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IV- Le diagnostic des différentes affections de l’œil par échographie

3. Les affections des conjonctives et de la cornée

3.3. Les affections bactériennes

La kératoconjonctivite infectieuse est l’affection oculaire la plus répandue et peut toucher toutes les races.

La kératoconjonctivite infectieuse bovine aussi appelée « pinkeye » est une affection ubiquitaire avec un fort impact économique. Selon les études, l’incidence est augmentée pour

les races aux couleurs plus claires telles que la race Hereford en premier lieu puis les races Simmental et Charolaise. Cette pathologie est associée à une absence ou une diminution de pigmentation de la paupière. L’âge est aussi un facteur à prendre en compte : les bovins âgés de moins de deux ans ont le taux de morbidité le plus élevé et les signes cliniques les plus graves. L’agent étiologique est Moraxella bovis, bactérie gram négatif, transmise majoritairement par les mouches Musca autumnalis, Musca domestica et Stomoxys calcitrans), mais aussi par contact direct entre les animaux qui se souillent via les sécrétions oculaires et nasales des animaux malades. L’expression saisonnière de la maladie est fortement corrélée au cycle de vie de la mouche : après une hibernation, elle reprend son activité au printemps pour atteindre un pic durant l’été. Il a aussi été rapporté que les radiations solaires pouvaient prédisposer aux infections bactériennes par irritation de l’épithélium superficiel cornéen (Snowder et al., 2005). Néanmoins, d’autres pathogènes peuvent augmenter la sévérité de la kérato-conjonctivite infectieuse bovine, c’est le cas du virus de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) et de Mycoplasma sp (interaction synergique). La pathogénicité de Moraxella

bovis requiert l’expression d’un pili pour l’adhésion à la surface oculaire et une cytotoxine pour

endommager les cellules de l’épithélium cornéen. Selon la littérature (Rogers et al., 1987 ; Schnee et al., 2015), le pouvoir pathogène de Moraxella bovis dépend étroitement de son pouvoir hémolytique. Les signes cliniques évoluent selon plusieurs stades. Tout d’abord, malgré des lésions qui peuvent demeurer extrêmement petites, un épiphora, un blépharospasme, une photophobie et une congestion de la conjonctive bulbaire apparaissent. Au second stade, une chassie s’installe, la congestion devient plus marquée, et 48h après le début de l’affection, une atteinte de l’épithélium cornéen apparaît sous la forme d’une tâche blanchâtre de 3 mm de diamètre. Au stade suivant, la congestion conjonctivale s’accentue encore et un granulome cornéen peut apparaître. Le 4ème stade est caractérisé par une kératite abcédative : ces abcès apparaissent près du centre de la cornée et engendrent une surélévation opaque de la cornée. Le 5ème stade est caractérisé par la kératite ulcéreuse, forme la plus connue de la kératoconjonctivite infectieuse bovine. L’abcès formé précédemment a provoqué la nécrose du stroma cornéen et de l’épithélium antérieur. La profondeur et le diamètre de l’ulcère varient selon la prise en charge de l’animal, pouvant aller jusqu’à la perforation dans les cas les plus sévères ce qui laisse la place à des complications telles que l’hypopion, des synéchies, une iridocyclite et même une panophtalmie. La kératite évolue en une semaine de temps. Dans 75% des cas, l’atteinte est unilatérale. Si l’animal est soigné avant que les complications ne surviennent, l’épithélium cornéen se régénère en 2-3 semaines et la cicatrisation totale est

obtenue au bout d’un à 2 mois, laissant une opacité cicatricielle blanchâtre couramment appelée taie (Alexander, 2010 ; Angelos, 2015 ; Gelatt, 2008 ; Maggs et al., 2015).

Photo 14 (pathologie des ruminants ENVT) : Abcès cornéen marqué chez une vache croisée Blanc Bleu Belge de 11 ans accompagné d’un début de carcinome de la membrane nictitante

Photo 15 (pathologie des ruminants ENVT) : Kératoconjonctivite diffuse marquée chez une vache Prim’Holstein de 7 ans

Photo 16 (pathologie des ruminants ENVT) : Ulcère central accompagné d’un œdème cornéen et d’un hypopion chez une Jersiaise de 5 mois

Photo 17 (pathologie des ruminants ENVT) : Ulcère perforant accompagné d’uvéite sévère et d’hémorragie de la chambre antérieure chez une Blonde d’Aquitaine de 5 ans

Ensuite, il existe des kératoconjonctivites infectieuses dues à Mycoplasma sp : M.

mycoides var capri pour les caprins et M. conjunctivae var ovis pour les ovins. La présence de

ces bactéries peut rester asymptomatique chez les jeunes. Elles sont la première cause de maladie oculaire chez les ovins et les caprins, et on les retrouve partout dans le monde. La présence d’E. coli, Branhamella ovis et S. aureus aggrave la sévérité des signes cliniques qui sont presque identiques entre les deux espèces. Au début de l’infection, on retrouve une hyperhémie palpébrale et conjonctivale, un épiphora et un blépharospasme sans oublier une kératite. Au fil des jours, une chassie s’installe, quelques follicules conjonctivaux, une inflammation de l’iris avec un hypopion, et des ulcérations de la cornée surviennent chez les moutons alors que chez les caprins c’est seulement une opacité de la cornée avec une cécité. Ces symptômes plus fréquemment unilatéraux durent généralement entre 1 à 4 semaines. Par

opposition aux bovins, les ovins les plus âgés sont affectés plus sévèrement (Dun, 2009 ; Gelatt, 2008 ; Fernandez-Aguilar et al., 2017 ; Nicholas, 2002).

La deuxième kératoconjonctivite infectieuse rencontrée chez les ovins est Chlamydia

sp,. La pathogenèse est probablement multifactorielle, reposant sur le statut immunitaire de

l’animal et des affections secondaires. Elle se produit lorsque les animaux sont confinés pendant la période d’agnelage en présence d’animaux porteurs. Les symptômes apparaissent dans les 4 jours suivant l’infection incluant un épiphora, un chémosis et une hyperhémie conjonctivale. Après 11 jours, les sécrétions lacrymales deviennent purulentes et un blépharospasme apparaît et après 23 jours, des follicules lymphoïdes se développent. 10% des animaux touchés développent une kératite interstitielle une semaine après l’apparition des premiers signes cliniques, elle est accompagnée d’un œdème de la cornée. Cette chlamydiose ovine est aussi appelée syndrome conjonctivite/polyarthrite car parallèlement aux symptômes oculaires, des problèmes de boiterie et d’articulations enflées sont présents (Dun, 2009 ; Gelatt, 2008).

Bien que les affections bactériennes soient dominées par M. bovis, Mycoplasma sp et

Chlamydia sp, de 2 à 8% de ces affections sont dues à Listeria monocytogenes, bactérie gram

positif ubiquitaire. La contamination se fait par l’ingestion d’ensilage majoritairement pendant la saison hivernale en stabulation et concerne aussi bien les bovins que les ovins. L’animal peut aussi se contaminer lors d’irritation oculaire avec de la paille, de la sciure ou d’un corps étranger qui laisse ensuite place à l’infection bactérienne. Même si la septicémie, la méningoencéphalite et l’avortement sont les formes les plus fréquentes de listériose, des signes oculaires peuvent être présents. Au départ, l’animal présente une hyperhémie conjonctivale, un épiphora, un blépharospasme, voire un chémosis. Puis, les vaisseaux conjonctivaux migrent vers la cornée qui devient alors opaque et un œdème stromal débute. La membrane de Descemet peut être endommagée et sous la pression intraoculaire, elle peut rompre provoquant alors une perforation de la cornée et un ulcère cornéen. Les lésions sont souvent unilatérales mais peuvent être bilatérales. La paralysie du nerf trochléaire engendre un strabisme dorso-médial très évocateur de la listériose. Par ailleurs, la paralysie du nerf facial entraine une diminution du réflexe palpébral et de réponse à la menace ainsi qu’une kératite d’exposition accompagnée d’une diminution de la production lacrymale (kératite neuroparalytique). L’animal guérit en général après 1 semaine mais dans certains cas cela peut prendre jusqu’à 3 à 4 semaines. Dans

les cas sans complications, une pigmentation blanchâtre de la cornée demeure (Evans et al., 2004 ; Hof, 2017).

Photo 18 (pathologie des ruminants ENVT) : Kératite diffuse chez une brebis Lacaune de 5 ans atteinte de listériose

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