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Analyse numérique du bord de fuite de l’aube à coque isotrope

CHAPITRE 3 CONCEPTION ET ANALYSE NUMÉRIQUE DE LA ROUE À BORD

3.7 Analyse numérique du bord de fuite de l’aube à coque isotrope

La caractérisation des matériaux a révélé une importante différence entre certaines valeurs utilisées pour la modélisation du bord de fuite de l’aube et les valeurs mesurées expérimentalement. Cela a justifié la modification du modèle du bord de fuite.

3.7.1 Description du modèle

Ce nouveau modèle possédait exactement la même géométrie que celui du modèle précédent. De plus, les conditions de chargement et les conditions aux frontières étaient également les mêmes. Ce ne sont que les matériaux qui ont été modifiés. Il a été soulevé plus tôt dans ce chapitre que le module ACP d’ANSYS utilisé pour modéliser la coque en matériau composite bloquait certaines fonctions d’ANSYS Workbench. Une de ces fonctions est l’analyse du critère de rupture de Mohr-Coulomb. Comme il a déjà été expliqué, ce critère prend en compte des valeurs différentes de résistance en traction et en compression d’un matériau pour évaluer le facteur de sécurité. Afin de pouvoir utiliser ce critère de rupture pour évaluer le facteur de sécurité du cœur, la coque a été convertie d’un matériau quasi isotrope à un matériau entièrement isotrope. Cela permettait d’éviter d’utiliser le module

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ACP. Le calcul des propriétés mécaniques du matériau composite isotrope équivalent est présenté en annexe (Voir ANNEXE XXI, p. 249). Le Tableau 3.11 présente les propriétés élastiques isotropes équivalentes du stratifié de la coque en matériau composite du modèle numérique.

Tableau 3.11 Propriétés élastiques isotropes équivalentes du stratifié de la coque

Propriété Symbole Valeur

Module d’élasticité E 50,6 GPa

Coefficient de Poisson ν 0,320

Les propriétés du cœur d’époxy ont également été modifiées. L’époxy H utilisé pour le modèle précédent a été remplacé par l’époxy de coulée retenu soit l’époxy L. Les valeurs des propriétés du cœur du modèle ont donc été redéfinies avec les nouvelles valeurs présentées au Tableau 3.12. Les propriétés du cœur d’époxy du modèle à coque quasi isotrope présenté à la section précédente sont retranscrites dans ce tableau afin de comparer les valeurs. Les matériaux de l’acier et de l’adhésif restent inchangés

Tableau 3.12 Propriétés du cœur d’époxy de trois différents modèles numériques du bord de fuite de l’aube

Propriété

Valeur selon le modèle Source des

valeurs pour les modèles à coque isotrope Coque quasi isotrope Coque isotrope Matériaux secs Matériaux humides

Module d’élasticité [GPa] 2,69 9,17 4,93 Mesurées (Voir section 2.8) Résistance en traction [MPa] 29,6 59,2 33,8

Résistance en compression

[MPa] 86,9 120 68,7 Fiche technique*

Taux d’expansion

hygroscopique [%] 0,19% - 0,65%

Mesurée (Voir section 2.7)

Coefficient de Poisson [-] 0,41 (Ngô, 2013, p. 25)

* Valeur tirée de la fiche technique de la résine A pour le cas à sec et avec une correction en supposant une diminution équivalant à celle de la résistance en traction (-42,9%) pour le cas humide

3.7.2 Analyse numérique

Comme pour le modèle précédent, la portion d’acier de l’aube n’a pas été analysée. En considérant la coque comme étant isotrope, cela complique l’évaluation de son intégrité mécanique. D’un autre côté, les deux derniers modèles numériques ont permis d’obtenir des résultats concluants pour la coque, cette portion d’aube ne sera donc pas analysée dans ce modèle. Le Tableau 3.13 présente les facteurs de sécurité du cœur et des couches d’adhésif de ce modèle.

Tableau 3.13 Facteurs de sécurité du cœur et des couches d’adhésif du modèle du bord de fuite d’aube avec coque isotrope

en conditions de matériaux secs et humides

Portion

de l’aube Matériaux secs Matériaux humides Facteur de sécurité [-] Variation [%]

Coeur 8,1 0,79 -90%

Adhésifs 39 2,0 -95%

Les facteurs de sécurité avec les matériaux secs sont beaucoup plus élevés que ceux obtenus à l’aide du modèle du bord de fuite à coque quasi isotrope. Pour le cœur d’époxy, cela s’explique par une résistance mécanique beaucoup plus élevée de l’époxy du cœur de ce modèle. De plus, le critère de Mohr-Coulomb est moins sévère que le critère de la contrainte von Mises, ce qui a probablement également fait augmenter le facteur de sécurité du cœur.

Le cœur est également plus de trois fois plus rigide dans le cas du modèle à coque isotrope. Cela a rigidifié la pièce et diminué la déformation de la pièce. Ceci aurait donc diminué les contraintes de cisaillement dans les couches d’adhésif.

Les facteurs de sécurité dans le cas avec les matériaux humides sont très faibles, encore plus faibles que ceux obtenus avec le modèle de bord de fuite à coque quasi isotrope. Cela s’explique par une expansion hygroscopique beaucoup plus importante dans ce nouveau modèle. Le modèle précédent avait révélé une grande sensibilité des résultats à l’expansion hygroscopique. Le taux d’expansion hygroscopique du cœur étant plus de trois fois plus

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élevé dans ce nouveau modèle que dans le modèle précédent, il était prévisible de voir les contraintes mécaniques grimper et les facteurs de sécurité chuter. L’expansion hygroscopique est telle que si l’on fait l’exercice de retirer tous les chargements mécaniques et déformations imposées du modèle numérique, le facteur de sécurité du cœur demeure inférieur à 1 à cause de cette expansion uniquement. La Figure 3.24 présente la déformation du modèle avec les matériaux humides.

Figure 3.24 Déformation du modèle à coque isotrope en condition de matériaux humides avec un facteur 20 sur l’échelle de déformation

Certes, le facteur de sécurité dans le cœur est très bas à cause de l’expansion hygroscopique selon la simulation numérique en conditions de matériaux humides. Par contre, ces résultats ne prennent pas en compte deux importants facteurs, soit le comportement mécanique non linéaire de l’époxy ainsi que le fluage du matériau. En premier lieu, afin d’alléger les modèles, tous les matériaux ont été considérés comme parfaitement linéaires. En réalité, le cœur d’époxy possède un comportement non linéaire comme le montre la courbe de l’époxy L humide à la Figure 2.7 du chapitre précédent. Cela fait en sorte que le modèle surestime l’élasticité du matériau à de fortes contraintes et provoque ainsi une amplification des contraintes mécaniques. Par exemple, le modèle considère que la déformation à la rupture en traction est de 0,69% quand, en réalité, une valeur moyenne de 1,01% a été mesurée expérimentalement. En second lieu, malgré la bonne résistance au fluage de l’époxy pour un polymère selon Ratna (2009) et Mosallam (2011), ce phénomène demeure présent

chez ce matériau. Le phénomène de diffusion d’humidité est très lent à l’échelle de la pièce. En effet, le temps d’absorption d’eau d’une plaque de polymère est proportionnel à son épaisseur à la puissance deux (Ngô, 2013, p. 114). Le cœur d’époxy de ce modèle étant 21 fois plus épais que les éprouvettes utilisées pour caractériser l’absorption d’eau, plus de 160 ans d’immersion devraient être nécessaires pour que le cœur d’époxy atteigne l’équilibre en humidité. À cette échelle de temps, pendant que le cœur d’époxy connaît une expansion hygroscopique, il devrait se produire parallèlement une relaxation des contraintes dans l’époxy. Ces deux facteurs portent à conclure que le cœur d’époxy devrait résister au chargement en réalité.

Notons qu’aucune expansion hygroscopique n’a été considérée pour la coque puisque cette propriété est fortement anisotrope. En réalité, la coque connaît une expansion hygroscopique dans le sens de l’épaisseur ce qui induit des contraintes de cisaillement supplémentaires à l’épaulement. Ces contraintes supplémentaires sont donc absentes de ce modèle, notamment dans les couches d’adhésif.