• Aucun résultat trouvé

2. L’AGROÉCOLOGIE ET LE CONTEXTE AGRICOLE MONDIAL

2.2 La place de l’agroécologie dans le monde

2.1.2 Amérique latine

L’Amérique latine, tout comme l’Afrique, a été aux prises avec un financement agricole favorisant le développement d’une agriculture industrielle de monoculture. Historiquement, le développement de l’agriculture en Amérique latine s’est fait par les plantations de caféiers, de bananiers, etc., et par l’élevage bovin pour l’exportation en lien avec différents accords de libre-échange, dont l’accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) au Mexique. En plus de mettre en péril la diversité agronomique de la région, cette manière de faire a contribué à la précarité économique des populations rurales en laissant les cours boursiers dicter la valeur de la production. Il s’agit aussi d’une pratique ayant mis en péril l’environnement, tant par la déforestation que par les impacts courant de l’agriculture industrielle (Liverman et Vilas, 2006; Roseberry et autres, 1995).

Bien que la part du PIB moyen pour la région en termes d’agriculture ne soit pas très élevée, soit 5 %, celui de plusieurs pays de l’Amérique latine atteint les 25 % lorsque les activités connexes à l’agriculture sont comprises. Cela fait donc de cette activité, et de ses dérivées, un pilier majeur dans le développement des populations rurales. Cette part de la population avoisine les 20 % de la population totale et détient un taux de pauvreté et de pauvreté extrême de l’ordre de 45 % (FAO, 2014a; Vergara, 2014; Kay, 2006).

C’est donc relativement à ces problématiques que les mouvements de justice sociale ayant donné naissance à l’agroécologie appliquée sont apparus. En effet, plusieurs populations se sont regroupées et se sont battues dans le but d’obtenir une réforme agraire pour leurs pays ou régions. Ces groupes paysans avaient, et ont toujours, l’aide de l’organisation La Via Campesina pour ce qui attrait à la représentation

permis de partager et de développer une agroécologie forte dans cette région du monde. Certains auteurs, comme Altieri et Toledo (2011), parlent même d’une « révolution de l’agroécologie » en Amérique latine. C’est par contre à travers une pratique bien définie et une documentation étoffée, ainsi qu’un partage de cette information, que le succès de l’agriculture agroécologique a pu s’enraciner. Comme le cas de l’Asociación Nacional de Agricultores Pequeños (ANAP) à Cuba.

À la suite du déclin du bloc communiste dans les années 1970, Cuba était en prise avec une réduction importante de son approvisionnement alimentaire. Puisque le pays n’avait pas les ressources pour industrialiser sa production agricole, le gouvernement a créé l’ANAP afin de définir une stratégie de production agricole se basant sur les petits agriculteurs. Cette association a mis sur pied le programme

Campesino a Campesino (CAC) qui fait la promotion de l’entraide paysanne et du développement et à

l’application de techniques alternatives afin de subvenir aux besoins des cultures. Le programme CAC du gouvernement cubain était le prototype de l’agroécologie qui allait servir de base à La Via Campesina. Dans les années 2008 et 2009, l’organisation internationale a étudié la façon de faire cubaine, et avec l’aide de l’ANAP, a créé le Mouvement agroécologique Campesino a Campesino (MACAC) qui sert encore aujourd’hui de base à la mise en place de système agroécologique en Amérique latine (Altieri et Toledo, 2011; Rosset et autres, 2011; Giménez et autres, 2010). Dans les autres pays d’Amérique latine, c’est surtout à travers les mouvements sociaux paysans et indigènes que la promotion et l’adoption de l’agroécologie se sont faites, car les populations de ces pays n’ont pas accès à un pouvoir gouvernemental de l’ampleur de celui de Cuba ni à un contexte similaire.

La connaissance traditionnelle détenue par les peuples autochtones est un atout de taille dans l’application de l’agroécologie. À travers cette connaissance, il est possible de maximiser la production agricole en utilisant des espèces et des techniques propres à chaque région ou localité précise. Cette connaissance traditionnelle prend aussi en compte les fonctionnements écologiques et reconnait les avantages du maintien de la biodiversité. L’application de ces connaissances est d’ailleurs primordiale au bon fonctionnement de systèmes agroécologique partout dans le monde (Altieri et Hecht, 1990a). En plus de posséder ce type de savoir, les populations autochtones sont souvent à la tête des mouvements de réforme agraire en Amérique latine. Ce sont les premières populations affectées par la pratique de l’agriculture industrielle et souvent celles mises de côté lorsque vient le temps de redistribuer les richesses de ce type d’exploitation. En effet, le territoire de l’Amérique latine compte environ 40 millions d’autochtones, dont environ 70 % vivent dans les régions rurales et comptent parmi les populations les plus pauvres (Psacharopoulos et Patrinos, 1994; International work group for indigenous affairs (IWGIA),

s.d.). On retrouve d’ailleurs plusieurs organisations autochtones à la tête des plus grands mouvements de réforme agraire en Amérique latine, dont celui de La Via Campesina et celui des pays sans terres, au Brésil (Altieri, 2009).

L’Amérique latine est donc un terreau fertile pour l’implantation de l’agroécologie à grande échelle tant au niveau de la nécessité de réformer l’agriculture industrielle, que par ses mouvements sociaux actifs ou que par l’immense bagage de connaissances détenu par sa population autochtone importante. Un dernier facteur fait de cette région du monde un candidat de choix et c’est au niveau même des unités de production agricole. Il existe environ 16 millions d’unités de production agricole d’environ 1,8 ha recouvrant près de 60 millions d’hectares en Amérique latine, soit 35 % de la superficie totale de terres cultivées. Cet ensemble de petites unités agricole est responsable de 41 % de la production alimentaire en Amérique latine, ce qui en fait un ensemble non négligeable à prendre en compte dans le développement futur du secteur de l’agriculture. Il s’agit d’ailleurs d’une échelle d’agriculture à laquelle s’intègre bien la pratique agroécologique (Altieri, 2009).