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Toutefois, Kant n ’im aginait pas cette distinction pour toutes les oeuvres artistiques Seuls les livres en tant qu’incarnation du discours de son auteur pouvaient se prdvaloir de cette duality L es peintures, elles, par exem ple,

pouvaient etre m odifies ou denaturees sans que la personnalite de son createur soit m ise en cause.

771. Ka n t, « D e l ’ilte g itim ite d e la rep rod uction d es liv res », p rec., n o te 7 1 , p. 2 7 5 .

78 « Je crois etre fond6 a considerer une Edition non com m e le trafic que l'on ferait d'une marchandise en son propre nom , mais com m e une affaire g6ree au nom d'un autre, c'est-a-dire de l'auteur, et je pense pouvoir prouver aisem ent et clairem ent de cette maniere l'iltegitim ite de la contrefapon. M on argument est contenu dans un raisonnem ent qui prouve le droit de l'editeur, et que suit un second raisonnement des-tine a refuter la pretention du contrefacteur. » Id., p. 271.

a, sans doute malgre lui, ete amene a considerer F oeuvre comme la continuity de la personnalite de Fauteur79. Ainsi, a la note 13, il remarque que :

« Ce droit de Vauteur n'est done pas un droit sur une chose, c'est-a-dire sur Vexemplaire (le proprietaire p eu t done le bruler devant les yeux de Vauteur), mais un droit inherent a sa p roprepersonne, c'est-a-dire le droit d'empecher qu'un autre ne le fa sse parler au public sans son consentement, consentement qui ne peut pas meme etre presume, car il I'a deja accorde exclusivement a un autre ».

Cette interpretation, analogue a celle de la propriete ordinaire avec ses demembrements, en droit d ’auteur sera poursuivie en Allemagne des la fin du XVIIIeme siecle par Gierke80, Fichte81 et d ’autres philosophes. Fichte, par exemple, poursuivra cette reflexion en distinguant sans equivoque Foeuvre de son support82. La premiere est inherente a la personnalite de son auteur tandis que le second est le bien transferable. Hegel, quant a lui, evoquera Fempreinte personnelle que peut avoir Fauteur sur sa creation. L ’oeuvre est done perdue comme la manifestation de la volonte d ’un individu qui est liee a sa personnalite. Ses philosophes s ’accordent sur le role nodal de Fauteur dans la conception de ce systeme juridique. Lorsqu’une personne tente alors de reproduire une creation sans autorisation, elle ne viole pas un droit de propriete mais un droit de la personnalite. A ce titre, Alfred Berthauld fera cette desormais cyiebre remarque :

79 « La raison pour laquelle les oeuvres d'art peuvent etre reproduites et livrees au public par d'autres que leurs auteurs, tandis que les livres, qui ont dej& leurs Editeurs, ne peuvent etre contrefaits, e'est que les prem ieres sont des oeuvres (opera), tandis que les seconds sont d es actes (operae), et que celles-la sont des choses qui existent par elles- m em es, tandis que ceux-ci n'ont d'existence que dans une personne. C'est pourquoi les dem iers appartiennent exclu sive-m en t a la personne de l'auteur, et il a un droit inalienable (jus personalissim um ) de parler toujours lui- m em e par l'intermediaire de tout autre, c'est-a-dire que personne ne peut tenir le m em e discours au public autrement qu'en son nom (au nom de l'auteur) », Id., p. 280.

80 A ce sujet, P.-E. M oyse attribue a Gierke, a travers sa theorie nom m ee 1’ « Urheberpersdnlichkeitsrecht », la patem ite de la theorie personnaliste en droit d ’auteur. Pour plus de details sur cette theorie, voir : P.-E M o y s e , prec., note 13, p 58 et 59. T outefois, Troller n ’est pas d ’avis que Gierke est un pur adepte de cette theorie: voir Pierre

R e c h t , prec., note 55, p. 11. A lain Strow el ira plus loin, en estim ant que l ’extension de la sphere personnelle aux oeuvres « n ’est plus recevable aujourd’hui » et qu ’ainsi « ce qu ’il entend par droit de la personnalite ne correspond pas a la definition que l ’on confere aujourd’hui a cette notion », A . STROWEL, prec., note 16, p.99 et 100.

81 Fichte est le precurseur de cette analogie. Voir: J. Gottlieb Fi c h t e, « Preuve de l ’ilieg itim ite de la reproduction », dans I. Ka n t, Qu 'est c e qu ’un livre, prec., note 75, p. 139 et suiv.

82 Suhail Ha d d a d i n, E ssa i su r une th eo rie g en era te en d ro it d 'a u teu r, T hese de doctorat, Poitiers, Faculte de droit et des scien ces sociales, U niversite de Poitiers, 2 0 0 8 , p. 23.

« la contrefagon n ’est pas une atteinte aux biens des auteurs, a leur patrim oine ; elle

est une atteinte a leur personne, a leur liberte ; elle n ’est pas un vol. elle est une violence »83.

Mais comment les naturalistes ont-ils pu justifier une telle conception de la propriete litteraire et artistique ? II faut tout d ’abord comprendre que le contexte rend compte d ’un certain

affranchissement teleologique.

A

ce titre, Kant, comme bon nombre des philosophes de

1’

epoque,

cantonnera « la religion a la philosophie pratique tout en niant ses fondem ents dans la raison

pure »84. De plus, s ’emancipant de la genese ordinaire de la propriete, les defenseurs de la

theorie personnaliste accedent a une conception beaucoup plus large de la propriete. La libre propriete est reconnue dans toutes ses dimensions individuelles85. Ils estiment effectivement que cette demiere peut renfermer « un sens subjectif qui designe la maitrise de l’homme sur les choses et un sens objectif qui designe les choses appropriees »86. Debutant par la conception lockeenne selon laquelle I’homme est avant toute chose « proprietaire de sa propre personne »87, ils vont demontrer le dedoublement dont fait l’objet la propriete depuis son origine. En droit romain, la propriete a deux sens. Dans le premier, plus subjectif, elle designe le dominium c ’est- a-dire le rapport juridique que detient une personne sur une chose. Dans le second, plus objectif, elle designe le fait qu ’une chose appartienne en soi a une personne. Pour les catechumenes de cette theorie, la creation, puisqu’inherente a son auteur, se retrouve dans la deuxieme conception de la propriete. Elle est la continuity de sa personnalite. Ainsi, en 1879, Eugene Pouillet designera l’oeuvre comme une chose « qui est tellement personnelle q u ’elle forme comme une partie de son auteur »88. De cette affirmation nait un veritable plaidoyer en faveur de l ’originalite

Francisco Ve r g a r a, « U tilitarism e », franciscovergara.com , en ligne: < http://ww w.fi-anciscovergara.com /utilitarism e.pdf>. Pour Berthauld, le droit d ’auteur n ’entre ni tout a fait au sein des droits de la personnalite, ni dans celui des droits reels. II le ramene alors au sein des droits de nationality. En ce sens, il n ’apparaft pas com m e un pur adepte des preceptes de la theorie personnaliste.

84 L to n DE La n t s h e e r e, « L es caracteres d e la p h ilo s o p h ie m o d e m e » , ( 1 8 9 4 ) 2 0 R evue n eo -sco la stiq u e d e