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CHAPITRE 3 – LES STRATÉGIES DE CONSERVATION

3.4 Les aires marines protégées

À travers le monde, moins de 1 % des océans est sous un statut protégé, comparé à presque 13 % de l'environnement terrestre (WWF, 1996). La conservation des ressources marines est néanmoins de plus en plus couverte par des aires marines protégées (AMP). Actuellement, il existe quelques 660 AMP qui protègent des récifs de corail. Ces zones couvrent environ 20 % des récifs mondiaux recensés par l'Atlas mondial (figure 3.1). Certaines couvrent de vastes étendues, comme le Parc marin de la Grande Barrière de corail en Australie avec 340 000 km2, mais 150 autres zones sont très restreintes, soit moins de 1 km2 (Spalding et al., 2001). Ces dernières sont toutefois souvent trop petites et fragmentées pour être efficacement protégées à long terme. Globalement, ces zones protégées marines multiplient les mesures de protection telles que sur l’ancrage, la pêche et les activités récréatives. Ces mesures visent la protection de la biodiversité marine et des ressources culturelles puis l’utilisation durable de cet écosystème. Elles ont pour effet de valoriser une région d’un point de vue écologique, économique et culturel (CELB et al., 2006). Ces zones sont d’ailleurs très attrayantes pour le tourisme et deviennent un stimulus puissant pour le développement côtier (Vogt, 1997; Fenton

Figure 3.1 La distribution géographique mondiale des coraux (points blancs) et des aires marines protégées incluant les récifs de corail (zones ombragées)

Source : Jameson, S.C., McManus, J.W., et Spalding, M.D (1995).

Malgré tout, il y a un risque à protéger ces secteurs qui vont souvent être victimes de leur propre succès en attirant plus de visiteurs, ce qui va à l’encontre des objectifs de leur création. Par exemple, au Belize, à peine quatre années après l’inauguration de la réserve marine Hol Chan, Roberts et Polunin (1994) ont démontré que le corail avait été sérieusement endommagé par la prolifération de cyanobactéries provoquant la maladie de la bande noire. Cette prolifération survient lors de contacts répétitifs avec les plongeurs. Dans les îles Cayman, les récifs de corail sont une partie fortement estimée de l'héritage naturel, mais l'industrie du tourisme est également une partie importante de l'économie locale (Ebanks et Bush, 1990). Malgré les procédures de gestion fortement restrictives et bien maintenues, l'établissement de ce parc a attiré davantage de plongeurs et de visiteurs. Actuellement, environ 350 000 plongeurs par an visitent ces récifs, effectuant collectivement des millions de plongées (Davenport et Davenport, 2006). Les avantages de l'établissement de ce système de parcs semblent donc diminuer en raison du nombre croissant d’adeptes à ce sport récréatif (Tratalos et Austin, 2001). Ainsi, pour que le tourisme dans les AMP soit durable, la surveillance et la

gestion continues de la plongée sont nécessaires pour assurer la prospérité de l’économie et la sauvegarde des récifs (Moore et al., 2007).

Les AMP sont également un outil de plus en plus important pour contrôler efficacement la pêche ornementale. Ces zones protègent les habitats et les communautés biologiques contre la pêche pouvant mener à une perte de biodiversité et à un changement de dynamique entre les espèces (Carr et Hixon, 1997). En effet, après quelque temps, et ce, indépendamment des tailles des AMP, il y a généralement une augmentation de la densité (50 %), de la biodiversité (20 %) et de la taille des organismes (30 %), ce qui accroît la biomasse des populations (75 %) et le rendement reproducteur (Russ et Alcala, 1996; Halpern, 2003). Les juvéniles et les adultes mobiles, ainsi en plus grand nombre, peuvent alors migrer dans les secteurs adjacents ce qui maintient la durabilité de la pêche (Sladek Nowlis et Roberts, 1999). Les modèles théoriques ont d’ailleurs prouvé que ces zones protégées peuvent diminuer la variabilité annuelle des captures, en particulier pour les espèces fortement surexploitées (Friedlander, 2001). Il est toutefois possible que des pêcheurs illégaux se rendent dans ces aires protégées ou que différents conflits d’usage, tels que la pêche interdite dans les secteurs d’observation du milieu et des ressources, éclatent (Wood, 2001a). Pour contrer cette possibilité, l’Australie a, quant à elle, développé une stratégie efficace de gestion. En effet, à l’intérieur de leur AMP, le territoire a été délimité en plusieurs zones qui ont été attribuées pour chaque usage (Wabnitz

et al., 2003). Les avantages de ces zones protégées peuvent toutefois prendre plusieurs années

avant de se traduire en capture accrue pour les pêcheurs environnants (La Banque mondiale, 2006).

Aujourd'hui, ces aires protégées figurent parmi les outils les plus pertinents en matière de conservation et de gestion durable de la biodiversité marine. Ainsi, plusieurs forums internationaux (dont le Sommet de la Terre de 2002) préconisent leur création avec comme objectif la mise en place de 20 à 30 % de plus d’AMP d’ici 2012 (La Banque mondiale, 2006). Malheureusement, la grande majorité de ces secteurs protégés ne sont pas contrôlés efficacement. La plupart souffrent du faible engagement des gouvernements et du manque de

volonté politique. Il y a aussi un manque de connaissances pour la conception appropriée et l'établissement de ces aires marines de même que pour leur opération. Dans de nombreux pays en développement, la majorité des revenus globaux ne sont pas toujours destinés à la mise en œuvre de quelques mesures de protection. Les gains financiers sont davantage versés aux gouvernements locaux ce qui fut le cas de la réserve naturelle de Tangkoko-Duasudara en Indonésie où seulement 2 % des gains ont été conservés par cette réserve (Kinnaird et O'Brien, 2000).

Pourtant, les recherches prouvent que là où elles sont efficacement contrôlées, les AMP peuvent apporter une gamme d’avantages bien au-delà de la conservation de la biodiversité telle que les avantages sociaux et économiques aux communautés locales. Il est ainsi fondamental de bien démontrer ces avantages et de s'assurer qu'ils sont équitablement distribués à une gamme étendue d'utilisateurs. D’ailleurs, divers programmes, tels que Defying Ocean’s End, préconisent l’établissement d’un Fonds Mondial pour l’Océan sous la structure de l’Organisation des Nations Unies (ONU) afin de mieux gérer le capital destiné à l’établissement de stratégies de conservation (Defying Ocean’s End, 2008). De surcroît, la participation de toutes les parties impliquées et la consultation appropriée des scientifiques et des communautés locales sont essentielles afin de réduire au minimum les conflits et d’optimiser les bénéfices (Wabnitz et al., 2003). De cette manière, ces zones peuvent alors être acceptées et avoir un succès à long terme (La Banque mondiale, 2006).

Dans cette optique, la dernière section de cet essai tentera de mettre en évidence le rôle que peut jouer plus spécifiquement l’industrie du tourisme en tant qu’incitatif majeur dans la mise en oeuvre de diverses stratégies de conservation.

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