B. ANALYSE DES ENTRETIENS
I. LE SEISME DU DIAGNOSTIC
1.5 La quête de la cause : création d’un modèle explicatif personnalisé
2.2.4 Les aides sociales
2.2.4.1 Des démarches complexes
Lorsque sont abordées les démarches sociales (qu’ils méconnaissent complètement la plupart du
temps), les parents dépeignent un système complexe, obscur, dont ils ne maîtrisent pas les tenants et
les aboutissants.
La constitutiondu dossier MDPH ou de la demande d’AEEH nécessitent pour être menées à bien d’être
accompagné, au moins la première fois, d’une assistante sociale ou d’un médecin généraliste
expérimentés.
E2 : « C’est l’assistante sociale du CAMSP qui m’a aidée à monter le premier dossier. Maintenant je l’ai
fait toute seule, parce qu’on connait la démarche hein ... »
Cependant, dans la majorité des cas, les parents sont complètement seuls pour effectuer ces
démarches. Il leur est donc indispensable de trouver du temps et de faire preuve de beaucoup de
persévérance pour comprendre les procédures et obtenir des réponses quant aux aides auxquelles ils
ont normalement droit.
E1 : « Personne n’était trop… De toute façon, personne n’avait trop su m’aider… Et donc, après, je me
suis déplacée, je suis allée à la MDPH. J’ai passé des coups de fil. J’ai tout fait par mes propres moyens
vraiment… »
E9 : « Oui, mon mari... En fait, c’était difficile avec les demandes, les demandes. Et comment dire, mon
mari les a … harcelés […] Tout le temps, tout le temps, tout le temps. »
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E12 : « Donc non, paperasse, il y a à faire. Et en plus, les dates pour l’AVS et les dates pour renouveler
l’AEEH sont les mêmes. Donc, c’est dur parce qu’en fait, ça vous fait deux dossiers à faire à chaque fois.
Et deux dossiers où vous avez à peu près les mêmes documents à… enfin, l’AVS, vous donnez pas les
justificatifs mais à chaque fois, il faut que je me note qu’à… Huit mois avant, vous devez faire le
renouvellement. »
La constitution du dossier MDPH est complexe en elle-même mais elle peut aussi être vécue
difficilement parce qu’elle rappelle le handicap qu’entraîne le trouble de leur enfant. Une des mamans
explique être angoissée et triste au remplissage de ce dossier administratif.
E4 : « C’était un peu insupportable quand on a entendu ça (baisse la voix). Parce que moi, à mon avis,
handicapé, c’est… Vraiment c’est… Les enfants vraiment handicapés, euh, malformation, tout ça… »
E7 : « Je trouve ça …. Pouhh… C’est l’horreur ! […] Et puis, il faut remettre la même chose à chaque fois.
Enfin oui ! Il est toujours autiste. Oui… A chaque fois, on se retape le truc comme ça… […] Moi, quand
on me dit : ‟ Il faut refaire le dossier MDPH ″je… je déprime deux semaines avant. »
Une fois le dossier constitué, l’obtention des aidesn’arrive également qu’au bout d’un long chemin
semé d’embûches.
Tout d’abord, les institutions sociales ne font pas toujours preuve de coopération ni de
professionnalisme (pertes de dossiers, communication réduite au strict minimum, structures
injoignables).
E3 : « … Y a plus d’assistante sociale… Vous trouvez des gens… croisés les bras. Ils vous disent : ″ Ouais,
ouais… Envoyez ça par courrier ″ […] Quand vous envoyez un dossier à la MDPH … on vous demande
des papiers … Tatatatata [tape sur la table], il faut me donner ça, il faut me donner ça, [tape] … Et
quinze jours après, vous recevez la même lettre d’une autre personne qui vous demande la même chose
[tape fort] ... Vous vous dites : ‟C’est des incapables ! ″ »
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E9 : « Une fois, il a fait trois recommandés. Ils disent : ″On n’a rien reçu″. Pourtant on avait le
recommandé. »
L’attente est souvent très longue avant d’obtenir une aide et les parents ont le sentiment que leurs
démarches n’aboutiront jamais, qu’elles resteront lettre morte.
E10 : « [Nom du médecin généraliste] elle a fait un courrier au plus haut de la MDPH. La pauvre, elle a
toujours pas reçu de réponse ! »
E3 : « Parce qu’on me dit... Bon, on me dit qu’on me rembourse les frais de mon enfant… Jusqu’à
maintenant, j’suis pas remboursé… »
2.2.4.2 La réalité des aides
Pour environ la moitié des parents, les aides de la MDPH sont insuffisantes : elles ne couvrent pas la
totalité des frais qu’ils engagent pour leurs enfants et ne prennent pas toujours en en compte toutes
les contraintes, telles que le transport. Ils rencontrent donc parfois des difficultés matérielles qui les
obligent à s’adapter - par exemple en transportant eux-mêmes leurs enfants - ce qui les contraint à
diminuer leurs heures de travail ou même à cesser leur emploi.
E6 : « J’ai demandé de l’aide euh… financière pour payer l’ergothérapeute, mais l’aide qui nous est
apportée ne couvre pas la totalité des frais d’ergothérapeute. » Et : « Non, il y a pas un service
d’ambulance qui viendra le chercher pour l’emmener… Et du coup… le 80 %, je l’ai justifié aussi en disant
que voilà ben, je l’emmène chez l’orthophoniste. »
Une des mamans explique la lourdeur de la charge administrative destinée à justifier, auprès de la
MDPH, les frais de soins avancés et ainsi se faire rembourser.
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ceci… C’est pas… C’est pas évident non plus. C’est très compliqué[…] parce qu’en plus, ça c’est tous
les ans. Tous les ans, on doit fournir toutes nos dépenses ; on doit justifier. »
Pour environ un quart des parents, cependant, la validation du dossier MDPH de leur enfant signifie
la reconnaissance des épreuves endurées, un soulagement d’avoir enfin été entendus.
E2 : « C’était un soulagement parce que, enfin ! on mettait des mots sur nos maux et enfin ! ça nous
ouvrait des portes. »
E7 : « Pour moi, c’était… C’était surtout la reconnaissance de tout ce que j’en avais… bavé, tout ce que
j’en avais payé. »
Quoi qu’il en soit, la MPDH (ainsi que l’ALD) permet d’obtenir une aide financière importante,
indispensable même.
E2 : « On a eu la carte de stationnement. On a eu la carte de priorité… C’est des petites choses, mais
euh…au jour d’aujourd’hui, c’est hyper important et… c’est indispensable. »
Dans le document
THESE SORBONNE UNIVERSITÉ
(Page 69-72)