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Analyse biogéographique Identité de la faune polynésienne

La faune des décapodes et stomatopodes de Polynésie française est typiquement indo-ouest pacifique, avec de nombreuses espèces distribuées depuis l'océan Indien jusqu'au Pacifique central : chez les Penaeidea (ex. Fenneropenaeus

indicus, Metapenaeopsis hilarula) ; chez les Caridea (ex. Alpheus strenuus, Athanas djiboutensis, Palaemon concinnus, Harpiliopsis beaupresii) ; chez les Palinuridea

(ex. Panulirus versicolor, Puerulus angulatus) ; chez les Anomura (ex. Calcinus

laevimanus, Clibanarius corallinus) ; chez les Brachyura (ex. Carpilus maculatus, Zozymus aeneus) ; et chez les Stomatopoda (ex. Lysiosquillina maculata, Indosquilla manihinei, Fig. 39).

Figure 39 : Un exemple de distribution indo-ouest pacifique, mise en évidence pendant ce travail. Le stomatopode de profondeur Indosquilla manihinei Ingle & Merrett, 1971, décrit du nord de Madagascar, reconnu par la suite aux îles Mariannes, et retrouvé au cours d'une campagne du navire Marara dans l'est des Tuamotu, à plus de 15 000 km de la localité type.

Quelques espèces ont une distribution qui s’étend au delà du Pacifique central, jusqu'aux côtes américaines ; elles sont qualifiées d’indo-pacifiques. Ce sont par exemple : les crevettes Alpheus lottini, A. pacificus ; la langouste Panulirus

penicillatus, et le crabe Plagusia tuberculata. D'autres espèces sont signalées

également de l’Atlantique et en Méditerranée, avec une répartition mondiale : crevettes de profondeur ou bathypélagiques comme Aristaemorpha foliacea,

Aristaeopsis edwardsiana, Heterocarpus laevigatus, Plesionika edwardsii ;

langoustes Justitia longimanus, Parribacus antarcticus ; crabes Planes major et

Daira perlata.

Une centaine d’espèces polynésiennes n’ont jamais été signalées en dehors de Polynésie française et constituent des taxons potentiellement endémiques à la région. En fait, il s'agit souvent d'espèces de profondeur, découvertes à la faveur de la prospection au casier à grande échelle du navire Marara, ou lors des campagnes

de dragage et chalutage du navire Alis : crevettes Plesionika (ex. P. curvata,

P. fenneri, P. payeni), Galtheidae Munida (ex. M. amathea, M. ducoussoi, M. evarne), et crabes Xanthidae (ex. Alainodaeus nuku, Banareia fatuhiva, Epistocavea mururoa). Il est probable que, si des prospections similaires étaient réalisées dans

d'autres régions, la plupart de ces espèces y seraient retrouvées. D’autres espèces qui ne sont connues que de Polynésie correspondent à des taxons douteux. C’est la cas par exemple du crabe Etisus punctatus pour lequel Jacquinot & Lucas (1853 : 31) indiquent : « Cette espèce n'ayant pas été déposée au Muséum, c'est d'après la figure qui en a été donnée par MM. Hombron et Jacquinot que nous avons fait cette description ». De même, Forest & Guinot (1962 : 41) indiquent à propos des spécimens types du petit crabe Parapleurophrycoides roseus déposés dans les collections de Paris : « nous les considérons comme des juvéniles difficilement identifiables ». Un autre exemple est celui du crabe Ruppellia granulosa, décrit des Marquises en 1867 par A. Milne Edwards, longtemps considéré comme endémique de ces îles, cette espèce s’est révélée être un synonyme de Lydia annulipes, un crabe indo-ouest pacifique très commun (cf. Poupin, 1996a : 64)

Les exemples précédents tendent à surestimer le taux d'endémisme polynésien. A l’inverse, la confusion d’espèces spécifiquement polynésiennes avec des taxons voisins de l’Indo-ouest Pacifique peuvent le sous-estimer. C'est le cas de la langouste Justitia vericeli, autrefois confondue avec J. japonica (cf. Poupin, 1994b), des bernard l'ermite Calcinus orchidae, confondu avec C. laevimanus (cf. Poupin, 1997b) et Ciliopagurus vakovako, confondu avec Ciliopagurus strigatus (cf. Poupin, 2001), du Chirostylidae Eumunida treguieri, proche d'E. depressa du Japon (cf. De Saint Laurent & Poupin, 1996), des Majidae Naxioides teatui et N. vaitahu, morphologiquement très similaires des formes indo-ouest pacifiques (N. robillardi, N.

mammillata ; cf. Poupin, 1995), des Geryonidae Chaceon poupini et C. australis,

espèces ‘jumelles’ de C. bicolor dans le Pacifique occidental (cf. Manning, 1992, 1993), et de l'Ocypodidae Macrophthalmus consobrinus, un moment mis en synonymie avec M. parvimanus de l'océan Indien, mais en fait distinct et endémique des îles Gambier (cf. Poupin, 1997a). Ces espèces spécifiquement polynésiennes sont peut être des formes vicariantes de leurs homologues indo-ouest pacifiques, indiquant un processus de spéciation en cours dans la région (Figs 40-41).

Figure 40 : Petit crabe Lissocarcinus elegans Boone, 1934, peut être endémique de Polynésie. Décrit de l’île de Raiatea, il n’a toujours pas été signalé dans d’autres régions (d’après Boone, 1934, pl. 16).

Les considérations précédentes montrent qu'un énorme travail de récolte reste à faire sur l'ensemble de l'Indo-ouest Pacifique, accompagné d’un travail de systématique tout aussi important, pour pouvoir estimer de façon satisfaisante le taux d'endémisme polynésien. De façon provisoire, et assez arbitraire, une liste d’une trentaine d’espèces qui pourraient être endémiques de la région est proposée ci-dessous. La plupart des espèces de profondeur en ont été exclues (Plesionika,

Munida...), sauf lorsque des révisions génériques ont été faites à l'échelle de

l'Indo-ouest Pacifique (Justitia, Eumunida, Cyrtomaia, Chaceon, Galearctus). Une espèce comme Calcinus orchidae est incluse parce qu’elle est d’assez grande taille, facile à

récolter, et commune sur le littoral des Marquises. Si elle n’était pas endémique de la région elle aurait sans été déjà signalée en dehors de la Polynésie. À l’inverse, une très petite espèce comme Calcinus gouti n’est pas comptabilisée, car difficile à récolter et sans doute passée inaperçue dans d'autres îles.

Figure 41 : quatre espèces peut être endémiques de Polynésie française : a) la langouste Justitia vericeli Poupin, 1994 ; b) la cigale Parribacus holthuisi Forest, 1954 ; c) le bernard l'ermite Calcinus nitidus Heller, 1865 ; d) le crabe Ocypodidae, Macrophthalmus consobrinus Nobili, 1906.

Liste de quelques espèces potentiellement endémiques de Polynésie française.

Stomatopoda

Chorisquilla similis Ahyong, 2002 Caridea

Caridina rapaensis Edmonson, 1935 Epipontonia tahitensis Bruce, 2004

Macrobrachium feunteuni Keith & Vigneux, 2002 Palinuridea

Galearctus rapanus (Holthuis, 1993) Justitia vericeli Poupin, 1994

Parribacus holthuisi Forest, 1954 Anomura

Albunea marquisiana Boyko, 2000

Calcinus albengai Poupin & Lemaitre, 2003 Calcinus hakahau Poupin & McLaughlin, 1998 Calcinus orchidae Poupin, 1997

Calcinus nitidus Heller, 1865

Ciliopagurus vakovako Poupin, 2001

Eumunida treguieri De Saint Laurent & Poupin, 1996 Micropagurus polynesiensis (Nobili, 1906)

Brachyura

Acanthophrys cristimanus A. Milne Edwards, 1865 Chaceon australis Manning, 1993

Chaceon poupini Manning, 1992

Cyrtomaia sp. nov. cf. ihlei Guinot & Richer de Forges, 1982 Lissocarcinus elegans Boone, 1934

Macrophthalmus consobrinus Nobili, 1906 Naxioides teatui Poupin, 1995

Naxioides vaitahu, Poupin, 1995 Nucia rosea Nobili, 1906

Nursia mimetica Nobili, 1906 Ozius tricarinatus Rathbun, 1907 Trapezia areolata Dana, 1852 Trapezia globosa Castro, 1997 Trapezia punctimanus Odinetz, 1983

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