont les espèces se volatilisent et restent sans lendemain, car ils ne cherchent pas à accroître l'auto- nomie de subsistance ou à développer la maturité économique et sociale des nations. Leur caractère opératoire est insuffisamment éclairé.

D - L'analyse de système et de théorie économique

La gymnastique intellectuelle impliquée par l'analyse de système peut-elle favoriser l'éclosion de la théorie de l'économie publique ? Peut-elle figer les bases d'une axiomatique sociale dans le cadre de laquelle elle pourrait par la suite se régulariser ?

Une des fonctions méthodologiques du P.P.B.S. est de promouvoir le calcul économique en l'étayant sur des bases solides, et il

consacre les efforts considérables déployés par les économistes

"du bien-être" pour construire une science de l'économie publique fondée sur le principe de l'utilité marginale. En outre, il postule la mise au point et l'usage du calcul social.

Pourtant, l'économie non marchande se prête mal au calcul économique.

Les services collectifs ne répondent pas aux hypothèses classiques de l'économie de marché. Les administrations sont privées de l'indi- cateur que constitue pour les entreprises le prix de marché, qui caractérise la valeur attachée par le consommateur à l'utilisation

d'un bien ou d'un service. Elles n'ont qu'un outil, leur budget. Elles ne sont pas non plus stimulées par le profit. DORFMAN (1) stigmatise ainsi cet état de choses : "Les gouvernements se précipitent vers les activités où les entrepreneurs refusent de s'engager (...) l'ini- tiative de l'Etat est, par exemple, nécessaire dans les cas où des investissements apparaîtraient non rentables aux entrepreneurs indi- viduels alors qu'ils sont néanmoins collectivement intéressants".

Les services publics ne peuvent être "vendus" (au sens de prix du marché), car ils se caractérisent par leur indivisivilité au niveau

de l'offre et de la demande : ils ne peuvent faire l'objet de méca- nismes d'exclusion, ils sont sujets à des effets externes importants

(économies ou diséconomies externes), et la non divisibilité techni- que des grands projets d'investissement rend impossible le raisonne- ment à la marge. Sur le marché, ces services donnent lieu à des mono- poles opérant souvent dans des zones de rendement croissants, de sorte que la vente au coût marginal se traduit par des déficits.

(1) DORFMAN : "Measuring Benefits of Government Investments", p. 4. (3)

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Ces caractéristiques ont suscité l'imagination et l'ingéniosité des économistes depuis plus d'un siècle, puisque l'on a coutume de faire remonter à DUPUIT (1844) (1) l'origine de la technique "coûts-avan-

tages". Il suffit maintenant d'ouvrir le livre de DORFMAN (2) pour mesurer le champ d'application actuel de cette analyse pénétrant

dans tous les domaines de "la récréation de plein air" aux "pro- grammes de lutte contre la syphilis". Cependant la technique d'ana- lyse est d'autant plus valable qu'elle est appliquée dans un cadre plus étroit.

L'analyse coûts-avantages implique l'énumération et l'évaluation de tous les avantages et de tous les coûts relatifs aux projets ou pro- grammes ; ainsi, dans le cas d'un investissement important "on envi- sagera l'opération donnée dans son ensemble intégral en remontant d'une part jusqu'aux sources mises à contribution pour la fourni- ture de l'outillage et en descendant d'autre part jusqu'aux consé- quences dernières que suppose la mise en service de cet outillage dans le secteur de consommation intéressé". (3)

Mais plus le projet est important, plus les effets externes se mul- tiplient, compliquent et ralentissent les modalités de son évalua- tion : d'une part il risque d'induire des effets seconds, en sus- citant des modifications des prix en cours, ou en provoquant des transferts de revenus, qui déplacent le volume et la nature de la demande ; d'autre part comme les analyses de projets se situent

. ;

(1) DUPUIT : "Utilité des Travaux Publics", 1844. DUPUIT recherchait des critères de décision pour la construction d'ouvrages de communication

(2) Cité ci-dessus (3) '

. (3) Note de J. LAIGROZ sur le problème de l'appréciation économique des investissements affectés à la production des énergies, cité par P. MASSE, "Le choix des investissements". (10)

toujours dans des délais très impératifs au-delà desquels elles perdent leur intérêt, il faut recourir à des procédures systématiques et sim- plifiées qui restreignent le domaine d'étude. Ces règles se justifient d'autant mieux qu'elles servent à la sélection de projets alternatifs de dimension comparable, car il suffit alors de ne prendre en consi- dération que le domaine d'incidence commun, le contexte diffus dans lequel se situent les projets étant délibérément ignoré. Notons tou- tefois que les valeurs des critères de sélection, tel que le ratio coût/bénéfice, dépendent de la délimitation arbitraire du champ d'étude.

On distingue deux types d'effets externes : les effets externes tech- nologiques et les effets externes pécuniaires; Les premiers concernent les "retombées" techniques suscitées par certains projets, par exemple la construction de l'avion supersonique CONCORDE stimule la recherche des industries privées de l'électronique. Les deuxièmes se traduisent par des modifications de prix et des transferts de revenu, par exemple la construction d'une route stimule le commerce de la région desservie.

Les promoteurs de l'analyse coût-bénéfice tiennent compte des premiers et ignorent les seconds : "Nous nous intéressons à la production résul- tant d'un investissement donné et non à l'accroissement de la valeur d'avoirs existants" (1). Ce point de vue est cohérent, mais il est difficile de faire pratiquement des dissociations aussi tranchées, et il n'est pas compatible avec la notion plus large d'utilité collec- tive, plus ou moins admise implicitement par la procédure P.P.B.S.

(1) PREST et TURVEY : "Cost Benefit Analysis : a Survey", P. 160 (30)

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Ainsi les études de ces effets externes ont engendré la théorie des surplus consistant à chiffrer tous les effets externes de l'opération projetée qui sont évaluables en monnaie. La notion de surplus corres- pondait à l'origine au gain procuré aux usagers par une baisse du prix des services qui leur sont procurés à la suite de la réalisation d'un projet (surplus des consommateurs au sens de DUPUIT). On définit main- tenant le surplus national correspondant à la variation de l'utilité collective ; il comprend le surplus des consommateurs, le surplus des entreprises, et le surplus de l'Etat ; et il agrège des effets très hétérogènes, tels que pour l'automobiliste, des économies dûes à une moindre usure des pneus de sa voiture, et à une mointre consommation

d'essence, des avantages de sécurité et des gains de temps. Le cri- tère retenu n'est donc plus le bénéfice actualisé mais l'actualisa- tion du surplus généralisé qui somme les différents surplus par une simple addition de valeurs algébriques. Cette prise en compte d'effets externes est tout à fait compatible avec la notion d'objectifs qui sont, par exemple dans le service des transports, un déplacement au moindre coût, avec le maximum de sécurité et de vitesse. Mais il

est important de remarquer qu'une définition cohérente des objec- tifs ordonnés selon leur importance guidera et limitera la recherche des effets externes.

Cette mesure s'est étendue à des phénomènes psychologiques et éthiques, tel que celui de la vie humaine (1). Il a paru choquant d'estimer

son prix qui pourtant transparaissait dans le coût d'investissements ayant pour seul objectif la sécurité. La procédure P.P.B.S. reprend à son cpmpte ces évaluations en annoblissant leur caractère ;

(1) L. ABRAHAM et J. THEDIE : "Le prix d'une vie humaine dans les décisions économiques", Revue française de Recherche Opéra- tionnelle, n° 16.

la préservation de la vie est un objectif desservi par des programmes routiers par exemple, mais aussi par des programmes de lutte contre les maladies, et la confrontation de ces programmes permet de recher- cher l'allocation des ressources la plus efficiente pour satisfaire ce seul objectif. Cette fois encore en ne se rapportant qu'à de si.mples mesures d'efficacité marginale des différents programmes, (coût par mort évitée), on clarifie l'estimation des coûts et l'on évite de se hasarder dans des élucubrations douteuses et inutiles.

Un des écueils les plus redoutables de l'analyse coûts-bénéfices est le choix du taux d'actualisation : la dépréciation du futur est d'au- tant plus grande que ce taux est élevé. De multiples taux d'actuali- sation ont été proposés (taux des marchés des capitaux - taux d'in- térêt sur les emprunts publics à long terme - taux de rendement in- terne du capital). ECKSTEIN propose "le coût social des capitaux publics", c'est-à-dire le taux auquel les contribuables "valorisent"

leurs impôts. MAC KEAN préconise le taux de rendement marginal in- terne au projet à la marge du budget. Ces divers taux facilitent la justification de choix fallacieux. En France, pour la préparation du V° Plan, le Commissariat Général au Plan a fixé à 7 % le taux

d'actualisation réel unique à prendre en compte dans le calcul d'in- vestissements publics ; ce taux résulte de l'équilibre entre l'épargne globale et l'investissement global de la collectivité. Mais le choix du taux soulève des difficultés quand il s'agit de comparer des pro- jets de durée de vie différente, et surtout quand on se propose d'éva- luer des programmes se rapportant à d'autres générations (économie de l'éducation ou économie spatiale par exemple). Cette analyse finan- cière perd son sens, et l'analyse multicri.tère appliquée aux objec- tifs ne peut être que le seul outil valable.

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