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9.1. Vaud

9.1.1. « Lectures à l’usage du degré moyen » 1966 :

L’intention des auteurs est de capter l’intérêt des élèves. Nous l’observons d’une part avec le paratexte : « Aux enfants de nos écoles, avec le désir de les intéresser et de leur plaire », ainsi qu’avec des illustrations fréquentes qui ponctuent les textes en moyenne toutes les deux-trois pages. Chaque chapitre débute avec un titre et une image. Elles mettent en scène des situations de la vie de tous les jours avec des enfants, des adultes, des artisans, des animaux, des paysages, etc. Ce sont des dessins qui veulent représenter le réel. Exemple des deux premiers chapitres, consacrés à la famille et au pays :

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Nous ne trouvons pas de conseil d’utilisation, nous constatons que le but premier qui est mis en avant dans ce manuel est de susciter le plaisir de lire chez l’enfant, il n’y a pas de méthode de lecture préconisée.

L’ouvrage est constitué de diverses parties qui traitent chacune d’un thème particulier, tel que la famille, le pays, le travail et les jeux, les saisons et enfin le vaste monde. Ce sont des thèmes qui sont liés à la vie quotidienne traditionnelle de cette époque. À la fin de chaque texte, le nom de l’auteur est cité. Nous constatons que la plupart des textes sont écrits par des auteurs francophones (soixante Français, vingt-deux Suisses et trois Belges, contre un Italien, deux Américains, un Allemand et un Algérien). Hors mis les deux auteurs Américains, le choix s’est porté sur des écrivains habitants des pays voisins de la Suisse.

En cherchant la nationalité des auteurs, nous constatons que le choix s’est porté sur des auteurs connus, ou réputés. En effet, plusieurs auteurs français font partie de l’Académie française (Fernand Gregh, Louis Henri Jean Farigoule, Georges Duhamel), quant à Romain Rolland, il a obtenu le Prix Nobel de la littérature en 1915, Ernest Pérochon le Prix Goncourt en 1920, ou encore Louis de Robert (Prix Femina 1911). Du côté des auteurs célèbres, nous avons entre autres Victor Hugo et Charles-Ferdinand Ramuz.

9.1.2. « Aux mille et un mots », 1994

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perspective de créer des moyens d’enseignement en vue de l’application du plan d’études romand que la commission romande des moyens d’enseignement (COROME) a été chargée d’étudier les dispositions devant permettre l’élaboration de moyens d’enseignement romand du français. Les rédacteurs ont tenu compte des plans d’études et de «Maîtrise du Français16» pour créer cet ouvrage. Les spécificités cantonales ont aussi été respectées. Après cette introduction, figure un texte destiné aux futurs lecteurs. L’intention des auteurs est que les élèves puissent « découvrir ou mieux connaître le monde de l’écrit et de l’image.» Ils nous présentent brièvement ce que contient l’ouvrage. Une première partie avec des contes, des débuts d’histoires, des bandes dessinées, ainsi que des poèmes et suggestions de livres. Puis, une seconde partie, avec des écrits de la vie de tous les jours, comme : des affiches publicitaires, des recettes, des articles de journaux et des règles de jeux. La dernière partie vise une ouverture au monde, en abordant des sujets tels que : la transformation d’un quartier, comment réaliser un film, comment vivent les loups ou encore comment utiliser le téléphone.

Portons maintenant notre observation/regard sur les illustrations de ce manuel. Elles sont en couleur (parfois en noir/blanc) et ponctuent le texte de manière fréquente, quasiment à toutes les pages de cet ouvrage. Nous constatons une diversité des sources. En effet, des dessins, des photographies, des croquis, des cartes géographiques, des diagrammes, des schémas, des animaux, des affiches publicitaires, des horaires de bus/train/bateau, etc. Avec ces illustrations, nous constatons l’évolution de la société, notamment par la présence des nouvelles technologies. Il y a aussi le souci de présenter aux élèves des éléments par rapport au patrimoine suisse et son histoire, par exemple : de transmettre une tradition avec la Poya (p. 89), retracer un historique de la natation (p.182-183) ou du jet d’eau de Genève (p.249), ou encore un but « touristique » en faisant découvrir des villes suisses (p.47-48).

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Nous pouvons faire un autre regroupement, celui d’apprendre à se servir du bottin de téléphone (p.8), d’un diagramme (p.9), comprendre la météo (p.108-109), comment utiliser un distributeur à billet de chemin de fer (p.50-51), comment lire un horaire de bateau (p.49), etc.

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Nous remarquons qu’il y a une volonté de présenter aux élèves des textes de culture différentes. Ci-dessous, extrait de l’histoire de Kalila et Dimma (Le lièvre et l’éléphant) avec un extrait du texte en arabe. Il est aussi précisé que le sens de lecture du texte arabe est de droite à gauche (p. 54-55). Puis nous avons un texte de He Youzki, originaire de Chine. (p. 56-57) Et une recette d’Inde (p. 58).

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Comme vu dans la théorie, ce manuel pourrait représenter le manuel des manuels, car il traite d’énormément de thèmes. Par exemple : (p. 273) un texte décrit le coucou gris, l’élève apprend où il loge, comment il se reproduit, etc. Puis s’ensuit un récit sur Icare (p.279). Ensuite nous sommes parachutés dans le thème des voyages en ballon, en avion et ainsi de suite. Cela donne l’impression d’une succession de textes, sans structure évidente. Nous remarquons qu’il y a une table des matières à la fin de l’ouvrage, mais que les chapitres n’apparaissent pas clairement dans le manuel.

Dans ce manuel, nous constatons que les auteurs ne fournissent pas vraiment de méthode pour utiliser ce livre de français. Il y a certes une intention d’offrir un large éventail à l’élève, afin que ce dernier puisse le feuilleter et choisir ce qui pique sa curiosité. Ce n’est donc pas un livre à lire du début à la fin, mais bien de manière aléatoire. Il n’y a pas d’exercices liés aux textes, mais parfois des questions pour que l’élève réfléchisse ou des suggestions pour ouvrir un débat ou une discussion.

Parmi les auteurs, nous constatons qu’il y a une plus grande diversité quant aux nationalités des auteurs. En effet, dans le premier ouvrage de lecture, il y a des Français, des Suisses, des Belges, des Américains, un Italien, un Allemand et un Algérien. Dans le second, il y a des Français, des Suisses, des Belges, des Italiens, des Américains, des Irlandais, un Allemand, un Chinois, un Anglais, un Espagnol, un Polonais ; un Néerlandais et un texte arabo-persan. Le choix s’est porté sur des auteurs géographiquement « plus éloignés » de la Suisse. Nous pouvons poser l’hypothèse que la communication s’est améliorée, ce qui facilite grandement les échanges culturels. C’est aussi une ouverture au monde.

9.1.3. « L’île aux mots », 2010

Dans l’avant-propos du directeur de la collection (Alain Bentolila), l’accent est mis sur le désir « d’amener l’élève à lire juste, à écrire juste et à parler juste, ce qui implique que,

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parallèlement aux activités de lecture et d’expression, on lui fasse découvrir avec rigueur les mécanismes de la grammaire, de l’orthographe, de la conjugaison et du vocabulaire. » Dans cet ouvrage, une démarche logique est proposée et une distribution claire entre « lecture, écriture, parole et étude de la langue, tout en expliquant les passerelles pédagogiques entre ces deux parties. Elle fait ainsi le pari d’une alliance sans ambiguïté entre rigueur d’analyse et richesse d’expression. »

Ce manuel vise une politique éducative unifiée au niveau romand, en vue d’Harmos et du PER (plan d’étude romand). Le but est« d’assurer un meilleur ancrage dans l’école, la culture et la terminologie romandes. » Ce manuel veut que les élèves puissent lire et écrire des textes variés, en étudiant la langue à partir des productions de textes (grammaire au sens large) et des exercices spécifiques de grammaire, d’orthographe, de conjugaison et de vocabulaire.

L’ouvrage est composé de deux parties bien distinctes. La première regroupe douze chapitres, qui traitent chacun d’un genre de texte, comme des portraits, des documentaires, des expériences, des récits qui font peur, des récits humoristiques, des poèmes, un récit mystérieux, des randonnées, des contes du pourquoi et du comment, des contes d’ici et d’ailleurs, des récits de désirs, des récits d’amitié. La deuxième partie traite de la structuration de la langue.

Chaque chapitre a une certaine structure, en effet, il commence par un texte qui permet à l’élève de découvrir le nouveau genre. Puis, il y a quelques questions pour affiner la compréhension et identifier le genre. L’élève est invité à produire, s’exercer autour de ce genre de texte, ou travailler l’oral. Pour finir, des livres du même genre de texte sont proposés à l’élève. Nous ne trouvons donc pas de thématique de sujet comme dans les deux précédents manuels, mais des genres de texte.

En ce qui concerne les illustrations, elles sont abondantes, variées et colorées. A l’évidence, les auteurs ont eu la préoccupation de rendre cet ouvrage attractif. Nous l’observons avec les nombreux dessins, photographies et schémas qui imagent les récits, le toucan qui invite l’élève à se questionner sur le texte, à écrire sur le genre, à lire en réseau ou encore travailler l’oral à partir d’un genre de texte.

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construction de ce manuel, nous voyons apparaître dans chaque chapitre une progression qui amène l’élève à découvrir et à s’approprier le genre de texte. De plus, au début du manuel, deux pages sont destinées à l’élève, afin que ce dernier puisse mieux se repérer. IMAGES

9.2. Serbie

9.2.1. Manuel issu de l’époque de Tito

« Zvezdani sati, Citanka za treci razred osnovne skole », 1970

En Serbie, à l'époque de Tito, le manuel de lecture courante est écrit en alphabets latin et cyrillique. Cela permettait certainement aux élèves de se familiariser le plus tôt possible avec les deux alphabets, alors prescrits par les Accords de Novi Sad (art. 3).

Les auteurs de ce manuel tâchent de représenter les écrivains les plus représentatifs de toutes les Républiques de l’ancienne Yougoslavie. Ainsi nous pouvons y trouver les œuvres de I. Cankar (Slovène), V. Nazor (Croate), B. Copic (Serbe), S. Janevski (Macédonien) ou encore Z. Dizdarevic (Bosniaque), et d’autres encore.

Le manuel, comme nous avons pu le voir, peut à cette époque être appréhendé comme un « vecteur idéologique et culturel » (Choppin, 1992), mais il incite principalement l’élève à « lire juste, avec intonation, rythme soutenu, etc » (Stevanovic, 1980, p. 85). Nous trouvons le portrait de Tito juste avant les textes.

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Des poèmes narratifs, mais principalement des poèmes populaires épiques, sont proposés aux élèves qui sont censés les réciter par cœur (Stevanovic, 1980, p.87). Les contes et les fables dominent les textes, tout comme les proverbes, les devinettes et les histoires courtes (ou nouvelles). Nous trouvons également dans ce manuel des récits concernant la vie des couches sociales défavorisées entre les deux guerres. Les textes traitent alors des inégalités sociales et de l'exploitation du peuple. !Les personnages principaux de certaines histoires sont souvent décrits comme des héros de la nation. Des histoires, poèmes ou contes exaltant les valeurs morales et sociales sont également traités. !

Dans le manuel analysé, nous ne trouvons pas de paratexte. En ce qui concerne la méthode de lecture, nous pouvons constater que le texte est toujours suivi d’une discussion (questions autour du texte). L’élève doit « non seulement réussir à lire à un

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rythme soutenu mais aussi exercer sa technique de compréhension de texte » (Stevanovic, 1980, p87). Celui-ci est en général accompagné d’un vocabulaire qui permet à l’élève de mieux le comprendre. Le manuel est plutôt orienté vers une approche que nous pouvons qualifier d’analytique ou globale (Giasson, 2005). Nous déduisons que le vocabulaire s’intensifie au fur à mesure des leçons, mais ne savons pas de quelle manière il est travaillé. Nous n’observons pas d’exercices de structuration de la langue.

Au niveau des illustrations, nous avons trouvé des dessins enfantins, fantaisistes. Il n’y a pas de photographies. Le graphisme est représentatif de l’époque. Les scènes illustrent souvent la nature, les animaux, le sapin de Noël, la neige, un environnement proche de l’élève, mais aussi le pays (drapeau), la danse (folklore traditionnel), des partisans (combattants de la Yougoslavie communiste), éléments que l’on peut rattacher à des symboles culturels auxquels l’enfant peut s’identifier (territoire, drapeau, etc.) La transmission de la culture à une population est également fondamentale pour aboutir à une

Kulturnation (Kubli, 1998, p.61).

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9.2.2. Manuel de la période de l’éclatement de la Yougoslavie

« Citanka za treci razred osnovne skole », 1992

Après l'éclatement, !nous n’y trouvons quasiment plus d’auteurs d’anciennes républiques de la RFSY. Dès cette époque, la part belle est donnée aux auteurs !serbes. L’école est désormais moins rigide qu’auparavant dans les lectures imposées. Dans ce manuel, il n’y a plus d’écrivains comme S. Janevski (Macédonien), Fran Lestvik (Slovène) et autres. Ils ont fait place aux écrivains serbes dont les œuvres ne figuraient pas dans les anciens manuels de lecture car ils n’avaient pas les faveurs des autorités de la RSFY : Danilo Kis, Milos Crnjanski, Rastko Perovic, etc. Nous trouvons comme à la période précédente quelques auteurs internationaux. L’épuration littéraire a surtout contribué à affirmer son identité, en éliminant certains auteurs étudiés à l’époque de Tito pour ne se limiter finalement qu’aux écrivains nationaux (et dans une certaine mesure internationaux). Les textes sont toujours écrits en alphabets latin et cyrillique selon la nouvelle Constitution de 1990 (art. 8) et les types de textes ne changent guère. Les illustrations sont différentes de l’époque précédente. Nous constatons que les sujets évoluent, nous ne trouvons plus d'histoires en rapport avec la guerre et le général Tito, ni de thèmes concernant les couches sociales, etc. Cependant il y a une volonté de revenir aux valeurs

nationales, avec quelques histoires et poèmes populaires épiques et patriotiques. Et les valeurs morales et sociales (bonté, générosité, tolérance, etc) dominent les textes. L’école visait ainsi un processus de socialisation des jeunes qui faisait correspondre identité culturelle et nationale à ethnocentrisme et nationalisme.

Dans ce manuel, nous n’observons pas d’avant-propos. L’élève est amené à retenir des mots et des expressions. Le manuel accentue la mémorisation du vocabulaire. Au niveau des habiletés cognitives, nous constatons une progression. Nous ne nous situons plus uniquement au niveau de la compréhension, l’élève est aussi amené à produire des textes courts par exemple. Une plus grande liberté pour exprimer leur opinion sur l’œuvre analysée est laissée aux élèves. Les éléments liés à la structuration de la langue sont parfois introduits.

9.2.3. Manuel issu de l’époque moderne

« Citanka za treci razred osnovne skole », 2005

Les textes sont toujours écrits en alphabets latin et cyrillique. Parmi la trentaine d’auteurs dont les œuvres figurent dans ce manuel, il y a deux auteurs! croates, parmi lesquels le célèbre Grigor Vitez, auteur connu de l’ex-Yougoslavie, et un Macédonien, dont les œuvres sont traduites en serbe en alphabet cyrillique. Ce sont essentiellement des auteurs serbes qu’on y étudie et toujours quelques auteurs internationaux.

Les types de textes n'évoluent pas. Les sujets correspondent à la période précédente. On ressent néanmoins une moindre volonté de revenir aux valeurs nationales, mais nous trouvons toujours des contenus visant à développer le patriotisme. Un poème incontournable sur le célèbre souverain serbe Kraljevic Marko (héros de la nation) revient, ainsi qu’un poème patriotique : « La patrie se défend avec beauté ». Il s’agit de nouveau d’un aspect culturel et identitaire relevé. Ci-dessous, voici un poème patriotique. Le côté identitaire reste présent. Ce qui change, c’est l’aspect didactique.

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Dans ce manuel, les élèves sont amenés à étudier des textes qui les font réfléchir sur leurs propres valeurs morales et sociales plus que nationales. Une nouveauté par rapport aux périodes précédentes est l'aspect religieux. Les élèves de troisième année, à travers un poème dans ce manuel, glorifient le célèbre saint Sava. Auparavant, sous le régime communiste, l'aspect religieux n'était guère mentionné.

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Nous y trouvons une sorte de « mode d’emploi » sous forme de poème. IMAGE

L’organisation interne change (thème, sous-thèmes, …) ce qui donne l’impression que l’élève peut travailler de manière plus autonome qu’auparavant, où l’enseignant avait le rôle de guide et l’enseignement se faisait de manière plus frontale. Les indications données permettent à l’élève, une fois la procédure de l’utilisation du manuel introduite, de travailler individuellement ou en pair et non uniquement en collectif oral. L’élève est ainsi amené à résoudre des problèmes et à réfléchir de façon autonome, bref à devenir un lecteur critique. Il doit être capable de lire de manière soutenue mais aussi de résumer le texte lu, produire des textes courts, en donnant son point de vue par exemple, etc.

Par ailleurs, le manuel indique à l’élève ce qu’il va découvrir et apprendre. Il pointe sur ce qu’il doit retenir. Il est élaboré de manière très structurée.

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Des exercices en rapport avec le texte sont proposés : exercices de compréhension, production (création) mais aussi de structuration (l’application de règles grammaticales ou orthographiques, etc.). En ce qui concerne la Serbie, il faut rappeler que la langue n’a pratiquement pas changé par rapport à celle qui existait avant la guerre en ex-Yougoslavie. Le changement officiel de nom n’a pas été suivi par un changement dans la structure de la langue et aucune chasse aux emprunts ni aux éléments caractéristiques des langues voisines, ni de réforme de l’orthographe (Thomas, 1999, p.34) n’ont eu lieu. De manière générale, le serbe est resté le même qu’à l’époque où il s’appelait le serbo-croate. Pour notre analyse ici, il est important de relever que les autorités compétentes n’ont pas essayé d’intervenir sur la langue.

Cet ouvrage rejoint l’Ile aux mots, le manuel vaudois, car les textes et la structuration sont étroitement liés et non travaillés indépendamment. Nous constatons ainsi une forte évolution didactique.

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