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Chapitre 2 : Activité électrique cérébrale

2.4 Activité du cerveau lésé

2.4.3 Altérations de l'activité cérébrale

Une grande variété d'altérations de l'activité électrique cérébrale ont été rapportées pour les patients porteurs de tumeurs cérébrales, sans qu'elles soient véritablement spécifiques à ce type de lésion (Abou-Khalil & Missulis, 2006; Britton, et al., 2016; Metwally, 2010). Ces anomalies sont généralement regroupées selon des critères de forme (pics ou ondes), de distribution spatiale (activité focale ou régionale), de régularité (schémas récurrents), de persistance (activité intermittente ou continue), de fréquence (bandes d'activité) et de réactivité (possibilité d'activer/inhiber l'activité anormale). Bien que la genèse de ces changements soit encore mal comprise, ils peuvent généralement être interprétés avec une précision suffisante pour permettre le diagnostic de la tumeur et une première approximation de sa localisation.

2.4.3.1 Altérations basses fréquences

Une activité anormale dans la bande δ est le signe électrophysiologique le plus évocateur d'une perturbation de la fonction cérébrale. Deux activités basses fréquences considérées comme pathologiques sont communément identifiées : (1) l'activité delta polymorphe (ADP) ; (2) l'activité delta rythmique intermittente (ADRI) (Metwally, 2010) (figure 2.9).

L'ADP prend la forme d'ondes irrégulières aux amplitudes variables, et se focalisant au niveau de la lésion. Elle est généralement persistante et non-réactive, ce qui est le signe d'une atteinte grave du tissu nerveux (Schaul, et al., 1981). Elle est le plus souvent observée suite à des lésions affectant la substance blanche et l'implication du cortex n'est pas essentielle. Des lésions purement corticales ne produisent pas forcément d'ADP (Andraus & Alves-Leon, 2011; Gloor, et al., 1977). Des travaux ont d'ailleurs suggéré qu'elle serait en fait due à

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l'activité de générateurs corticaux se retrouvant isolés suite à leur désafférentation du thalamus (Gloor, et al., 1977; Schaul, et al., 1981).

Figure 2.9 : Activité delta polymorphique et activité delta rythmique intermittente. Signaux EEG présentant une ADP (A) et une ADRI (B). Figure adaptée de (Andraus & Alves-Leon, 2011) (figures 1 et 2).

L'ADRI quant à elle prend la forme d'ondes rythmiques régionales apparaissant par intermittence. Elle est réactive et ne se trouve pas nécessairement dans le voisinage de la lésion. Elle est souvent diffuse et peut toucher des lobes entiers, parfois de façon bilatérale. L'ADRI frontale est la plus commune et est associée à une grande variété de lésions intracrâniennes et encéphalopathies (Accolla, et al., 2011). Lorsqu'elles sont unilatérales, l'ADRI frontale et occipitale indiquent généralement une perturbation focale, qui peut néanmoins être controlatérale à la pathologie (Accolla, et al., 2011; Brigo, 2011; Watemberg, et al., 2002; Watemberg, et al., 2007). L'ADRI temporale est quant à elle la plus spécifique et sa présence est un indicateur fiable de foyers épileptogènes (Di Gennaro, et al., 2003; Reiher, et al., 1989). L'ADRI se retrouve dans le cas de lésions corticales et sous-corticales et indique généralement une perturbation moins grave de la fonction corticale. Il semble néanmoins exister une corrélation entre l’acuité du processus lésionnel et la fréquence des décharges : plus le processus est aigu, plus la fréquence des décharges est lente. Cela a notamment été observé chez les patients victimes d'AVC (Fariello, et al., 1982; Williams, 1983). L'ADRI peut être observée sans atteinte sous-corticale, mais dans le cas de lésions profondes, une asymétrie est généralement observée avec une amplitude maximisée du côté de la lésion (Andraus & Alves-Leon, 2011; Cobb, 1945; Daly, et al., 1953; Rowan, et al., 1974). Une activité anormale dans la bande θ peut également témoigner de la présence d'une tumeur. Des décharges rythmiques similaires à l'ADRI peuvent se produire de manière bilatérale et synchrone dans des régions cérébrales homologues et peuvent également être inhibées par une tâche attentionnelle ou lorsque le patient ouvre les yeux (Britton, et al., 2016; Metwally, 2010). Ces rythmes sont généralement observés dans des régions à distance de la lésion et sont qualifiés de rythmes « projetés ». Une activité anormale dans la bande θ est un indicateur plus faible de la localisation de la tumeur que l'ADP et trahit généralement un

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dysfonctionnement moins sévère, plus souvent fonctionnel que structurel. Lorsqu'elle n'est pas accompagné d'activité δ, l'activité θ n'est pas explicitement indicative d'une lésion (Britton, et al., 2016; Metwally, 2010).

L'amplitude et la fréquence des ondes lentes ne sont pas des indicateurs de la taille ou de la densité d'une tumeur, mais la persistance de l’activité anormale, son caractère focal, et son absence de réactivité sont en revanche des indicateurs du niveau de détérioration du tissu nerveux (Schaul, et al., 1981).

2.4.3.2 Altérations hautes fréquences

Les perturbations du rythme α sont plus rares et sont généralement observables lorsque le patient montre les premiers symptômes de la présence de la tumeur. Cela se concrétise le plus souvent par un ralentissement de l'activité du coté ipsilésionnel, qui peut être accompagné d'asymétries en amplitude et d'une désynchronisation locale (Salai Selvam & Shenbaga Devi, 2015; Williams, 1983). La nature des perturbations semble néanmoins dépendre de la localisation de la tumeur : plus elle est postérieure, plus l'activité α aura tendance à ralentir, jusqu'à se confondre avec l'activité θ. Il arrive également que l'activité s'étende sur l'ensemble du cortex avec une prédominance frontale (Abou-Khalil & Missulis, 2006; Andraus & Alves-Leon, 2011). Dans certains cas, l'activité α peut devenir non-réactive en ne s'atténuant pas du côté ipsilésionnel lors de la réalisation de certaines tâches, notamment lors de l'ouverture des yeux (phénomène de Bancaud) (Britton, et al., 2016; Metwally, 2010).

Les anomalies de l'activité β quant à elles se limitent aux asymétries en amplitude. Elles ne sont pas nécessairement dues à une altération de l'activité neuronale et peuvent être induites par des changements de conductivité au niveau de la tumeur, créant des rythmes parasites (Kampf, et al., 2013). Il est aussi important de noter que certains médicaments peuvent augmenter la présence ou la prédominance de l'activité β (Britton, et al., 2016).

2.4.3.3 Altérations épileptiformes

Plus de trois quarts des patients porteurs de GIBG développent une épilepsie (Cochereau, et al., 2016; Rossetti & Vuilliémoz, 2016) et des décharges épileptiformes apparaissent généralement sur leurs enregistrements EEG (Abou-Khalil & Missulis, 2006). Ces décharges vont dépendre du profil tumoral et peuvent être intermittentes ou continues, focales, latéralisées, ou toucher l'ensemble du cerveau. Cette association n’est cependant pas invariable et des patients porteurs de GIBG peuvent être sujets à des crises convulsives sans que leurs enregistrements ne montrent de décharges épileptiformes et inversement (Williams, 1983). Néanmoins la présence de ces décharges est un marqueur fiable de perturbations locales de la fonction corticale et peuvent, qui plus est, apparaitre relativement tôt lors de la croissance tumorale. La destruction progressive du parenchyme cérébral dans le contexte des tumeurs à croissance lente augmente en effet la probabilité d'observer des décharges épileptiformes (Gloor, et al., 1977).

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2.4.4 Localisation tumorale

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