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Analyse du vocabulaire pictural chez Magritte (Louis Chartrand)

Le forage de textes est basé sur l’hypothèse selon laquelle la dimension sémantique du concept est exprimée par les réseaux de cooccurrence lexicale qui le caractérisent. Si cette hypothèse permet d’expliquer comment les classifications et catégorisations automatiques peuvent faire sens pour l’humain qui interprète les résultats, sa portée n’est pas à strictement parler textuelle. En effet, elle peut aussi se présenter au niveau de l’association d’objets dans des images: ainsi, on attendra d’une pomme qu’elle se trouve sur un pommier ou dans un plat de fruits, et la présence d’une feuille ou d’une poire dans l’image suggérera l’un ou l’autre des deux contextes.

Les cahiers de l’ISC – No 3 – 2012

L’œuvre de Magritte semble se porter naturellement à de telles analyses. D’une part, Magritte a produit des images où les objets sont individués, saillants et faciles à

reconnaître (Everaert-Desmedt 2006, 28-30). D’autre part, si les objets sont évidents, c’est précisément parce que le peintre joue sur l’association des objets au sein d’une même composition, et que ce jeu est essentiel au genre d’expérience esthétique qu’il cherche à provoquer chez l’observateur: l’objectif consisterait ici, par la présentation d’associations incongrues, à déstabiliser la reconnaissance aisée qui se présente dans ces objets individuels afin de dévoiler les conventions du langage pictural et de déclencher des processus interprétatifs (Everaert-Desmedt 2006, 39-48).

Partant de la base de données compilée par le projet Magritte (Hébert 2011), une première analyse informatique des objets saillants de différents tableaux de Magritte, nous permet déjà de tirer certaines conclusions préliminaires. D’une part, le corpus est relativement homogène, en ceci qu’il est difficile de construire des classes robustes: il n’y a donc pas de groupe de tableaux qui soit radicalement différent de tous les autres au niveau du vocabulaire pictural. En revanche, en faisant l’inventaire des objets dans les classes obtenues par la méthode des k-moyennes, on s’aperçoit que les mots qui y sont les plus fréquents sont étroitement apparentés, comme le montre la figure 3. Dès lors, malgré la difficulté des méthodes informatiques à produire une partition en classes stables — et donc une caractérisation stable — du corpus, il semble qu’une représentation sémantique utile et sensée du corpus soit un objectif accessible. Ce sera l’objet de notre recherche.

Figure 7: Catégories sémantiques dans l’œuvre de Magritte, et les concepts principaux qui y sont associés.

J.-F Chartier. et al.

Les cahiers de l’ISC – No 3 – 2012 5 Forage conceptuel des communautés épistémiques (Jean-François Chartier – cf.

Figure 4)

Si la méthode du forage conceptuel s’applique généralement à l’étude d’un concept cible chez un auteur particulier, comme par exemple le concept d’ÉVOLUTION chez Darwin, elle peut aussi s’avérer utile pour l’analyse d’un concept au sein une communauté épistémique (CE). On peut alors étudier la création, le partage et l’utilisation collective d’un concept par une communauté de scientifiques, une communauté de membres anonymes de la Wikipédia, une communauté de blogueurs, une communauté d’activistes et de militants politiques ou encore une communauté de journalistes. Au-delà des contenus épistémiques souvent très différents, ces CE ont toutes en commun d’être organisées autour d’un média numérique (un journal, un blogue, une revue, un wiki, etc.) où l’on peut retracer à des fins d’analyse les usages collectifs d’un concept cible.

On propose de modéliser une CE en termes de réseau sociosémantique (Roth 2009). Un réseau sociosémantique est un graphe bimodal composé d’abord de deux types de nœuds, soit S = {s1, s2, s3… sn} pour l’ensemble des agents qui partagent un même concept et C = {c1, c2, c3… cn} pour l’ensemble de mots utilisés par S, puis de trois types de relation, soit Rs  S  S pour l’ensemble des relations sociales entre paires d’agents, Rc  C  C pour l’ensemble des relations sémantiques entre pairs de mots, et Rsc  S  C pour l’ensemble des relations d’usage entre agents et mots (voir Figure 4).

Une étude de forage conceptuel d’une CE peut consister alors à dégager d’un tel réseau sociosémantique des structures saillantes caractérisant un concept collectif. On cherchera notamment les consensus dans les usages, les leaders, les structures de division du travail conceptuel, les relations d’homophilie sémantique entre agents, l’attachement préférentiel et les collèges invisibles.

Références

c2

c3

cm

c1 s1

s3 s2

sm

Figure 4: Réseau sociosémantique d’une communauté épistémique

Les cahiers de l’ISC – No 3 – 2012

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internationales d’Analyse statistique des Données Textuelles

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