• Aucun résultat trouvé

I. I NTRODUCTION GENERALE

I.3. M ETHODES D ’ ETUDE

I.3.1. Méthodes électriques

I.3.1.2. Ampérométrie à fibre de carbone

L’ampérométrie à fibre de carbone est une méthode électrochimique basée sur l’oxydation des produits de sécrétion au contact d’une microélectrode placée au voisinage d’une cellule sécrétrice (Figure 10A). Elle permet donc de caractériser en temps réel l’activité sécrétrice de cellules uniques isolées, à condition que les substances libérées soient oxydables : c’est le cas des catécholamines telles la noradrénaline et l’adrénaline pour les cellules chromaffines, de l’histamine et de la sérotonine pour les mastocytes, et de l’insuline pour les cellules béta-pancréatiques. En présence d’un potentiel approprié, ces molécules libèrent des électrons qui peuvent être collectés. Le courant d’oxydation mesuré est proportionnel à la quantité de produit de sécrétion libérée par la cellule. L’électrode joue en quelque sorte le rôle de l’élément post-synaptique (Wightman, Jankowski et al. 1991 ; Chow, von Ruden et al. 1992).

Figure 10 : Mesure de l’exocytose par ampérométrie à fibre de carbone. (A) la cellule au centre est stimulée au moyen d’une micropipette placée à sa gauche; la microélectrode à fibre de carbone (potentiel ~ 750mV) est placée à sa droite. (B) chaque pic de courant représente l’oxydation du contenu d’un GS individuel, libéré lors de l’exocytose.

Cette technique possède l’avantage d’être beaucoup plus facile d’emploi que l’électrophysiologie. De plus, la sensibilité et la résolution temporelle de cette technique sont telles que les pics individuels correspondant à l’exocytose d’un GS unique sont facilement isolables. Dans les cellules chromaffines, de tels pics ont des hauteurs de plusieurs dizaines de pA et des durées d’environ 20 ms (Figure 10B). L’intégration par rapport au temps de ces pics de courant donne des valeurs d’environ 1 pC, ce qui correspond à environ 3x106 molécules de catécholamines dans un GS. Cela est compatible avec ce qui est estimé dans un GS par des méthodes biochimiques (concentration molaire en catécholamines de 0,5 M) et des mesures morphométriques (diamètre d’un GS d’environ 270 nm).

I.3.1.2.a. Analyse du pic ampérométrique

L’approche ampérométrique a ouvert beaucoup de nouvelles possibilités. Une voie très intéressante est l’analyse théorique de la forme du pic ampérométrique (Amatore, Bouret et al. 2000). Cette forme (Figure 11) reflète la vitesse de sécrétion des catécholamines d’un GS. Plusieurs facteurs peuvent limiter la cinétique de sécrétion : l’expansion du pore de fusion et la diffusivité des molécules sécrétées dans la matrice du GS. En effet, dans la matrice du GS, au pH intragranulaire acide, les monoamines sécrétées sont sous forme de cations qui neutralisent des polymères de la matrice, chargés négativement, tels les protéines chromogranines des granules chromaffines ou les protéoglycanes des granules des mastocytes. Des liaisons électrostatiques et hydrogène maintiennent cet ensemble compact en équilibre osmotique.

Lors de l’exocytose, ces cations sont échangés avec des ions Na+ présents dans le milieu extracellulaire. Cela induit cependant la perte de l’organisation précédente, provoquant une dissociation du complexe et un gonflement de la matrice dû à une augmentation de la pression osmotique ((Figure 11, II). En conséquence, la matrice aurait plusieurs effets sur la sécrétion des hormones : i) le gonflement du gel de la matrice serait la force motrice contrôlant l’expansion irréversible du pore de fusion ; ii) la libération des hormones serait régulée par un processus d’échange ionique au niveau du gel ; et iii) la libération des hormones serait contrôlée par le gonflement du gel.

Figure 11 : Les étapes successives de la libération du contenu d'un GS, avec formation d'un pore initial de conductance limitée. La formation de ce pore (I) conduit à la libération d'une fraction des catécholamines contenues dans le GS, faisant apparaître un faible signal ampérométrique (foot ou « pied »). Les échanges osmotiques entre le contenu granulaire et le milieu extracellulaire (II) induisent une augmentation des forces dans la bicouche lipidique (III) aboutissant à la fusion complète du GS avec la membrane plasmique. La dernière phase (IV) correspond à la diffusion des catécholamines depuis la matrice maintenant totalement exposée au milieu extracellulaire. Extrait de (Amatore, Bouret et al. 2000).

Très souvent, le pic ampérométrique est précédé par un petit « pied » (Figure 11, I) (Amatore, Bouret et al. 2000). Ce phénomène a été étudié en couplant des mesures ampérométriques à des mesures de capacité membranaire. Les analyses, d’abord effectuées sur la sécrétion de vésicules géantes de mastocytes de souris beige (Chow, von Ruden et al. 1992 ; Alvarez de Toledo, Fernandez-Chacon et al. 1993), indiquent que le pied est associé à l’ouverture du pore de fusion d’un granule. La sérotonine est sécrétée à travers le pore de fusion, avant son expansion irréversible qui provoque le pic ampérométrique (Figure 11, III). Pendant la durée du pied, le taux de sécrétion, estimé à partir de l’amplitude du courant ampérométrique, est proportionnel à la taille du pore, calculée à partir de la conductance. Quand le pore fluctue, le signal ampérométrique suit la même cinétique.

La répétition de ce type d’expérience sur l’exocytose des GS plus petits des cellules chromaffines a été rendu possible par les progrès dans les mesures de capacité (Albillos, Dernick et al. 1997). Dans ces cellules, la capacité est mesurée en configuration cellule-attachée, sur un morceau de membrane cellulaire électriquement isolée à l’intérieur de la pipette (Figure 9B). Les mesures ampérométriques nécessitent que la microélectrode à fibre de carbone soit placée à l’intérieur de la pipette de patch-clamp (patch-amperometry). Là encore, la libération du produit de sécrétion, les catécholamines, est observée à travers le pore de fusion, avant son expansion irréversible.

I.3.1.2.b. Le kiss-and-run

La libération des catécholamines est aussi observée pendant des fluctuations du pore sans pic ampérométrique rapide (plus de 10% des événements d’exocytose). Ces pieds isolés ont été interprétés comme des fusions transitoires. Le fait que l’exocytose, dans les cellules chromaffines, puisse se produire sans expansion irréversible du pore est intéressant du point de vue théorique, puisque cela donne du crédit à l’hypothèse du kiss-and-run (voir I.1.2.5). D’après cette hypothèse, d’abord proposée pour les neurones, la libération rapide de neurotransmetteurs n’impliquerait pas la fusion complète, le neurotransmetteur pouvant diffuser rapidement à travers un pore de fusion transitoire. Un tel mécanisme de kiss-and-run serait plus adapté à la sécrétion des neurones qu’à celle des cellules endocrines pour plusieurs raisons : i) la neurotransmission demande un recyclage plus rapide des VS, des trains

d’impulsions étant souvent observés ; ii) les VS, de taille réduite (diamètre ~50 nm), peuvent se vider très rapidement (en moins d’1 ms) de leur contenu en neurotransmetteurs à travers un pore de fusion transitoire d’environ 1 nm de diamètre, ce qui ne serait pas possible pour les GS chromaffines (diamètre ~270 nm) ; iii) un tel pore ne serait pas perméable aux polymères de la matrice d’un GS alors que les VS ne contiennent aucune protéine soluble sécrétée. Il a été également montré par ampérométrie dans les cellules chromaffines (Ales, Tabares et al. 1999) que le kiss-and-run serait favorisé à haute concentration extracellulaire en Ca2+, bien que les concentrations ne soient plus physiologiques (plusieurs dizaines de mM).

Documents relatifs