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Analyse factorielle des Correspondances (AFC) des messages des Présidents des Rapports Annuels : répartition par année

La figure no2 illustre l’Analyse Factorielle des Correspondances par année. Nous observons

une homogénéité dans l’évolution chronologique des messages qui nous permet d’identifier une répartition en cinq périodes : le message de l’année 2004 renvoie à la Période 1 (P1), ceux des années 2005-2006-2007 renvoient à la Période 2 (P2), celui de l’année 2008 renvoie à la Période 3 (P3), ceux des années 2009-2010-2011 renvoient à la Période 4 (P4) et enfin les messages des années 2012-2013-2014 renvoient à la Période 5 (P5). Les messages de la P2 se rapprochent entre eux lexicalement, ainsi que ceux de la P4 et également ceux de la P5, tandis

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que le message de l’année 2004 et celui de l’année 2008 semblent sortir du lot et se différencient en terme de vocabulaire du reste des messages sans pourtant se ressembler lexicalement entre eux.

Figure no2 : Analyse factorielle des Correspondances des messages des rapports des années 2004 à 2014

Cette distribution reflète une rupture significative entre, d’un côté, le lexique utilisé par les locuteurs des messages la P1, P2 et P3, et, d’un autre côté, celui utilisé par les locuteurs des messages de la P4 et la P5 qui se trouvent à gauche

A nouveau, nous allons rechercher les spécificités lexicales de chaque période (Annexes de 7 à 11) afin d’identifier les termes saillants communs à chaque période.

Les spécificités lexicales de la P1 (Annexe 8) relative à l’année 2004 se caractérisent par un suremploi des termes «fusion», «organique» et «structure» et un sous-emploi d’«international». Cela suppose que le marché national libanais constituait encore une priorité pour ces onze banques en 2004 qui se focalisaient sur l’expansion territoriale, les fusions-acquisitions afin de consolider leurs parts de marché plus au Liban qu’à l’international8

.

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«At the local level, the bank concluded its seventh acquisition and merger operation of AHLI international bank SAL. This acquisition is part of FRANSABANK’s corporate growth strategy…. » (FRANSABANK, 2004)

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Notons qu’en 2004, la RSE n’était pas encore née dans les discours des PDG des onze banques libanaises qui font l’objet de cette étude.

Les spécificités lexicales de la P2 (Annexe 9) montrent un sur-emploi de termes qui reflètent nettement l’état de crise de cette période et ses répercussions économiques incertaines, notamment sur le secteur bancaire, pendant laquelle le Liban a connu, en 2005, l’assassinat de son Premier Ministre et en 2006 une guerre contre Israël. Les termes marquants de cette période sont : «guerre», «crise», «assassinat», «été 2006», «répercussions». Ainsi, il n’est pas étonnant que les termes «croissance», «développement», soient en sous-emploi sur cette période. Rappelons que la « RSE » a émergé dans les discours en 2007, donc durant la P2, mais que son usage reste en sous-emploi ainsi que celui relatif à la «pré-RSE» (tels que «communautés», «social» et «responsabilité»).

La période P3 relative à l’année 2008 est caractérisée par la crise financière mondiale, elle se démarque ainsi lexicalement du reste des années (Annexe 10).

Quant à la période P4 (2009-2010-2011), elle est dominée par « growth », « policies » et « develop » qui donnent l’image de banques en pleine croissance et développement de nouvelles politiques. Ces nouvelles politiques incluraient-elles des démarches liées à la RSE et/ou au Développement Durable tel que le laisserait penser le suremploi (même si le coefficient est faible) sur cette même période des termes «durable», «people», «société» et «responsabilité» (Annexe 10) ? Ou bien les Présidents de ces banques veulent signifier, aussi bien consciemment qu’inconsciemment, qu’un développement n’est pas véritablement « durable » sans l’implication des parties-prenantes. Le PDG de Byblos l’exprime bien dans son discours de 2009 :

«As a result, we retain the trust of the clients, partners, governments and multilateral institutions with which we do business – and that of the communities where we do it» (BYBLOS, 2009)

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Enfin, durant la P5 (2012-2013-2014) les termes relatifs à la « pré-RSE » (tels que «social» et «environnement») et à la « RSE » sont en suremploi (Annexe 11). La forte fréquence d’utilisation des termes relatifs à la « pré-RSE » et à la « RSE » est accompagnée d’un suremploi de termes tels que «stratégie» et «online». Cependant, d’après les extraits des messages ci-dessous, il est clair que la RSE chez ces banques se limite à une volonté de présenter une image de conformité aux valeurs dominantes en vogue ainsi qu’aux normes et standards internationaux et aux « meilleures pratiques » (« best practices ») en matière de RSE et de DD. Les banques qui marquent le plus cette période seraient en quête de certifications et de classements des magazines et des agences de notation c’est-à-dire de « pratiques observables » sans tenir compte des logiques qui sous-tendent ces démarches (Acquier et Aggeri, 2008). Les extraits ci-dessous des messages des Rapports Annuels relatifs à la P5 illustrent bien notre analyse :

«In parallel, bank AUDI’s corporate social responsibility (CSR) function was selected by ISO through Libnor – the Lebanese standards institution attached to the ministry of industry – as the first pilot organisation within the banking sector to

implement ISO 26000 social responsibility guidelines» (AUDI, 2012)

«As a result of its commitment to CSR, banque libano-française was selected in 2013 by Libnor, the Lebanese standards institution affiliated to the Lebanese ministry of industry, to participate as a pilot organization in the uptake and use of ISO 26,000 guidelines, an international standard providing organizations with guidance concerning social responsibility» (BLF,

2013)

«In 2013, we continued our commitment to corporate social responsibility. Bank of Beirut was selected among 68 regional banks as the recipient of the “best CSR initiative” award by the banker magazine, in recognition of our exemplary young achievers program (yap) and the new talents and creativity it helps to advocate» (BOB, 2013)

«In recognition to cl group’s CSR role and commitment to the communities where it operates, the bank was granted the national and social impact award, for its program titled: “supporting those who defend us” designed to feed the Lebanese army martyrs’ fund and promote the internal security forces anti-drug campaigns» (CREDIT LIBANAIS, 2014)

«Moreover, its path breaking CSR activities – namely, BLOM “giving card, “BLOM shabeb”, and “protected” – were meaningfully recognized, earning BLOM bank the worthy award of “best CSR company in 2014” from CSR Lebanon»

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Conclusion

Nous nous sommes intéressés, dans le cadre de cette recherche, à analyser l’apparition et la diffusion du concept de RSE dans les discours des Présidents des onze plus grandes banques libanaises en introduction de leurs Rapports Annuels entre 2004 et 2014. Nous nous sommes intéressées à cerner les premières formulations lexicales relatives à la thématique de la RSE en dehors de la thématique économique à savoir les thèmes liés aux dimensions sociales et environnementales. Il ressort de notre analyse que les préoccupations managériales en matière de RSE semblent secondaires au regard des dimensions financières, commerciales et organisationnelles, ce qui renvoie à une conception encore relativement primaire de la RSE, que nous avons appelé, dans le cadre de cet article, « pré-RSE ». Ainsi, l’absence d’un discours social ou environnemental dans les messages des dirigeants des banques entre 2004 et 2014 signifierait que les dirigeants ne perçoivent pas encore ces dimensions comme une priorité stratégique surtout que la RSE et la « pré-RSE » sont sous-employées dans les discours en périodes de crises (P2 et P3).

Il est donc clair, d’après notre analyse, que les Présidents des banques libanaises, dans les messages des Rapports Annuels, et ce, jusqu’en 2014, ne formulent toujours pas un « argumentaire économique du bien-fondé de la RSE pour les entreprises » (Acquier et Aggeri, 2008) c’est-à-dire un Business Case de la RSE. Cependant, le nouveau concept « à la mode » de Triple Bottom Line est présent depuis 2006 dans les discours des Présidents des banques libanaises malgré l’absence d’une articulation de la dimension économique de la RSE d’un côté avec les dimensions sociales et environnementales d’un autre côté. Nous y voyons les traces de la « main invisible » des consultants qui ont « participé à l’invention d’un nouveau langage managérial qui se caractérise par l’hybridation du concept de RSE avec celui

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de développement durable » (Acquier et Aggeri, 2008). Nous pensons, que la RSE, dans les discours des onze banques que nous avons étudiées, relève des « approches stakeholders, dont les principaux développements se sont faits en relative déconnexion avec les pratiques d’entreprise » et qui sont « aujourd’hui largement diffusées » dans les discours d’entreprise (Acquier et Aggeri, 2008). Cela est d’autant plus vrai que les discours portent un intérêt particulier à l’égard d’une partie des stakeholders des banques à savoir les actionnaires, les clients et les ressources humaines, au détriment d’autres (comme « communautés », « sociéte »), ce qui se rapproche plus de la vision managériale que de la vision partenariale (Freeman, 1984).

La quasi-absence d’un discours social et/ou environnemental dans les messages des Rapports Annuels sur la période 2004-2014 malgré la publication de Rapports RSE et/ou DD chez certaines de ces banques, semble renvoyer à la conception d’une RSE séparée et déconnectée des dimensions économiques de l’entreprise malgré la mise en place, entre 2004 et 2014, d’initiatives individuelles et collectives en matière de RSE et/ou DD. Or ces pratiques ne sont pas présentées dans les messages des Présidents en introduction des Rapports Annuels (à l’exception du CREDIT LIBANAIS), ce qui appuie notre conclusion que, chez ces banques libanaises, « les pratiques de communication (production de rapports de développement durable, communication interne et externe) » et les « pratiques concrètes » (Aggeri, 2004) sont dissociées tout comme la RSE et la stratégie.

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ANNEXE 1 : Classement des banques en matière de RSE

Banque concernée Début RSE explicite dans discours Début engagement RSEi Début publication rubrique RSE dans le rapport annuelii Début publication rapport RSE Publication rubrique RSE sur

site web

Banque AUDI 2012 Bien avant (domaine culturel) et actuellement environnemental 2010 2011 Non Banque BYBLOS Non till 2014 2005 (environnemental)

2008 Pas encore Oui

FRANSABANK 2009 1998 (Jabal) 2010 (un petit paragraphe) 2012 Oui CREDIT LIBANAIS

2007 2005 2007 Pas encore Oui

SGBL Non Pionnier mécénat 2012 newsletters Oui/engagements

BBAC 2013 2011 Pas encore Oui

BLOM 2012: 2010 2015 Oui

BLF 2009 2008 2012

BOB 2013 2007 Pas encore Oui

MED 2009 2009 newsletters Oui

BLC Non till

2014

2009 (jouzour) 2011 Prévu en 2016 Oui

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