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Les leaders du groupe promoteur de la Clé des Champs s’inscrivent dans un nouvel engagement social à caractère entrepreneurial : se concrétise et se formalise alors un entrepreneuriat social qui donne lieu à des entreprises sociales.

Une prise contrôlée de « risques financiers » dans une perspective de collectivisation d’un avoir

Les modalités de financement utilisées pour l’achat de la première maison – par des hypothèques individuelles – montrent bien comment les marges de manœuvre utilisées et mises en scène par le groupe promoteur permettent de contourner l’obstacle majeur que représentait l’accès au capital de risque à des fins collectives.

La prise de risque implique certainement un engagement personnel, mais elle est pensée par les promoteurs de la Clé des Champs de façon transitoire. On achète sur une base individuelle pour revendre l’immeuble à la coopérative. Cette stratégie fonctionne à la façon d’une pompe où l’on puise dans le modèle privé d’acquisition de propriété pour permettre le transfert du bien acheté à un collectif, le transformant en une propriété collective indivise.

En passant d’une propriété individuelle à une propriété collective, il s’ensuit le passage de droits et de responsabilités privées à des droits et responsabilités collectives. Ces dernières demandent à être clarifiées et assimilées par les personnes qui se joignent au groupe. Au-delà d’un logement coopératif, ces personnes s’intègrent à un projet qui a une intentionnalité précise. Cette dernière doit être explicite pour que les nouveaux membres y adhèrent.

L’avenir est-il garanti?

Une fois les hypothèques remboursées, le cas pour La Clé des Champs d’ici cinq ans, les membres de la coopérative seront confrontés à un choix délicat :

ƒ Agir en fonction d’intérêts collectifs et communautaires en pérennisant l’utopie initiale portée par le groupe fondateur, en renouvelant et mettant à jour la vision initiale? Renouer avec l’idée d’agrandir le nombre de propriétés ; développer un projet communautaire; développer un projet environnemental…

ƒ Agir en fonction d’intérêts collectifs en maintenant un cadre minimal de collectivité? Par des améliorations locatives et la baisse des loyers.

ƒ Agir en fonction d’intérêts redéfinis non pas sur la base du projet initial, mais sur de nouvelles bases à définir collectivement? La transformation de la coopérative en des condominiums par exemple.

Cette situation concerne nombre de projets coopératifs existants. Curieusement, et contrairement à La Clé des Champs, nombre des coopératives qui vont se trouver dans cette situation ne pourront réellement bénéficier de cette fenêtre d’opportunité puisque le parc des logements coopératifs compte nombre d’immeubles qui ont besoin de travaux majeurs.

Chapitre 9 : Analyse

Définir un projet collectif exige l’implantation de paramètres favorisant la collectivisation du projet et la mobilisation des membres : il implique le développement d’une dimension politique forte

De 1988 à 1998, la coopérative est confrontée à son plus grand défi : l’appropriation collective du projet par les nouveaux membres. Deux éléments jouent.

D’une part, certains des membres fondateurs quittent la coopérative. Tout projet collectif repose sur la combinaison d’une double trajectoire :

ƒ Celle des membres, une association représente souvent un moment particulier dans la vie d’un membre;

ƒ Celle de l’organisation comme telle, qui a un rythme particulier en fonction du projet qu’elle porte.

D’autre part, il y a entrée de nouveaux membres. Ceci entraine une modification graduelle et continue du profil des locataires et des gestionnaires en devenir du projet coopératif. Se pose alors la question des modalités d’intégration et de participation des nouveaux locataires coopérateurs. Dans ce projet, le groupe promoteur est au cœur des prises de décision initiales et tend à maintenir une présence proche des structures du pouvoir.

Les données recueillies nous ont permis de constater que le noyau dur formé par plusieurs des membres fondateurs a faiblement pris en considération le besoin de mobiliser les nouveaux membres de la coopérative. Outre l’assemblée générale et les corvées, les affaires de la coopérative sont gérées par des « anciens » sans qu’il y ait processus d’appropriation par les nouveaux membres. Il s’ensuit la production d’une double identité entre « membre actif » et « membre passif ».

Cette situation a transformé le fait d’être « copropriétaire » en un statut de « colocataire » d’un projet collectif auquel nombre de nouveaux membres ne se sentaient pas identifiés. L’utilité de bénéficier d’un logement abordable a pris la place sur la mobilisation et la solidarité. Il en a découlé un faible investissement des membres, une faible responsabilisation et un déficit de cohésion sociale au sein du groupe. Le tout s’est traduit concrètement par un nombre important de logements vides et une augmentation du nombre de loyers impayés.

Ce constat nous renseigne sur l’importance de maintenir active la mobilisation initiale en la transformant en une mobilisation continue. Pour ce faire, une attention particulière doit être accordée tant aux nouveaux membres qu’à la circulation des personnes dans des postes de responsabilité. L’intégration permet alors de communiquer et de bonifier l’esprit et la vision portés par le groupe promoteur. L’implication permet un partage et une mutualisation de la compréhension de ce qui représente la gestion d’un projet collectif.

La crise de 1998 se traduit d’ailleurs par une analyse de fond de la situation par certains des membres qui sont présents (émergence d’un nouveau leadership). Malgré l’état critique des finances de la coopérative, ils se mobilisent pour redresser la situation.

Chapitre 9 : Analyse

Au cœur de la redynamisation du projet, deux éléments clés.

Premièrement, la gestion financière de la coopérative est confiée à une organisation spécialisée dans ce genre d’opération : la SHAPEM. Ceci permet de confier la comptabilité et la perception des loyers à une partie tierce.

Deuxièmement, le contrôle politique de la gestion de la coopérative est maintenu au sein du conseil d’administration. Concrètement, elle garde le cap sur le pouvoir de sélectionner les nouveaux locataires. Elle se garde également le devoir de décider de son avenir et de garder une gouvernance politique autonome, même si la gestion de collecte des loyers a été confiée en sous-traitance.

Ces décisions ont permis de séparer deux enjeux fondamentaux et de garder une hiérarchie entre ces derniers. Pour que la coopérative survive, il lui faut avoir une entrée financière saine de revenus. Dès lors, trouver un moyen pour atteindre cet objectif est central. Toutefois, pour que l’esprit coopératif et l’identité du groupe soient maintenus, il importe que le pouvoir politique sur les décisions à prendre relève toujours de la responsabilité des membres de la coopérative.

Bibliographie

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Bibliographie

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