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Avant la migration des hydrocarbures des roches sédimentaires où ils sont formés vers les roches réservoir, ces dernières étaient uniquement au contact d’un aquifère et étaient mouillables à l’eau. Leur mouillabilité sera altérée avec le temps au contact de la matière organique sous l’effet de la pression et de la température. Les grès d’affleurement quant à eux, sont fortement mouillables à l’eau. En laboratoire, leur mouillabilité doit être modifiée vers une plus grande mouillabilité à l’huile pour simuler les conditions de réservoir. Cette altération de la mouillabilité se fait par contact prolongé des échantillons de roche avec l’huile brute contenant des composés polaires après le drainage de cette dernière jusqu’à atteindre une saturation irréductible en eau.

III.2.1 Modèles conceptuels d’altération de la mouillabilité :

Un modèle conceptuel à l’échelle du pore proposé par [Buckley, 1997] et [Buckley & Liu, 1998] permet d’identifier les étapes de cette altération. On voit sur la Figure 28.a que si l’huile injectée est un hydrocarbure pur ne contenant pas de composés polaires [résines, asphaltènes etc.], la mouillabilité n’est pas modifiée. Lorsque l’huile brute est injectée dans les pores, elle déplace l’eau initialement présente. Il se forme un mince film aqueux qui tapisse les surfaces minérales mouillables à l’eau. L’huile brute occupe le centre du pore [Figure 28.b]. Le film aqueux peut alors être dans un état stable, métastable ou instable dépendant des forces de surface aux deux interfaces. Ces forces sont liées aux propriétés de la saumure et de la nature des charges aux interfaces minéral/saumure et saumure/brut. L’étude de leurs équilibres par le biais des isothermes de potentiel d’interaction ou de pression de disjonction permet de prédire l’état du film pour des propriétés de saumure et de surfaces données.

36 Figure 28 : Illustration des interactions Brut/Saumure/Roche. Lorsque l’huile s’infiltre dans les pores initialement

saturés en eau, il se forme un mince film aqueux à la surface de ces derniers (a,b). Les composés polaires vont occuper l’interface avec la saumure (c). Dans les cas où le film est instable ou métastable, il peut se rompre à plusieurs endroits. Le contact entre l’huile et la surface minérale qui s’ensuit peut altérer la mouillabilité [Buckley,

1997].

III.2.2 Mécanismes d’adsorption de l’huile brute sur les surfaces porales :

Les différents types d’adsorption des molécules organiques sur les minéraux ont été étudiés dans les sciences de la terre par [Sposito, 1989], [Arnarsson & Keil, 2000] et [Sposito, 2008]. Les recherches menées dans le domaine pétrophysique se sont, elles, spécifiquement intéressées aux mécanismes d’adsorption des composés polaires des huiles brutes sur les surfaces porales [Buckley, 1997], [Lager et al., 2006], [Boussour et al., 2009]. Les principaux mécanismes

d’adsorption de l’huile sur la roche et d’altération de la mouillabilité mis en évidence par [Buckley, 1997] sont le résultat d’expériences d’adhésion sur des surfaces lisses siliceuses. Ces derniers sont par la suite étendus aux milieux poreux. Les paramètres importants dans ce type d’interactions sont : les types d’argiles présentes et leur capacité d’échanges cationiques [CEC], le taux d’azote dans l’huile et le pouvoir solvant de l’huile par rapport aux molécules polaires qui la composent [Clementz, 1976]. Les principaux mécanismes évoqués dans la littérature comme étant susceptibles d’être affectés lors de l’injection d’eau de basse salinité sont les suivantes :

III.2.2.1 Echange cationique :

Il s’agit de la substitution de cations inorganiques, initialement adsorbés sur la surface minérale et associés à des charges négatives, par des cations organiques. Ces derniers sont à leur tour reliés à la surface minérale par des forces coulombiennes. Ce mécanisme est particulièrement important pour les cations adsorbés à la surface d’argiles négativement chargées de la famille des aluminosilicates. Ils sont plus efficaces pour les cations polyvalents et concernent les molécules organiques contenant des azotes quaternaires ou des anneaux hétérocycliques.

37 Figure 29: Représentation schématique du mécanisme d’échanges cationiques : X représente le cation inorganique

substitué [Boussour et al., 2009].

III.2.2.2 Echange anionique :

Il s’agit du même principe que les échanges cationiques sauf que cela concerne des surfaces chargées positivement. Dans ce cas, un anion inorganique est remplacé par un anion organique. L’anion de substitution est, à son tour, lié à la surface par une simple attraction coulombienne. Ce mécanisme concerne les milieux acides dont la fraction argileuse contient des oxydes métalliques, il est également plus efficace pour les cations polyvalents.

Figure 30: Représentation schématique du mécanisme d’échanges anioniques : X représente le cation inorganique

substitué [Boussour et al., 2009].

III.2.2.3 Echange de ligand :

Ce mécanisme consiste en l’échange de groupes hydroxyles de la surface minérale avec des groupes hydroxyles [de l’acide carboxylique ou du phénol] de la matière organique. Les liaisons ioniques mises en jeu sont plus fortes que celles concernant les mécanismes d’échanges cationiques [ou anioniques] et les ponts cationiques. Ce mécanisme est le plus important lors de l’adsorption de substances humiques dans les sols. Il semble également important sur les couches hydroxylées des aluminosilicates. Les groupes hydroxyles sont, par ailleurs, en compétition avec l’anion SO42- lorsque ce dernier est présent dans le milieu.

Figure 31: Représentation schématique du mécanisme d’échange de ligand : libération d’une molécule d’eau

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III.2.2.4 Pont cationique et pont aqueux :

Le pont cationique et le pont aqueux sont deux mécanismes semblables. On parle de pont cationique lorsque les cations agissent comme un pont entre les charges négatives de la surface minérale et les composés anioniques [ou polaires] de la phase organique. Le pont cationique se transforme en pont aqueux lorsque les cations échangeables se présentent sous forme solvatée (l’ion magnésium par exemple). Il est à noter que les cations polyvalents sont plus efficaces pour ces types de liaisons même si cette polyvalence favorise leur présence sous forme solvatée.

Figure 32: Représentation schématique du mécanisme de pont cationique et de pont aqueux: les ions divalents

favorisent les formes solvatées [Boussour et al., 2009].

III.2.2.5 Les interactions de van der Waals :

Les interactions de van der Waals sont susceptibles d’intervenir entre n’importe quelles surfaces. Ce sont des forces additives de courte portée entre des composés non polaires. Elles sont issues des interactions entre les atomes de la matière et deviennent significatives faces aux forces électrostatiques dans les zones de forte salinité à cause de la diminution de l’épaisseur de la double couche électronique.

Figure 33: Forces attractives de van der Waals en compétition avec les forces répulsives de la double couche

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III.2.2.5 Les effets hydrophobes :

Ces effets concernent les composés organiques apolaires. Les molécules d’eau à proximité de ces composés ne peuvent créer des liaisons hydrogène avec eux. Par ailleurs les interactions électrostatiques entre ces composés apolaires et l’eau sont faibles devant les interactions entre ces composés et la surface minérale. La conséquence de ces propriétés est l’expulsion de ces composés apolaires de la phase aqueuse vers la surface minérale sur laquelle elle est adsorbée par des forces de van der Waals. L’adsorption de ces derniers conduit à un gain en entropie du système.

Figure 34: Effets hydrophobes des composés apolaires de l’huile : les composés organiques apolaires et la surface

minérale sont liés par des forces de van der Waals [Boussour et al., 2009].

III.2.2.6 Précipitations à la surface :

En plus des mécanismes évoqués ci-dessus, il faut ajouter le mécanisme de précipitation de surface évoqué par [Buckley et al., 1997]. Il concerne les asphaltènes et les résines. La

précipitation de ces composants dépend du pouvoir solvant du brut par rapport à eux. Cette propriété est mise en évidence dans [Akhlaq et al., 1996] [Figure 35]. Moins le brut est un bon

solvant pour ses asphaltènes et ses résines, plus ces dernières auront tendance à se précipiter à la surface.

Figure 35: Mise en évidence de la précipitation de surface des composés polaires: en cas d’ajout d’isooctane dans le

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