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3. PORTRAIT THÉMATIQUE DES RECHERCHES EN ALPHABÉTISATION AU CANADA

3.9.2 Les adultes en alphabétisation

Alors que les recherches portant sur les formatrices et les formateurs ont été publiées en 2000 et 2001, les recherches touchant les apprenantes et apprenants datent quasi-exclusivement des années 1997, 1998 et 1999. Ces travaux se différencient des données recueillies sur les adultes des thèmes 1 et 2 dans la mesure où ils s’attardent à des dimensions plus personnelles : leurs motivations, leurs perceptions, leurs récits de vie. Pour recueillir leurs données, onze des douze documents qui se retrouvent ici ont utilisé des entrevues semidirigées, individuelles ou en groupes de discussion.

Une recherche effectuée en 1999 (Veltri et Van Winckel, 1999), dans la région de Peel en Ontario, auprès de jeunes décrocheurs francophones relève, dans un premier temps, ce qui pousse les jeunes à délaisser l’école. Cette étude, qui s’appuie sur une recension des écrits, a mis en évidence que la présence d’un handicap ou d’une situation familiale difficile et la précarité sont les principaux risques de décrochage, ce que vient appuyer les rapports de recherche de Vadnais (1999) et de Guérard, Rathé Chartier, Leblanc, Ferland, Lalancette et Bournival (1999). Les quatre jeunes décrocheurs rencontrés lors de la tenue du groupe de discussion dans la région de Peel ont aussi fait mention de leur incompatibilité avec le milieu scolaire. Ils ont souligné par ailleurs qu’ils ressentaient un sentiment de dévalorisation personnelle.

Venant confirmer les résultats de la recherche de Veltri et de Van Winckel (1999), d’autres recherches insistent sur l’impact psychologique de l’analphabétisme sur l’estime de soi et la confiance en soi (Audet, 1997 ; Couture, 1997 ; Gauthier- Frohlick, 1997 ; Ariste-Sanou, 1998 ; Deniger et Roy 1998 ; Guérard et al., 1999 ; Vadnais, 1999). De Coster (2001) fait également référence à ces impacts psychologiques et précise qu’ils ont des répercussions importantes sur le cheminement des apprenantEs en augmentant leur degré de stress, en limitant leur stratégie d’apprentissage et en handicapant leur motivation.

Une recherche effectuée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise par Gauthier- Frohlick (1997) auprès de trente apprenantEs et de trente non-apprenantEs tend à démontrer un clivage du point de vue psychologique entre les deux groupes interviewés. La chercheure soutient que les analphabètes qui n’entreprennent pas de démarche de formation sont gênés, craignent le ridicule et se dévalorisent par rapport aux autres surtout vis-à-vis de ceux qui savent lire et écrire. Les personnes ayant entrepris une démarche d’alphabétisation démontrent plus de détermination et de confiance en soi. Ce sont d’ailleurs souvent parce qu’elles recherchent ces gains psychologiques que les personnes s’inscrivent à des activités de formation en alphabétisation. Certaines recherches avancent aussi que c’est pour pouvoir aider leurs enfants dans leur cheminement scolaire (surtout les femmes) que plusieurs apprenantes suivent une formation (Audet, 1997 ; Couture, 1997).

Dans son rapport de recherche, De Coster (2001) souligne le besoin des apprenantEs d’acquérir une plus grande autonomie et de briser leur isolement même

Douze ans de recherche en alphabétisation des adultes en français au Canada : 1994-2005 114/137 si la démarche d’apprentissage est un processus lent et difficile. L’auteure identifie, comme obstacle à l’apprentissage, le répertoire restreint des stratégies d’apprentissage : démarche instinctive, tâtonnements, comportements mécaniques et répétitifs, etc.

La quête d’une amélioration de leur situation socio-économique motive aussi bon nombre d’analphabètes (Guérard et al., 1999). Toutefois, plusieurs recherches viennent assombrir le tableau de la formation en alphabétisation en ne relevant que de très minimes gains économiques à la suite d’une formation (Audet, 1997 ; Ariste- Sanou, 1998 ; Deniger, Roy, 1998).

Bien que la recherche porte sur les femmes au Burkina-Faso, Ariste-Sanou (1998) montre bien l’importance d’avoir les outils pour exploiter les connaissances acquises lors des activités de formation en alphabétisation, sans quoi elles risquent de s’estomper avec le temps. Cette situation est d’autant plus importante que les personnes évoluent en milieu minoritaire, comme c’est le cas pour les francophones en Ontario (Veltri, Van Winckel, 1999).

Les adultes n’ayant pu se sortir de l’analphabétisme se renferment de plus en plus sur eux-mêmes et refusent de parler de leur réalité d’analphabète au fur et à mesure que les années s’accumulent (Vallières, 1998). Selon l’auteure du rapport de cette recherche participative, les aînéEs du troisième et du quatrième âges semblent souhaiter demeurer actifs intellectuellement et exercer leur mémoire. C’est du moins ce qui ressort des rencontres menées avec six aînées.

Malgré un succès socio-économique mitigé, la majorité des ex-apprenantEs apprécient la formation en alphabétisation qu’ils ont reçue, c’est ce que révèle une étude menée en 1994 : 84 % des personnes consultées considèrent comme « moyennement » à « très » utile la formation suivie (Girard, 1994). Deniger et Roy (1998) avancent, quant à eux, un taux de satisfaction de 80 %.

L’étude de Lefebvre (1996) traite de la perception de participantes et participants en alphabétisation en ce qui concerne leur participation et leur implication dans l’espace démocratique de leur groupe d’alphabétisation populaire membre du RGPAQ. La recherche révèle le profil des apprenantes et apprenants : la relation entre leur âge, leur implication et leur estime de soi, leurs conditions de vie — alors que la majorité est prestataire de la sécurité du revenu — et les compétences acquises à la suite de leur implication au sein du groupe (débrouillardise, sens de l’organisation, sens des responsabilités, esprit d’équipe, sentiment d’appartenance et développement de l’estime de soi). Les types et les lieux d’implication sont variés : si plusieurs s’impliquent dans l’organisme d’alphabétisation d’autres ont choisi de le faire dans des lieux où leur participation nécessite de nouveaux apprentissages.

Douze ans de recherche en alphabétisation des adultes en français au Canada : 1994-2005 115/137 Quelques pistes de recherche sont suggérées, notamment : quelle est l’incidence de l’absence du père sur la réussite scolaire des enfants ? (Audet, 1997) ou encore quel est l’impact des nouvelles technologies sur le vécu des personnes éprouvant des difficultés à lire et à écrire ?

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