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Perception, mouvements dirigés et rotations de cultures

6.2 Amélioration du lien paysage-population

Le modèle III poursuit le développement, initié dans le modèle II, d’une dépen-dance au paysage multi-échelle et mécaniste. Les avancées que nous retrouvons ici concernent trois aspects du modèle : la non-localité, son lien avec l’état interne des individus, et l’optimisation des comportements d’approvisionnement.

Dans le modèle précédent, la non-localité est prise en compte par un processus de perception. Ce processus permet d’interférer dans la redistribution locale de la population, i.e. dans la diffusion. L’information non-locale déclenche une réponse locale. Le modèle III a ceci de nouveau qu’il permet de définir une réponse non-locale à la perception d’informations non-non-locales : il s’agit de mouvements dirigés vers les ressources perçues. La perception est ici modélisée par un noyau monotone décroissant, qui pondère l’effet de la ressource sur l’individu focal comme une fonc-tion inverse et linéaire de la distance qui les sépare. Au delà de la distance limite de perception, la pondération est nulle, la ressource n’est plus perçue. Comme expli-qué en §4.3, la convolution du noyau de perception sur la distributions de chacune des deux ressources permet une extension spatiale de l’information de présence de ressources. Les gradients spatiaux de cette information étendue définissent alors des coefficients d’advection vers la ressource concernée. Ainsi, la continuité créée par l’extension spatiale de l’information locale autorise la progression de l’individu vers la ressource, et ce dans un espace pourtant dépourvu de gradient de qualité environ-nementale. On peut qualifier ce procédé d’abstraction des capacités navigationnelles de l’individu.

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Le modèle II permet l’individualisation de la population selon un statut énergé-tique, un aspect de l’état interne des individus. Ce statut module deux processus démographiques : natalité et mortalité qui sont liées par une monnaie métabolique (metabolic currency ; voir e.g. Houston et McNamara 2014). La natalité a un coût énergétique qui en limite l’intensité, et qui peut entraîner une mortalité addition-nelle. Dans le modèle III ceci reste inchangé. Cependant l’état interne entre désor-mais en interaction avec l’information non-locale perçue pour proposer une réponse non-locale adaptée aux besoins énergétiques des individus. Le statut énergétique permet ainsi d’orienter les individus vers une ressource plutôt que l’autre. Motiva-tion et navigaMotiva-tion définissent alors une redistribuMotiva-tion populaMotiva-tionnelle en accord avec les déterminants théoriques du mouvement individuel.

La question qui survient alors est : vers quelle ressource se diriger ? La réponse dépend évidemment des réserves énergétiques. De faibles réserves entraîneront un mouvement vers les sites de nourriture, tandis que des réserves plus abondantes pousseront les individus vers les sites de ponte. Entre ces deux cas simples qui concernent les discrétisations terminales de la dimension énergétique, nous propo-sons de considérer une transition continue. À l’échelle individuelle, chaque ressource perd de l’importance quand les réserves énergétiques s’éloignent de la discrétisation terminale associée à l’urgente nécessité de cette ressource. Ainsi, quand les réserves énergétiques augmentent (i.e. lorsque l’individu se nourrit) la perception de sites de nourriture est de moins en moins déterminante dans la constitution du mouvement dirigé, tandis que la perception de sites de ponte le devient de plus en plus. L’in-verse se produit quand les réserves décroissent. La perte d’importance, le désintérêt, est modélisée par une courbe exponentielle décroissante. Un paramètre permet de moduler une perte d’intérêt plus ou moins abrupte en fonction des réserves. Ainsi, deux paramètres d’approvisionnement, un par ressource, définissent la transition d’une ressource vers l’autre en fonction des réserves énergétiques.

Une procédure d’optimisation permet finalement de chercher les paramètres d’ap-provisionnement optimaux dans un environnement donné, i.e. ceux dont il est le plus probable qu’ils caractérisent les comportements d’individus adaptés à leur en-vironnement. Le lien entre une population et le paysage dans lequel elle évolue est alors extrêmement robuste. Il repose sur des aspects individuels d’ordres physiolo-gique, cognitif et adaptatif, qui impliquent fortement la complexité du paysage dans la dynamique de population.

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6.3 Généralisation

Si le modèleIIIdérive du modèleII, il s’affranchit de sa spécificité très empirique, centrée sur Delia radicum. Le modèle III est beaucoup plus généraliste et se veut traiter d’insectes ravageurs volants concernés par la même dichotomie de ressource que D. radicum. Le modèle ne comprend plus que 2 stades de développement. Un stade juvénile, qui cause les dégât sur les cultures, et un stade adulte, qui exploite les deux ressources compétitives et dispose d’un statut énergétique. Ce troisième modèle pourrait convenir à de nombreux ravageurs, essentiellement des ordres des Lépidoptères et des Diptères.

Ce modèle implique moins de paramètres que le précédent. Sa paramétrisation ne repose pas sur des données et n’est pas étudiée par analyse de sensibilité. Les paramètres sont identifiés en accord avec des hypothèses parcimonieuses concernant la viabilité des individus, et la stabilité de la population d’une saison à l’autre. Cette paramétrisation que l’on retrouve en §7.6.2est réalisée en champ moyen, c’est-à-dire sans considération de structuration spatiale du paysage (seulement de composition). Elle permet de se focaliser sur l’optimisation des stratégies d’approvisionnement qui, elle, est réalisée avec le modèle spatialisé, car fortement dépendante de la structure spatiale du paysage.

6.4 Application

Le développement de ce modèle multi-échelle est un travail conséquent mené par étapes. Fort de l’intégration de déterminants individuels pertinents et suffisants à l’émergence mécaniste de l’approvisionnement optimal, ainsi qu’ayant suffisamment généralisé son cadre biologique, nous avons mis le modèle en application sur un problème théorique d’aménagement du paysage. Les deux précédents modèles de dynamiques de population ont été instanciés sur des paysages issus d’informations géographiques. Ici nous avons poursuivi l’effort de généralisation et développé un modèle de paysage (présenté en §7.6.3). Il permet de disposer sur une tessellation de Voronoï des parcelles de cultures, dans lesquelles pondent les ravageurs, et des linéaires semi-naturels, dans lesquels ils trouvent des fleurs pour se nourrir (cf. Figure

6.1 pour une illustration des paysages produits).

Le modèle de dynamique de population a été développé pour être réactif aux varia-tions d’un pattern spatial particulier : la co-agrégation spatiale des deux ressources

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L’intérêt principal de cette application est de montrer que la complexité du pay-sage peut être prise en compte dans des modèles de population par l’intermédiaire de processus individuels. L’amélioration des paysages ne repose ici que sur l’appro-visionnement optimal dans les deux ressources, un processus qui lie fortement la population à la structure du paysage. Ainsi, en plus de permettre une adhérence supplémentaire au paysage (via l’interaction entre non-localité et individualisation), ces processus individuels sont aussi de potentiels leviers d’action pour développer des paysages agricoles plus résistants aux ravageurs.

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Article paru dans Ecological Modelling,

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