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II. WNK : UNE NOUVELLE FAMILLE DE SERINE - THREONINE KINASES

3. Analyse génomique : WNK1 et ses transcrits

Le gène WNK1 humain est situé sur le chromosome 12. Il s’étend sur 160 kb d’ADN génomique et comprend 28 exons. La séquence codante s’étend sur 7149 nucléotides et code

27 sur le chromosome 6, s’étend sur plus de 100kb. La région codante est identique à 86% avec celle de l’homme. Dans les deux espèces, le gène WNK1 donne naissance à de multiples

isoformes.

a) Région 5’ non traduite

Concernant le site d’initiation de la transcription, les données sont rares et divergentes.

La seule étude expérimentale [32] évoque chez l’humain l’existence de deux promoteurs P1 et P2 correspondant à deux ATG au sein de l’exon 1, séparés par 640 nucléotides. Par extension d’amorce et 5’RACE à partir d’ARN de leucocytes et de rein humain, ces auteurs mettent en

évidence plusieurs sites d’initiation de la transcription. Les sites d’initiation de la transcription pour le premier promoteur, P1, sont situés aux nucléotides -179 et – 219 par rapport au premier codon ATG, tandis que l’analyse de la base de données EST (Expressed Sequence Tag) humaine identifie 4 sites potentiels d’initiation de la transcription aux nucléotides 206,

-251, -404 et -644 par rapport au premier ATG [23]. La conservation de séquences suggère que ce promoteur P1 existe aussi chez la souris (86% d’identité). Il n’a pas de TATA box, mais il

contient des sites de liaison pour les éléments initiateurs de transcription (Sp-1, Oct-1 et HES-1). Il contient aussi un élément répresseur CUP. La région qui s’étend de -1453 à +166 par rapport au premier ATG est riche en îlots CpG. Dans l’exon 1, 481 à 623 pb après le premier ATG se trouvent les sites d’initiation de la transcription d’un autre promoteur, P2, présentant 83% d’identité avec la souris, avec un ATG situé en + 640. Notons que le transcrit provenant

de P2 contient aussi l’intégralité du domaine kinase, dont le premier acide aminé est codé par le 4ème codon de ce transcrit tronqué. Ces deux promoteurs proximaux sont actifs in vitro dans différentes lignées cellulaires [32]. Chez la souris, l’existence éventuelle de P2 n’a pas été étudiée.

28 b) Région 3’ non traduite

Chez l’homme, l’analyse de la région 3’UTR (3’Untranslated Region) montre deux

sites de polyadénylation « AATAAA » situés respectivement à 823-829 nucléotides et 2636-2641 nucléotides en aval du codon stop. L’étude par northern blot avec une sonde

complémentaire des exons 3 à 7 de hWNK1 révèle deux transcrits de 8,5 et 10 kb, expliqués par l’existence de ces deux sites de polyadénylation [23]. Chez la souris, l’isoforme qui se

termine au deuxième signal de polyadénylation est en revanche considérée comme prédominante voire exclusive puisque seule l’isoforme la plus longue est visible par northern

blot [32,33].

c) Les variants d’épissage de WNK1

WNK1 fait de plus l’objet d’un épissage alternatif complexe, tissu-spécifique et

partiellement conservé entre les espèces.

Isoforme rénale : KS-WNK1

En 2002, par une analyse informatisée du génome basée sur les Expressed Sequence Tags (ESTs), un groupe américain découvre une isoforme de WNK1 spécifique du rein, qui est amputée de sa partie N-terminale [34]. Un nouvel exon, qu’ils nomment 4a, remplace les 4 premiers exons, codant donc pour une protéine où les 437 acides aminés N-terminaux sont remplacés par 30 autres acides aminés.

Deux groupes [32,33] confirment cette donnée in vivo un an plus tard en mettant en évidence un transcrit court de WNK1 dépourvu de domaine kinase, exprimé dans le néphron distal, tandis que la forme complète de la kinase est ubiquitaire (figure 5). Ces deux groupes

29 ont effectué des northern blots avec des sondes complémentaires des exons 1, 2, 3, 4, et 5 sur tissus humains et murins : en accord avec l’étude in silico, l’isoforme rénale courte n’apparait qu’à partir de l’exon 5 et ne contient pas les 4 premiers exons, remplacés par l’exon 4a qui est

absent de la forme longue. Delaloy et al. [32] ont complété l’étude de cette isoforme rénale en mettant en évidence un troisième promoteur (appelé rP pour « renal promoter »), 251 pb en amont du codon ATG de l’exon 4a et un enhancer de ce rP uniquement dans les cellules

épithéliales rénales. L’exon 4a présente 90% d’identité entre l’humain, la souris et le rat, et contient une région riche en cystéine. Cette isoforme exprimée uniquement dans le rein chez la souris comme chez l’homme est appelée KS-WNK1 (pour « kidney-specific »). L’autre

isoforme, sous le contrôle des promoteurs proximaux P1 ou P2, prend le nom de L-WNK1 (« long-WNK1 »).

Figure 5 : Structure du gène WNK1 et des deux isoformes L- et KS-WNK1. Les rectangles

représentent les 28 exons. En vert sont indiqués les exons alternatifs au moins chez l’homme (9, 11 et 12). L’exon 4a, spécifique de KS-WNK1, est représenté en rouge. P1 et P2 indiquent les deux promoteurs proximaux qui contrôlent l’expression de L-WNK1 (ubiquitaire, comme illustré par le

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northern blot). rP indique le promoteur rénal qui contrôle l’expression de KS-WNK1 (exprimé

uniquement dans le rein, comme illustré par le northern blot). Les mutations WNK1-HHF, qui sont de larges délétions au sein du premier intron, sont indiquées en orange.

Autres épissages alternatifs

Outre l’exon 4a, Xu et al. [24] avaient aussi identifié les exons 9, 11 et 12 et 26

comme potentiels exons « alternatifs » de WNK1 par leur analyse informatisée des ESTs. Ces variants d’épissage ont été étudiés in vivo par plusieurs équipes [23,32,33].

Selon ces différentes études, l’exon 9 est absent d’environ la moitié des transcrits chez l’homme dans le rein, le cœur, le muscle et le colon; en revanche, il semble toujours présent

dans ces mêmes tissus chez la souris. L’exon 11 semble absent des deux isoformes (L- et KS-WNK1) dans le rein mais également dans le muscle et le cœur chez l’homme et la souris et dans le placenta chez la souris. Il est présent dans le testicule chez la souris adulte, et dans certaines parties du système nerveux central chez l’embryon de souris. L’exon 12 semble être sujet à épissage alternatif dans le cœur, le muscle squelettique et le rein chez l’homme comme chez la souris. Selon les études, il est dit toujours épissé avec l’exon 11 [32,33] ou bien parfois seul [23]. Notons à ce sujet que l'ADNc cloné chez le rat décrit par Xu et al. [12] ne contient pas les exons 11 et 12. Aucune étude expérimentale n’a étudié l’éventuel épissage de l’exon 26.

Les exons 9, 11 et 12 codent pour des parties de la protéine situées entre les deux domaines coiled-coil et sont conservés à plus de 80% entre l’homme, la souris et le rat. L’importance fonctionnelle de ces exons n’est pas connue, mais les exons 11 et 12 codent une

séquence protéique riche en proline, compatible avec un potentiel domaine transmembranaire ou un domaine d’interaction protéique [33].

31 Il convient pour être exhaustif de signaler l’existence d’isoformes plus rares dont la signification biologique reste à établir. Ainsi Delaloy et al. [32] ont identifié un transcrit très minoritaire résultant d’un site accepteur alternatif situé 83 nucléotides en amont du site accepteur de l’exon 4. L’éventuelle protéine qui résulterait de cet épissage rare serait tronquée

dans le domaine kinase car un codon stop survient dans le cadre de lecture peu après ce site accepteur alternatif. Il existe également un exon 4b entre les exons 4 et 5, mais les transcrits qui le contiennent semblent rares en hybridation in situ sur le rein [35].

L’isoforme WNK1/HSN2

Récemment, un autre variant d’épissage de WNK1, d’une importance clinique

particulière, appelé WNK1/HSN2, a été mis en évidence.

La Neuropathie Héréditaire Sensitive et Autonomique de type II (HSANII) est une insensibilité congénitale à la douleur de transmission autosomique récessive [36]. Depuis 2004, il était décrit que des mutations de HSN2 (Hereditary Sensory Neuropathy type 2), jusqu’alors considéré comme une phase ouverte de lecture à un seul exon située dans l’intron

8 de WNK1, pouvaient en être responsables. Une équipe canadienne a récemment diagnostiqué chez une jeune femme atteinte de la maladie une mutation hétérozygote composite : un allèle, transmis par son père, porte une mutation dans HSN2. L’autre allèle HSN2 ne présente pas de mutation mais il existe une délétion dans l’exon 6 de WNK1, qui génère un codon STOP prématuré [37]. Ces auteurs ont donc testé chez la souris l’hypothèse que HSN2 serait un exon alternativement épissé de WNK1. Un northern blot réalisé avec une sonde dirigée contre la région codante de HSN2 reconnait une isoforme légèrement supérieure à 10kb, uniquement dans les tissus nerveux (cerveau, moelle épinière, ganglions de la racine dorsale). Par RT-PCR, les auteurs mettent en évidence que les exons adjacents à HSN2 sont les exons 8 et 9 de WNK1 avec parfois cependant l’ajout d’un exon 8b (258 nucléotides) entre

32 l’exon 8 de WNK1 et HSN2. HSN2 est donc selon ces auteurs un exon de WNK1 spécifique du

système nerveux, de 1236 nucléotides et l’isoforme qui le contient est appelée WNK1/HSN2. En immunohistochimie, la protéine WNK1/HSN2 est détectée principalement dans les cellules de Schwann qui entourent les neurones sensitifs mais aussi dans les axones. L’analyse informatique de l’exon 8b et de HSN2 ne fait pas ressortir de motif particulier permettant de

prédire le rôle de la protéine qui les inclut. Notons par ailleurs que la mère de la patiente, qui ne porte que la mutation dans l’exon 6, et la patiente elle-même ont une pression artérielle dite

normale sans plus de précision.

Cette observation est complétée un an plus tard par une étude des sujets hétérozygotes pour la mutation du gène WNK1/HSN2 [38]. Ces derniers ont une sensibilité accrue au froid et au chaud, qui de surcroît ne diminue pas avec l’âge contrairement aux sujets contrôles. Selon les auteurs, ceci pourrait être un avantage adaptatif aux environnements très froids et expliquer la grande fréquence de ces mutations dans le nord du Canada. Reste à comprendre comment une mutation hétérozygote augmente la perception sensitive aux stimuli thermiques tandis que la mutation homozygote l’abolit.

Remarquons qu’une étude sur une lignée de progéniteurs neuronaux montre un rôle clé

de WNK1 dans la prolifération, la migration et la différentiation cellulaire [39]. De plus, WNK1 est fortement exprimé dans le cervelet des souris adultes [35]. La description de cette nouvelle isoforme ouvre des perspectives très intéressantes sur le rôle de WNK1 dans le système nerveux.

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