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Afrique du Nord et Portugal : les nouvelles sources de l’immigration

À partir de 1954, les cadres de classement ne sont plus systématiquement les mêmes pour tous les départements. On ne retrouve ainsi pas de catégorie « Arménie » dans les départements savoyards ni dans l’Ain, pas de catégorie « Russie » dans les départements de l’Ain et de l’Ardèche et les Marocain-ne-s ne sont dénombrés que dans le département de la Loire. Il en va de même pour le recensement de 1962, où les Marocain-ne-s ne sont distingués que dans l’Ain et la Loire, les Tunisien-ne-s dans le Rhône, les Grec-que-s en Isère tandis que les Turc-que-s, dénombrés pour la première fois depuis 1866 n’apparaissent pas dans tous les départements.

Il est difficile de savoir si les choix de l’INSEE reflètent tout ou partie de la réalité. Il est tout à fait possible qu’en 1962 les Marocain-ne-s soient installés majoritairement dans la Loire et les Grec-que-s dans l’Isère mais comme ceux-ci sont noyés dans la catégorie « Autres nationalités » dans les autres départements, on ne peut guère émettre de jugement.

Il reste que les comparaisons pour appréhender le poids des différentes nationalités entre les années 1950 et 1970 sont impossibles pour la région Rhône-Alpes. Si les Italien-ne-s, les Espagnols, les Polonais-es ou les Suisses apparaissent bien dans chaque département entre 1946 et 1975, ce n’est pas le cas des Algérien-ne-s (qui ne sont dénombrés qu’à partir de 1954, en dépit d’ailleurs du fait qu’ils ne constituent pas réellement des étrangers en France) ni, on l’a vu des Marocain-ne-s ou des Tunisien-ne-s. Or, l’immigration en provenance d’Afrique du nord constitue sans conteste l’évolution majeure de la période des Trente Glorieuses, en Rhône-Alpes comme en France.

Graphique 8 : Les nationalités dans la région Rhône-Alpes (1946-1975)

0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 Italiens Espagnols Portugais Algériens Italiens 60885 84132 108296 107048 93795 Espagnols 19184 22859 39176 67172 56615 Portugais 964 1157 3135 23508 69505 Algériens 19580 58726 82244 128420 1946 1954 1962 1968 1975

Le nombre d’Italien-ne-s dans la région Rhône-Alpes, en constante progression entre 1946 et 1962, commence à baisser au début des années 1960. La 2e vague d’immigré-e-s espagnol-e-s, importante mais éphémère, ne débute quant à elle réellement que dans les années 1960. Italien-ne-s et Espagnol-e-s sont de fait rejoints peu à peu par les Portugais-es, qui arrivent en masse à partir des années 1960, et surtout des Algérien-ne-s, dont le nombre

progresse de façon continue dans la région. En 1975, on compte désormais plus d’Algérien-ne-s que d’Italien-d’Algérien-ne-s dans la région Rhône-Alpes, et plus de Portugais-es que d’Espagnol-e-s. Un bouleversement de l’identité des populations étrangères impressionnant par sa rapidité : en vingt ans, le nombre d’Algérien-ne-s dans la région a été multiplié par 6, et le nombre de Portugais-es par 60.

Parallèlement, l’immigration en provenance de Pologne, désormais communiste, se tarit à peu près complètement, ce qui se traduit par une chute vertigineuse du nombre de Polonais-es en France. Ceux-celles déjà installé-e-s mourant peu à peu ou se faisant naturaliser (cf. annexe 1, graphique XXIV).

L’immigration nord-africaine (Algérie, Tunisie, Maroc) devient prépondérante entre 1968 et 1975, passant de 28 à 39 % de la population étrangère de la région. Cette forte poussée s’est faite progressivement sur le territoire régional (cf. annexe 1, graphique XXV et tableau XII).

En 1968, la carte des nationalités dans la région est extrêmement diversifiée. Les Espagnol-e-s sont majoritaires dans l’Ain, l’Ardèche et la Drôme, les Algérien-ne-s dans la Loire et le Rhône, et la Savoie compte toujours 60 % d’Italien-ne-s. Les Portugais-es se retrouvent de manière à peu près égale dans tous les départements, ce qui n’est pas le cas des Marocain-ne-s (très présents dans l’Ain, l’Ardèche et la Loire) ou des Tunisien-ne-s (que l’on retrouve majoritairement dans le Rhône et l’Isère). Enfin, dans l’Ain, l’Isère, la Drôme et la Haute-Savoie, les Nord-Africains ne constituent que le 3e groupe présent dans le département, toujours devancés par les Italien-ne-s et les Espagnol-e-s.

Bien différente est la situation qui prévaut sept ans plus tard. En 1975, les Nord-Africains sont désormais majoritaires dans toute la région, à l’exception des départements savoyards (toujours caractérisés par une forte présence italienne) et représentent 49 % des étrangères et étrangers présents dans le Rhône et la Loire. Les Portugais-es constituent quant à eux la 2e nationalité présente dans l’Ain (23 % des étrangers) et le Rhône (15 % des étrangères et étrangers).

b) Algériennes et Algériens d’après les accords d’Évian

En 1962, l’indépendance de l’Algérie entraîne pour les Algérien-ne-s un changement de statut : ils et elles sont désormais étrangers sur le territoire français. Cependant, l’article 2 de l’ordonnance du 21 juillet 1962 prévoit que les personnes de statut civil de droit local originaires d’Algérie ainsi que leurs enfants peuvent, en France, se faire reconnaître la nationalité française selon les dispositions du titre VII du code de la nationalité78, lequel est relatif aux « effets sur la nationalité française des transferts de souveraineté relatifs à certains territoires ». Des milliers de demandes sont déposées entre 1963 et 1967. Leur étude (qui a été menée en prenant seulement les patronymes commençant par la lettre « B »)79 permet de mieux saisir les parcours de ces Algérien-ne-s . Les dossiers de demande de reconnaissance de la nationalité française, dont le nombre décroît durant ces quatre années, concernent pour 80 % d’entre eux des hommes (322 dossiers sur 388).

78 JO 22 juillet 1962, ordonnance n°68-825 du 21 juillet 1961 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n°62-421 du 13 avril 1962, p.7230.

79 Instrument de recherche : BEAUME Florence, L’immigration nord-africaine dans le Rhône (1950-1970), ADR, Lyon, 1997, 97 p. Une base de données a été constituée par Ludovic Gonty, en 1999, et son exploitation est due à Sandra Jahn.

Tableau 6 : les demandes de reconnaissance de la nationalité française année nombre de demandes recensées

1963 139 1964 79 1965 77 1966 66 1967 27 TOTAL 388

Mais la proportion de femmes augmente au fil des années : si elles ne représentent que 14% sur le total des demandes de naturalisations de 1963, elles passent à un peu plus de 27% des demandes de 1966 et à 29% en 1967. En ce qui concerne les femmes, il faut signaler que 21% d’entre elles demandent d’acquérir la nationalité française alors qu’elles sont seules (célibataires, divorcées, ou séparées de leurs conjoints). Ainsi, Fatma B. a été mariée en 1958 en Algérie où elle est née, elle y divorce avant de se rendre en France où elle loge chez sa sœur. Mère de 4 enfants de moins de 5 ans, elle entreprend alors des démarches afin d’obtenir une reconnaissance de nationalité française, alors que son ex-conjoint et l’un de ses enfants vivent encore en Algérie.

Toutefois, les demand-eur-euse-s “en couple” (marié-e-s, en concubinage, ou remarié-e-s) représentent la part la plus grande part de ces demandes, soit 60% des demandes. La majorité sont en France depuis de nombreuses années. Si 37% des étrangers entreprennent des démarches en vue de l’acquisition de la nationalité française rapidement après leur arrivée (immédiate ou dans les 4 ans), près des deux tiers des Algérien-ne-s la demandent plus de 5 ans après leur arrivée. On est donc loin du principe de la noria et de l’arrivée des familles ou de couples qui daterait des lois sur le rapprochement familial. C’est l’exemple de Djemma et Hamou B., mariés depuis 1951 en Algérie. Parents de douze enfants dont sept sont nés à Lyon, ils demandent tous deux une reconnaissance de nationalité française le 20 avril 1966 alors qu’ils sont en France depuis plus de 10 ans. Les couples mixtes constituent également une part importante des effectifs : le tiers des demandes pour les hommes, le dixième pour les femmes qui font la demande en leur nom.

Parmi les plus récemment arrivés se trouvent les Harkis, qui ont commencé par séjourner dans des camps de rapatriement militaire, ceux de Rivesaltes dans l’Aveyron et celui de Larzac dans les Pyrénées-Orientales ; ils représentent 11% de demandes de nationalité française, et parmi ces dossiers, on compte des femmes et des sœurs de Harkis. Ainsi, Achour B. est ouvrier manœuvre employé à la Compagnie lyonnaise de chimie lors de sa demande de naturalisation. Né en 1936 dans le département de Sétif en Algérie, il s’y marie en 1955 avant de devenir père d’un enfant. Engagé militaire volontaire pour deux ans à partir de 1957, il est blessé mais se réengage pour deux ans en 1960. Libéré en mai 1962, il obtient la médaille commémorative d’Algérie et la croix de la valeur militaire avec l’étoile de bronze. À partir de juin 1962, il est envoyé au camp de Larzac dans l’Aveyron, où il reste jusqu’au mois d’octobre de la même année. Il s’installe ensuite dans l’Eure avant de trouver l’emploi de manœuvre qu’il occupe à la compagnie lyonnaise de génie chimique à Villeurbanne au moment de sa demande de naturalisation.

Professionnellement, la majorité des demandeurs sont ouvriers, quelques uns sont employés, ou sans travail : parmi eux, des blessés, amputés. C’est le cas de Bekai B.

Originaire de Djebel-Hassaad, il est engagé comme Harki en 1955, à 18 ans. En 1961, il est grièvement blessé en sautant sur une mine et est amputé de la jambe gauche. Il est rapatrié en juillet 1962 sur cause sanitaire par la Croix Rouge, qui le place directement à l’hôpital Edouard Herriot, à Lyon. Deux ans plus tard, en 1964, il sollicite une déclaration de reconnaissance de la nationalité française au tribunal d’instance de Lyon 3. Sa notice individuelle ne laisse pas apparaître de trajectoire professionnelle. Il n’a toujours pas de travail, et aucune mention n’est faite d’une éventuelle pension militaire.

Néanmoins, la grande majorité des demandeurs sont des hommes actifs. 60% des personnes sans emploi au moment de leur demande sont en effet des femmes et sur les 39 femmes sans emploi lors de leurs demandes de nationalité, 30 étaient déjà mères.La majorité (51 %) des individus demandant leur naturalisation exercent la profession d’ouvrier-ère. Ces 51% sont composés aux deux tiers d’ouvrier-ère-s et d’un tiers d’ouvrier-ère-s qualifié-e-s. Cependant, en ce qui concerne les femmes salariées, elles sont plus nombreuses à être déclarées employées que les hommes, ce qui peut correspondre à des emplois de service aux personnes.

Le faible taux de demandeurs retraités (à peu près 1,5%) ou pensionnés (à peine 2,8%) montre que la majorité des demandeurs sont des individus jeunes. Cependant, certains ont longtemps travaillé en France et bénéficient de retraites. C’est le cas de Ben-Ahmed B. Ce dernier a vécu 39 ans en France avant demander sa reconnaissance de nationalité. Agé de 68 ans lors de sa demande, il a travaillé 33 ans en qualité de manutentionnaire au parc d’artillerie de Gerland et perçoit une retraite depuis 1956.

Une partie des demandeurs est à son compte, comme Mohand B. qui exploite un café restaurant, rue Longue, dans le premier arrondissement de Lyon. Agé de 45 ans, il est en France depuis 5 ans, alors que sa conjointe est restée en Algérie avec trois de leurs enfants. Il entreprend des démarches pour les aider à le rejoindre.

Peu de demandes d’accession à la nationalité française sont mises en attente ou refusées. Les services de renseignements généraux émettent des avis « réservés » ou « très réservés » dans à peine 5% des cas, qui sont soit d’immigration « trop récente » soit ayant eu affaire avec la justice. Divorcée, Fatma Zohra B., mère de 4 enfants, ne travaille pas encore et vit provisoirement chez sa sœur, à Vaulx-en-velin, lorsqu’elle demande la nationalité française, quelques semaines après son arrivée. Pour les renseignements généraux, « l’intéressée s’est fixée dans le Rhône depuis 52 jours, elle ne s’est pas fait remarquer défavorablement du point de vue conduite et moralité. Toutefois, en raison de sa récente immigration, aucune appréciation valable ne peut être donnée quant à son attitude à l’égard de la France ainsi que son comportement sur le plan politique », ce qui motive le refus de sa demande.

Rabah B., marié et père d’un enfant, vit en métropole depuis 20 ans . Malgré son logement fixe rue de Sully dans le 6e arrondissement de Lyon et en dépit de l’emploi d’ouvrier peintre qu’il occupe depuis quelques années à Oullins, l’avis laissé par le commissaire divisionnaire est « défavorable » : « Sa moralité est douteuse. Il a fait l’objet de plusieurs condamnations. 6 mois pour vols, escroqueries et falsification d’état civil ».

Il reste qu’une grande partie des Algérien-ne-s ne demande pas la reconnaissance de la nationalité française, même quand leur famille est installée en France. Les conséquences pour elles et eux seront plurielles. D’une part, la peur de l’expulsion, décrite par les témoignages de leurs enfants 80 : Fadela Amara le raconte, tout comme le confirment les enfants issus de l’immigration dans la troisième partie du documentaire de Yamina Benguigui, Mémoires d’immigrés, l’héritage maghrébin.

80 AMARA Fadela, Ni putes, ni soumises, Paris, La Découverte, 2003 ; BENGUIGUI Yamina, Mémoires d’immigrés, l’héritage maghrébin, 1997, MK2doc.

D’autre part, considéré-e-s comme non Français-e-s, les enfants n’ont pas droit aux bourses de l’État, quand les parents élèvent souvent des fratries importantes et que travaillent des pères aux maigres qualifications :

« Je me rappelle ma mère était allée voir l’assistante sociale des Mines c’est quand j’étais à la fac, mon frère faisait aussi ses études ce n’était pas facile et l’assistante sociale avait répondu « on vous donnera pas de bourse, on n’est pas là pour former des cadres pour l’Algérie. […] [Pour mes études supérieures] C’est mon père qui a tout payé. Je me rappelle tous les jours je lui demandais 100 Francs pour faire les allers-retours (entre Lyon et Saint-Étienne). Cela me coûtait beaucoup, on n’avait pas de fric on était neuf enfants, ma mère ne travaillait pas. Je me renseigne auprès des services sociaux et on me dit de voir avec mon gouvernent. Je me demande donc qui est mon gouvernement ! Je contacte le consulat algérien et ils me disent qu’il ne donne pas de bourse : « mais on donne seulement aux Algériens qui viennent étudier en France, il faut aller en Algérie, s’installer là bas et après on vous donne une bourse ». J’ai jamais eu de bourses, ceux qui se sont sacrifiés ce sont mes parents, ils n’ont pas acheté de maison, ne sont jamais partis en vacances. Tous mes frères et sœurs ont aussi fait des études et sans bourse »81.

Cette non appartenance empêche aussi les emplois dans la fonction publique, par exemple l’enseignement.

Enfin, ce statut d’étranger/ère dans un pays où l’on a été élevé-e et où l’on n’est, légalement, en rien étranger/ère peut motiver, à l’âge adulte, une demande de réintégration dans la nationalité française : « j’ai été réintégrée. Ce qui m’a motivée c’est le fait de pouvoir voyager tranquillement. Je me rappelle d’ailleurs d’un voyage aux Etats-Unis, sur tout le Boeing il n’y a que moi que l’on a longuement interrogée, on était même allé chercher un douanier qui parlait arabe mais bon je ne parle pas arabe et d’abord je ne suis pas Arabe ! C’est ça qui m’a décidée à réintégrer la nationalité française »82.

c) Familles et célibataires

Les hommes constituent sur toute la période plus ou moins 60 % des étrangères et étrangers présents dans la région Rhône-Alpes, un chiffre qui ne diffère guère de celui des années 1860-1914. Les femmes sont donc toujours fortement présentes, même si minoritaires. La principale variation de la période se produit entre 1954 et 1962, années entre lesquelles le nombre d’hommes parmi l’ensemble des étranger-ère-s passe de 57 % à 63 %. La vague d’immigration de la fin des années 1950 apparaît donc majoritairement masculine : les hommes représentent en effet 72 % des nouveaux étrangers dénombrés en 1962 (cf. annexe 1, graphiques XXVI et XXVII).

L’analyse sexuée des différentes nationalités révèle de profondes disparités. Les populations italienne, espagnole et polonaise sont caractérisées par un équilibre des sexes, où la part des hommes ne dépasse pas les 55 %. En revanche, les nouvelles immigrations – portugaise, nord-africaine surtout – apparaissent fortement masculines. On compte en effet 69 % d’Algériens et seulement 31 % d’Algériennes, et 75 % de Tunisiens pour 25 % de Tunisiennes. Ces chiffres s’expliquent en partie – mais en partie seulement – par le poids des mentalités :

81 Entretien avec R.C., décembre 2007.

« Vous ajoutez à cela le fait que mes parents sont arrivés… mon père est arrivé en 1948 et il était parmi les premiers immigrés algériens. Ma mère est arrivée, je crois qu’elles étaient 3 ou 4 sur le département de la Loire, elle est arrivée en 1951, il n’y avait pas de femmes immigrées. Et à l’époque, les femmes immigrées ne sortaient jamais, ça ne se faisait pas, la femme qui immigre c’était une trahison.

Ma mère était mariée, elle s’était mariée en petite Kabylie. Quand mon père est allé chercher ma mère, toute la famille avait dit non, personne ne voulait que ma mère immigre. Encore une fois, l’immigration c’était une affaire d’homme, une femme qui s’en va, elle déroge à la règle. »83

Si l’équilibre des sexes est établi pour les populations les plus jeunes comme pour les plus vieilles, les hommes sont largement sur-représentés parmi les 20-54 ans, tranche d’âge qui est celle des carrières professionnelles. On trouve donc beaucoup d’hommes jeunes en âge de travailler (70 % des étrangères et étrangers ayant entre 25 et 34 ans sont des hommes), peut-être célibataires, ce qui correspond en partie à la mémoire de cette vague d’immigration, où les hébergements pour célibataires, en foyers ou en garnis, tiennent une place importante.

Graphique 9 : Répartition par sexe des différentes classes d’âge des populations étrangères

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 0-14 ans 15-19 ans 20-24 ans 25-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans 65-74 ans 75 ans et plus Hommes Femmes

Il reste que la vague d’immigration des années 1954-1975 s’accompagne, pour les hommes comme pour les femmes, d’une croissance très importante des enfants et adolescent-e-s identifié-e-s comme étrangers dans les recensements. La part des étrangères et étrangers de moins de 15 ans passe ainsi de 18 % en 1954 à 27 % en 1968. En 1975, près d’un étranger sur trois à moins de 15 ans. Parallèlement, la part des plus âgés recule (cf. annexe 1, graphique XXIX).

Il est difficile de savoir ce qui se cache derrière ces chiffres. Enfant étranger ne signifient pas nécessairement enfant né à l’étranger ; les enfants nés sur le sol français de parents étrangers peuvent très bien être déclarés également comme étrangers. Il reste que la place des étrangers de moins de 15 ans dans le déroulement de la vague migratoire des années 1954-1975 en modifie l’interprétation.

Graphique 10 : La places des enfants parmi les étrangères et étrangers (1946-1975) 0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 0 à 14 ans 15 ans et plus 0 à 14 ans 15298 26009 45075 88712 120870 15 ans et plus 128558 123779 200967 237532 304815 1946 1954 1962 1968 1975

Entre 1946 et 1954, le nombre d’étrangères et étrangers de plus de 15 ans présents dans la région Rhône-Alpes est en diminution. C’est en fait l’essor du nombre d’enfants étrangers (de moins de 15 ans) qui assure la légère croissance du nombre d’étrangères et étrangers en Rhône-Alpes entre ces années-là. Si entre 1954 et 1962, enfants et adultes croissent de manière équivalente (respectivement 73 et 62 %), ce sont les enfants qui portent la croissance du nombre d’étrangers dans la région entre 1962 et 1968. Les étrangères et étrangers de moins de 15 ans constituent en effet plus de 50 % des nouveaux étrangers dénombrés en 1968 (43 637 individus de moins de 15 ans sur 80 202 étrangers en plus). Au sein des populations étrangères, les travailleurs célibataires coexiste donc les familles.

2 – Des manœuvres aux petits commerçants

Les caractéristiques socio-professionnelles révèlent toujours de profondes disparités entre les populations nationales et étrangères qui, si elles sont issues de pays différents, travaillent toujours majoritairement dans l’industrie et le bâtiment.

Les catégories BTP et Industrie concernent en 1968 à peine 40 % des rhône-alpins actifs mais plus de 80 % des étrangers qui travaillent. Les populations étrangères apparaissent largement sous-représentées dans les professions du secteur tertiaire et, ce qui n’est guère étonnant, dans les emplois du service public. À contrario, les étrangers, 9 % de la population de la région, ne représentent pas moins de 25 % des employés dans les Bâtiments

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