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Agir sur l’accès au fi nancement

Dans le document Réfl exions (Page 31-34)

Expérimentations locales innovantes : apports et diffi cultés identifi és

OPÉRATEUR LOCALISATION PRÉSENTATION DU PROJET PACT ARIM DE L’AVEYRON

B. Agir sur l’accès au fi nancement

L’accession à la propriété pour les ménages très modestes se heurte notamment à des diffi cultés d’accès au fi nancement, en particulier aux prêts du secteur bancaire. Faiblesse et irrégularité des revenus, type de contrat de travail, âge… sont autant de critères qui contribuent à exclure de plus en plus de ménages du crédit. Ces diffi cultés freinent autant l’accession à la propriété que l’amélioration de l’habitat de proprié-taires occupants.

Face à ces constats , les opérateurs engagés dans le programme de la Fondation de France développent plusieurs types d’interventions : accompagnement sur le volet budgétaire et fi nancier, prêts solidaires, mécanismes de solvabilisation via l’accession progressive.

Quels enseignements tirer de ces expériences ? Quels sont leurs atouts et leurs inconvénients ? A quels obstacles persistants sont-elles confrontées ? Quel est leur potentiel de réplication ?

1. Les constats de départ

Les diffi cultés d’accès au crédit au logement pour les ménages très modestes trouvent leur origine dans deux facteurs principaux :

D’une part, dans un paysage institutionnel et fi nancier de plus en plus complexe, il est très diffi -cile pour l’ensemble des ménages, et a fortiori les ménages en diffi culté (sur le plan économique, social…), d’avoir connaissance et de s’approprier les différents dispositifs : prêts bancaires classi-ques, accession sociale… Les dispositifs proposés par l’Etat (maison à 100 000 €, maison à 15 € par jour…) créent ou confortent des aspirations sans qu’il soit réellement possible d’en voir les effets sur n

le terrain, du moins à court terme : à qui s’adres-ser pour en bénéfi cier ? Où ces logements sont-ils situés ? e tc. Dans la pratique, ces annonces renvoient à des dispositifs assez complexes (Pass-foncier …), qui nécessitent des partenariats locaux forts. Le prêt à taux zéro lui-même (différé d’amor-tissement, majoration éventuelle par une collec-tivité locale…) appelle une capacité à s’approprier ces outils qui conduit une partie des ménages très modestes à s’auto-exclure.

D’autre part, comme l’ont souligné Claude Taffi n et Bernard Vorms20, « ceux qui s’écartent du modèle majoritaire, parce qu’ils ne disposent pas de revenus stables ou parce que leur âge ou leur état de santé leur interdit de s’assurer » ne peuvent bénéfi cier du crédit au logement. Au nombre de ces obstacles, il faut citer la loi et la jurisprudence qui prévoient que l’établissement de crédit a manqué à son devoir de mise en garde s’il a consenti à un emprunteur un prêt disproportionné au regard de ses capacités de remboursement présentes et à venir. Ceci vient conforter la pratique des banques pour lesquelles le prêt au logement est un instrument de conquête et de fi délisation des clients ; elles concentrent leur attention sur la capacité de remboursement du client et les perspectives commerciales qu’il ouvre et accordent peu de poids à la valeur du bien fi nancé. De ce fait, les personnes qui ne peuvent faire la preuve de la régularité de leurs revenus ont le plus grand mal à obtenir un prêt.

Ceci a pour conséquence de contraindre très fortement les trajectoires résidentielles des ménages très modestes, et ce d’autant plus que l’offre locative sociale est insuffi sante et que le marché locatif privé est tendu. Dans le secteur locatif, ces ménages se heurtent aux mêmes types de refus de la part des bailleurs qui considèrent qu’ils n’offrent pas assez de garantie. Pour les ménages propriétaires occupants, cette exclusion bancaire peut avoir pour conséquence de ne pas leur permettre de fi nancer de nécessaires travaux d’accès au confort. Malgré l’existence de subventions pour l’amélioration de l’habitat, les plans de fi nancement achoppent sur cette part que les ménages ne peuvent fi nancer faute d’accès au crédit au logement. Pour parer au plus urgent, certains d’entre eux sont tentés par des prêts à la consommation, plus facilement accordés mais bien plus chers et n’ouvrant pas le droit à l’allocation logement. Ceci vient souvent aggraver des situations de surendettement.

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2. Trois axes d’intervention

• Accompagnement des ménages sur les aspects budgétaires et fi nanciers

Pour dépasser ces diffi cultés, le premier axe d’inter-vention qui émerge dans le cadre du programme expérimental de la Fondation de France concerne l’accompagnement des ménages sur les aspects budgétaires et fi nanciers liés à leur accession ou maintien dans la propriété. Il s’agit d’accompagner les ménages sur l’appropriation des dispositifs et des logiques bancaires, sur l’élaboration du plan de fi nancement… afi n de rendre leur projet suffi samment robuste et réaliste pour être entendu par les établisse-ments bancaires.

C’est par exemple ce que développe le Pact Arim de l’Aveyron. Le Pact Arim a régulièrement l’occasion d’accompagner des ménages, le plus souvent très modestes et aux modes de vie atypiques, dans un parcours d’accession. Chaque projet donne lieu à un montage spécifi que, avec un niveau satisfaisant de réussite, mais trop personnalisé pour avoir permis une capitalisation et une forme de « généralisation » à hauteur des volumes qui pourraient être nécessaires. A travers l’expérimentation de la Fondation de France, le Pact Arim travaille à sérier les diagnostics de situation et les méthodes utilisées « afi n de passer du bricolage occasionnel et militant à un artisanat plus profes-sionnel ». L’idée est de mettre en œuvre des méthodes simples dans le cadre du droit commun pour favoriser l’accession à la propriété de ménages modestes et très modestes. Il n’y a pas en Aveyron de réponse organisée à ce besoin : l’Adil donne des consultations à l’ensemble des accédants, une SA HLM se lance dans la location-accession… mais cela est manifestement insuffi sant pour accompagner les ménages en diffi culté. Cette expérimentation se situe dans un contexte rural, où malgré l’augmentation des prix, le marché immobilier offre encore des opportunités, sans toutefois que les ménages aient toujours conscience de l’importance des travaux à réaliser (en coût, en temps de travail…) ; d’où la nécessité de prévenir les accidents. Dans la mesure où le ménage a bien pesé son engagement sur un projet d’accession et à la condition que les bases et la nature de ce projet soient objectivées et raisonnables, le Pact Arim considère qu’il est possible de mener le projet sans assistance excessive et de permettre alors une réelle inclusion sociale. Le Pact Arim centre donc son effort sur les conditions de préparation de la décision

20. Claude Taffi n, Union sociale pour l’habitat et Bernard Vorms, ANIL, Elargir l’accès au crédit au logement des emprunteurs atypiques : le prêt sécurisé à l’accession à la propriété et le prêt hypothécaire cautionné, avril 2007

20. Claude Taffi n, Union sociale pour l’habitat et Bernard Vorms, ANIL, Elargir l’accès au crédit au logement des emprunteurs atypiques : le prêt sécurisé à l’accession à la propriété et le prêt hypothécaire cautionné, avril 2007

et du projet, et notamment sur les aspects budgétaires et fi nanciers. Les ménages conçoivent eux-mêmes leur projet et le Pact Arim a un rôle d’accompagnateur.

L’association Julienne Javel a, de son côté, fortement développé cette dimension d’intervention dans un partenariat avec l’association Finances et Pédagogie21 au travers d’un accompagnement collectif et de formation autour des fi nancements. Le projet de l’asso-ciation consiste à accompagner une dizaine de ménages en diffi cultés dans le Doubs (gens du voyage, habitat précaire, problèmes de santé) par une aide au montage technique et fi nancier de leur projet d’accession à la propriété ou d’autoréhabilitation. Il s’appuie sur la constitution de groupes de formation collective et d’un accompagnement individuel, notamment sur les questions budgétaires, d’énergie, du statut de proprié-taire… Ainsi, ont été mises en place des sessions de formation collectives avec Finances et Pédagogie sur la gestion du budget et l’accès à la propriété. Pour ce faire, les deux organismes ont développé plusieurs outils : des grilles des revenus prévisibles (RMI ou AAH), l’Allocation logement sur 20 ans, etc. Ces outils intègrent également les coûts annexes de l’accession que sont les dépenses de chauffage et de déplacement.

D’autres sessions de formation sont organisées avec le CAUE, (Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement) du département, sur les moyens de réduire les coûts énergétiques dans les logements.

Toutes ces actions mettent en avant la spécifi cité de l’accompagnement lié à un projet d’accession qui est de poser les questions à long terme : retraite, départ des enfants, etc. Les actions collectives se heurtent cependant à la dispersion géographique des familles et aux degrés d’avancement différents des projets de chacune d’elles.

Mais surtout, qu’il s’agisse de modalités d’accompa-gnement individuel ou collectif, les projets achoppent en partie sur les critères d’accès au crédit des établis-sements bancaires. L’accompagnement sur les aspects budgétaires et fi nanciers apparaît comme une condition nécessaire de la réussite des projets d’accession, mais non suffi sante. Il ne permet pas à lui seul de dépasser les constats de départ.

• Fonds de prêts solidaires

Face à cette diffi culté persistante, des opérateurs ont été amenés à créer des fonds de prêts solidaires pour permettre l’accès ou le maintien dans la propriété.

C’est le cas du projet développé par l’association Une

Famille un Toit 44 qui intervient sur un territoire rural, dans le secteur N ord-E st de la Loire- Atlantique.

L’association a fait le constat que pour des proprié-taires occupants très modestes, des opérations d’accès au confort étaient en échec du fait qu’il manquait une somme pour boucler le plan de fi nancement une fois les aides de droit commun mobilisées. Pour y faire face, l’association a mis en place un fonds de prêt solidaire.

Ce fonds a été négocié avec deux banques, d’abord la Caisse d’E pargne puis le Crédit A gricole (prêt consenti à l’association sur une ligne budgétaire spécifi que).

La Fondation Abbé Pierre est également contri-butrice. L’enveloppe ainsi mobilisée est aujourd’hui de 350 000 €. A charge ensuite à l’association de mettre ces fonds à la disposition des accédants sous forme de prêts solidaires.

Etant donné qu’il s’agit d’un prêt habitat, les ménages concernés deviennent éligibles à l’allocation logement.

Il est fondamental que le prêt produise une ouverture de droit. Dans ce cadre, la solvabilisation du ménage est assurée. Le paiement en tiers payant de l’allo-cation logement est inscrit dans le contrat de prêt.

Selon l’association, il n’y a alors pas plus de risque à prêter à un ménage très modeste.

Dans le dispositif actuel, les banquiers n’inter-viennent pas dans le traitement des dossiers. Ils sont simplement informés tous les ans de l’évolution du dispositif. C’est un comité d’engagement au sein de l’association qui prend la décision de prêt.

Si ce dispositif permet effectivement de répondre aux besoins de fi nancement des ménages et d’interpeller les milieux bancaires et institutionnels sur la faisa-bilité de telles opérations, la question demeure posée dans la période actuelle du rôle du prêteur secondaire qui porte effectivement le risque en lieu et place des autres partenaires. Dans la pratique, le banquier sous-traite ainsi le cœur de son métier qui est la confi ance.

Une Famille Un Toit 44 rappelle qu’il en est ainsi car on est bien sur un dispositif « en bout de course », parce que le prêt bancaire classique est refusé. L’association souhaite cependant amener les banques à partager le risque (par exemple, 50 % en prêt solidaire et 50 % en prêt classique). A terme, elle envisage également de pouvoir fonctionner selon les mêmes modalités que pour le microcrédit social : l’association serait positionnée sur l’ingénierie en amont ; elle est déten-trice des documents de la banque pour instruire.

21. Finance et P édagogie, association soutenue par le groupe Caisse d’Epargne, www.fi nances-pedagogie.com spécialisée dans la formation-accompagnement des bénéfi ciaires de microcrédit social.

21. Finance et P édagogie, association soutenue par le groupe Caisse d’Epargne, www.fi nances-pedagogie.com spécialisée dans la formation-accompagnement des bénéfi ciaires de microcrédit social.

Dans le document Réfl exions (Page 31-34)