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5. ANALYSE DES CHEMINEMENTS

5.1 Cheminement : trajectoire

5.1.2 Analyse de l’exhaustivité de la prise en compte du concept de la sobriété carbone

La deuxième partie de cette étude s’attarde à évaluer si la performance globale d’un bien certifié selon le cheminement trajectoire de CBI répond aux exigences de la définition d’un actif sobre en carbone. Tel que le représente le tableau 5-2, pour cette nouvelle analyse le cheminement obtient 2 indicateurs verts et 5 indicateurs orange et 3 indicateurs rouges.

Tableau 5.2 Analyse du cheminement trajectoire – démonstration de la sobriété carbone

CHEMINEMENT TRAJECTOIRE – CRITÈRES CATÉGORIE 2

CRITÈRE INDICATEUR ARGUMENT

2. Démonstration de la sobriété carbone

2.1. Démontre que le bâtiment et sa gouvernance sont innovants et

exemplaires.

• Intensité carbone au m2 doit être égale ou supérieure top 15 % du marché

Scope 3 exclu, donc pas de cible de réduction, manque d’exemplarité

• N’encourage pas assez le net zéro pour les constructions

• Pas d’appréciation de la performance de la gouvernance

• Pas d’exigence de partager son empreinte carbone publiquement

2.2. Démontre que les risques climatiques auxquels les actifs d’un portefeuille sont exposés sont connus et font l’objet d’un plan d’adaptation.

• Aucun d’argument pour

• Groupe de travail crée, mais aucune exigence en ce sens

2.3. Démontre qu’un portefeuille mesure son empreinte carbone de manière exhaustive et vérifiable

• Émetteurs doivent se référer au GHG protocole • Scopes de comptabilité imposés très précis • Descriptif des inclusions et exclusions

• Vérification des performances par des auditeurs certifiés

Absence du scope 3 (amont et aval) • Absence du carbone intrinsèque 2.4. Démontre qu’un

portefeuille définit un plan de réduction de ses émissions de carbone en accord avec les cibles du GIEC

• Principe fondateur du cheminement

• Recommandé par le Postdam Institute (source du GIEC)

• Cible située au milieu de la durée de l’obligation, manque d’exigence pour les nouvelles

constructions 2.5. Démontre qu’un

portefeuille partage publiquement sa performance carbone

• Rapport annuel à soumis à CBI et aux acheteurs • Il est recommandé de publier publiquement ce

rapport, mais pas exigé

2.6. Démontre qu’un actif immobilier opérationnel améliore sa performance carbone

• L’indicateur de performance étant l’intensité carbone au m2, la réduction du carbone est une certitude

• L’émetteur doit fournir un rapport annuel • Pas d’argument contre

2.7. Démontre qu’une nouvelle construction atteint ou va atteindre la neutralité carbone

• Net zéro = certification automatique • Sous réserve de vérification par audit

• Démarche volontaire pas d’exigence en ce sens pour les projets de construction

Tableau 5.2 Analyse du cheminement trajectoire – démonstration de la sobriété carbone (suite)

CHEMINEMENT TRAJECTOIRE – CRITÈRES CATÉGORIE 2

CRITÈRE INDICATEUR ARGUMENT

2. Démonstration de la sobriété carbone

2.8. Démontre qu’un portefeuille améliore son efficacité énergétique

• Pour atteindre la cible d’intensité au m2 les biens devront avoir recours à l’efficacité énergétique • L’émetteur pourrait se satisfaire d’améliorer son

bilan carbone grâce au recours aux énergies renouvelables

2.9. Démontre qu’un portefeuille respecte l’équilibre écologique mondial

• Pas d’argument pour

• Aucune obligation de le démontrer • HFC non pris en compte

2.10. Prend en compte les sources d’incertitudes vis-à- vis de la performance carbone avérée

• Les cibles ne sont calculées qu’en présence de données municipales fiables

• Pas d’argument contre

Le premier indicateur vert indique que les actifs certifiés selon ce cheminement améliorent leur performance carbone (critère 2.6.). Il s’agit en fait de l’essence de ce cheminement qui est basé sur l’atteinte d’une intensité carbone au m2. Comme la détermination de la cible s’effectue en fonction d’une trajectoire décroissante jusqu’en 2050, l’intensité réclamée baisse de plus en plus et devient plus exigeante à mesure que la durée des obligations est longue. Le deuxième indicateur vert est relié au critère 2.10 et indique que pour ce cheminement CBI s’est bien assuré d’éviter de biaiser ses calculs en prenant en compte les incertitudes quant à la valeur des données municipales qu’elle obtient. Lorsque ces données ne sont pas suffisantes ou sont de mauvaise qualité, CBI n’effectue pas de calcul de cible.

Pour que les émetteurs soient en mesure de se comparer à la cible déterminée par le calculateur en ligne, ils doivent en premier lieu s’assurer qu’ils le font sur une base identique. C’est pour cela que CBI a mis en place un cadre très précis dans lequel elle recommande de respecter le GHG protocole et de procéder à l’inventaire de leurs GES uniquement pour les scopes 1 et 2 et seulement pour les consommations qui sont du ressort d’un propriétaire. Ces données doivent être dûment vérifiées par un auditeur externe et certifié par CBI. Les émetteurs n’ayant pas atteint la cible au moment de l’émission d’une obligation, mais qui se sont engagés à le faire d’ici la fin de sa durée, doivent également fournir un rapport annuel de la performance carbone des actifs. Tous ces éléments permettent d’affirmer que l’empreinte carbone du portefeuille ou de l’actif est bel et bien mesurée de façon vérifiable et fiable. En revanche, il est difficile de considérer que cette empreinte soit « exhaustive ».

Aussi le cheminement obtient un indicateur orange pour l’indicateur 2.3. « démontre qu’un portefeuille mesure son empreinte carbone de manière exhaustive et vérifiable ».

Le cheminement démontre donc qu’un portefeuille figure ou figurera dans quelques années parmi les portefeuilles les 15 % plus performants de son marché. Néanmoins, l’absence de prise en compte du carbone intrinsèque dans la comptabilisation du carbone et dans les objectifs de réduction, notamment pour les projets de construction, semble constituer un réel manque d’exigence du système. Dans un contexte où l’ensemble de la filière doit devenir sobre en carbone d’ici 2050, ignorer l’importance grandissante reliée à l’impact carbone des matériaux pourrait même être considéré comme contre-productif. Tout comme le

Carbon Disclosure Project (CDP), ou la démarche architecture 2030, CBI reconnait l’existence de ce

phénomène et conseille aux promoteurs d’envisager l’usage de matériaux sobres en carbones et de recourir à l’analyse de cycle de vie. Pourtant, encore une fois, tant qu’il ne s’agit pas d’un critère, cette recommandation n’a aucun impact sur les pratiques terrains. Il est donc attribué un indicateur orange au critère 2.1. permettant de juger du caractère innovant et exemplaire d’un portefeuille certifié selon ce cheminement.

De la même manière, il est intéressant de s’interroger sur l’opportunité qui est offerte aux promoteurs au travers de ce cheminement, de mettre en marché des obligations reliées à la construction de nouveaux biens immobiliers selon les mêmes exigences que pour les biens en exploitation. Des biens construits de nos jours dont la durée de vie se situe entre 60 et 80 ans, financés au travers d’une obligation de 30 ans, devront atteindre le jour de leur mise en exploitation l’intensité carbone située 15 ans plus tard sur la trajectoire de réduction. Une performance à l’avant-garde, mais est-ce suffisant? CBI ne devrait-elle pas encourager toute nouvelle construction à afficher un bilan neutre en carbone dès aujourd’hui, ou tout du moins à présenter dès sa mise en opération un plan pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050? Compte tenu des limites soulevées dans ce paragraphe, le critère 2.7. « démontre qu’une nouvelle construction atteint ou va atteindre la neutralité carbone ».

Le critère 2.8. « Démontre qu’un portefeuille améliore son efficacité énergétique » obtient lui aussi un indicateur orange, en raison d’un manque d’exigence du protocole de certification. En effet il semblerait qu’un portefeuille ou un actif puisse atteindre sa cible d’intensité carbone grâce à la seule mise en place de panneaux solaires par exemple. Cela signifie qu’il pourrait être alimenté en énergie faiblement carbonée sans toutefois réduire au minimum sa consommation au travers d’une efficacité carbone supérieure. Le cheminement trajectoire obtient trois indicateurs rouges. En effet, il n’apporte aucune certitude quant au fait que les portefeuilles ou les actifs certifiés soient résilients face aux changements climatiques (critère 2.2.) ou qu’ils soient construits, rénovés ou démolis dans le respect de l’équilibre écologique mondial (critère 2.9.). Ainsi, selon la méthodologie actuelle de ce cheminement, un actif construit en zone inondable en Floride pourrait inclus dans une obligation certifiée, et ce même s’il n’a pas pris de mesure de prévention

ou de mitigation face à ces risques. Or, un actif non protégé face à ce type de risque relié aux changements climatiques, devra être rénové ce qui engendre, de facto, des émissions de GES additionnelles qui pourraient annuler les efforts fournis dans le cadre de l’émission de cette obligation.

Il est vrai, que CBI incite aux meilleures pratiques en matière de développement durable dans son référentiel, mais elle n’a pas encore inscrit dans la liste des exigences pré requises l’obligation de fournir une preuve de la mise en place de pratiques durables au sein des actifs certifiés. Comme il a été démontré lors de la revue de littérature, un actif ou un portefeuille immobilier qui ne contribue pas à minimiser sa pression sur les ressources et à maintenir l’équilibre écologique mondial ne peut être totalement qualifié de sobre en carbone.

Enfin, les recommandations du TFCD sont claires: la diffusion publique de la performance des actifs financiers est une étape cruciale dans la lutte contre les changements climatiques et notre transition vers une économie sobre en carbone. Or, le rapport annuel exigé pour les obligations pour lesquelles l’amélioration de l’intensité carbone est en cours est la seule exigence en matière de divulgation de la performance des actifs. CBI encourage les émetteurs à procéder à cette diffusion publique dans un format brut et anonyme, mais l’absence d’obligation ne garantit aucun changement parmi les émetteurs. Pour cette raison, le cheminement obtient un indicateur rouge au critère 2.5. « démontre qu’un portefeuille partage publiquement sa performance carbone ».