3. INTERACTION ENTRE LES SYSTÈMES DOPAMINERGIQUE ET
3.3. ALTÉRATION DE L’EXPRESSION DE LA NEUROTENSINE PAR LES
Comme il a été décrit dans le Chapitre 1.2.2, les récepteurs de type D1 et D2 sont couplés
à des protéines Gs et Gi, respectivement (Missale et al., 1998). Les récepteurs de type D2 ont
donc une activité inhibitrice et ont la capacité de diminuer l’expression de la neurotensine. Au contraire,les récepteurs de type D1 semblent promouvoir l’expression de la neurotensine. Dans
ce chapitre, ces effets seront mis en évidence avec des études où l’expression de la neurotensine a été analysée suite à l’activation ou l’inhibition des récepteurs dopaminergiques.
3.3.1. Modulation par les récepteurs dopaminergiques de type 2
Ce sous-chapitre se concentre sur les effets aigus des antagonistes D2 sur l’expression de
la neurotensine dans le striatum (résumé dans le Tableau I à la page 24). Les résultats rapportés dans le tableau ont été obtenus avec des antipsychotiques de 1re génération (i.e. antagoniste D
2)
Tableau I. Les effets d’un traitement aigu aux antagonistes D2 (e.g. antipsychotique) sur la
neurotensine et les récepteurs NTS1 dans le striatum
Régions
cérébrales Mesures Effet Références
Noyau accumbens
Densité de l’ARNm de la
proneurotensine
↑
dans le shellMerchant et al., 1992, Éthier et al., 2004
Concentration tissulaire de
neurotensine
↑
Govoni 1980, Kinkead et al., 2000, Myers et al., 1992, Wagstaff et al., 1996, Huang and Hanson, 1997, Frey
et al., 1987
Densité des
récepteurs NTS1 Inchangée Holtom et al., 2000
Caudé- putamen
Densité de l’ARNm de la
proneurotensine
↑
en dorsal Merchant et al., 1992, Beaudry et al., 2000
Concentration tissulaire de
neurotensine
↑
Govoni et al., 1980, Kinkead et al., 2000, Steven et al., 1994, Myers et al., 1992, Wagstaff et al., 1996, Frey et al.,
1987
Densité des
et non de la 2e. Ceux de la 2e génération ont été exclus, puisqu’ils ont une forte affinité pour les
récepteurs de la 5-hydroxytryptamine (5-HT; voir Chapitre 4.2 à la page 27). Les antagonistes D2 lèveraient l’inhibition exercée par les récepteurs de type D2 sur la transcription de la
neurotensine, avec des mécanismes qui dépendent des facteurs de transcription CREB (cAMP-
response element binding protein), c-fos et Nur77 (Merchant et al., 1992a, Beaudry et al., 2000).
Donc, un traitement aigu aux antagonistes D2 évoque une augmentation de la concentration
protéique de neurotensine dans le noyau accumbens et le caudé-putamen (Govoni et al., 1980, Kinkead et al., 2000, Myers et al., 1992, Wagstaff et al., 1996, Huang and Hanson, 1997). La densité de l’ARNm de la proneurotensine est également augmentée dans le shell du noyau accumbens et le caudé-putamen dorsal (Merchant et al., 1992b, Beaudry et al., 2000). Tous ces résultats suggèrent que l’activation aiguë des récepteurs de type D2 peut inhiber l’expression de
la neurotensine. En parallèle, la densité des récepteurs NTS1 ne semble pas être altérée par un traitement aigu aux antagonistes D2 (Holtom et al., 2000). Les effets d’un traitement chronique
aux antagonistes D2 sur l’expression de la neurotensine seront décrits dans le Chapitre 5 (à la
page 37).
3.3.2. Modulation par les récepteurs dopaminergiques de type 1
Les récepteurs de type D1 semblent favoriser l’expression de la neurotensine. Un
traitement aigu aux agonistes D1 n’altère pas de façon significative l’expression de la
neurotensine, où seuls des changements ont été rapportés dans une région restreinte du caudé- putamen (Hanson and Keefe, 1999) ou avec une dose très élevée d’agoniste (Taylor et al., 1991). Un traitement chronique aux agonistes D1 apporte des changements plus importants dans
l’expression de la neurotensine, en augmentant sa concentration tissulaire (Singh et al., 1992) et sa transcription (Hanson and Keefe, 1999) dans le noyau accumbens et le caudé-putamen. Un agoniste D1 aurait donc des effets similaires à un antagoniste D2, puisque les deux augmentent
l’expression de la neurotensine dans le striatum.
Les effets des récepteurs de type D1 sur l’expression de la neurotensine peuvent être
également mis en évidence avec une co-administration chronique de psychostimulant et d’antagoniste D1. Les antagonistes D1 seuls ne semblent pas produire d’effet significatif sur
striatum et la substance noire, suite à un traitement aigu ou chronique (Singh et al., 1992, Alburges and Hanson, 1999, Letter et al., 1987, Jonhson et al., 1990, Augood et al., 1991, Gruber et al., 2002). Les psychostimulants administrés chroniquement augmentent l’expression de la neurotensine dans plusieurs régions, telles que le striatum (Letter et al., 1987, Alburges and Hanson, 1999, German et al., 2014, Johnson et al., 1991, Gruber et al., 2002), la substance noire (Castel et al., 1993, Letter et al., 1987, Alburges and Hanson, 1999, German et al., 2014, Johnson et al., 1991) et le globus pallidus (German et al., 2014). Dans ces mêmes études, il a été démontré que l’augmentation de la régulation de la neurotensine peut être diminuée, voir abolie, par une co-administration avec un antagoniste D1. L’augmentation de l’expression de la neurotensine
par un traitement chronique aux psychostimulants pourrait donc être en partie médiée par les récepteurs de type D1. Les mécanismes sous-tendant la modulation de l’expression de la
neurotensine par les récepteurs de type D1 restent méconnus. Ils pourraient toutefois impliquer
les facteurs de transcriptions CREB, c-fos et Nur77 (connus pour être impliqués dans la modulation de l’expression de la neurotensine par les récepteurs de type D2), puisque l’activité
de ces facteurs est favorisée par l’activation des récepteurs de type D1 (Cole et al., 1992, Das et
al., 1997, Cadet et al., 2010).
Toutefois, d’autres facteurs pourraient être impliqués. En effet, les récepteurs de type D1
produisent des effets robustes sur l’expression de la neurotensine seulement dans des conditions particulières, soit avec une administration chronique d’agoniste D1 ou une co-administration
chronique de psychostimulant avec des antagonistes D1. Au contraire, une simple administration
aiguë d’antagonistes D2 suffit pour produire des effets robustes sur l’expression de la
neurotensine. Les récepteurs de type D1 pourraient donc dépendrent de facteurs supplémentaires
pour moduler l’expression de la neurotensine, qui sont non-nécessaires aux récepteurs de type D2.