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Adsorption d’espèces organiques chargées : phénates, tensio-actifs et

Chapitre 1 : Etude bibliographique

1.4 Propriétés d’adsorption des carbones activés en solution

1.4.4 Adsorption des micropolluants organiques, colorants, pesticides et dérivés…23

1.4.4.2 Adsorption d’espèces organiques chargées : phénates, tensio-actifs et

Pour les espèces organiques chargées, les mécanismes d’adsorption se compliquent nettement, avec la superposition des effets électrostatiques et non-électrostatiques évoqués précédemment. La valeur du pKa de l’adsorbat et le pH de la solution ont une incidence directe sur la spéciation et donc sur la charge de l’adsorbat. L’ensemble des travaux réalisés démontrent l’importance cruciale des propriétés chimiques des carbones activés dans les mécanismes d’adsorption. Un grand nombre d’entre eux concernent l’adsorption de phénol (et ses dérivés) qui sert alors de modèle en tant que petite molécule aromatique ionisable. Le phénol est une molécule qui fait partie de la structure d’un grand nombre de produits chimiques comme les pesticides, tensioactifs, colorants…Il est donc l’un des polluants le plus fréquemment détecté. Les travaux menés jusqu’alors soulignent la complexité de l’adsorption de phénols, avec en particulier l’existence dans l’isotherme de deux plateaux distincts (le second à plus forte concentration). De plus, toutes les études convergent pour démontrer que si on considère un carbone activé, l’incorporation de groupes de surface acides par oxydation a une conséquence négative importante sur les capacités d’adsorption de dérivés phénoliques.

Si ce carbone est traité thermiquement pour se débarrasser des groupes de surface introduits, il récupère alors sa capacité d’adsorption initiale, indépendamment du fait que sa surface spécifique a été réduite lors du traitement thermique [Radovic L. R., vol. 27, 2001]. Trois mécanismes sont très tôt décrits dans la littérature: les interactions dispersives de type π-π pour lesquelles le phénol s’adsorbe à plat, la formation de liaisons hydrogènes [Coughlin R., 1968] et la formation de complexes de transfert de charge [Mattson J.S., 1969]. Deux articles de synthèse par Moreno-Castilla C. et Dadrowski A. ont permis d’établir un bilan comparatif des nombreux travaux réalisés dans le domaine, tant du point de vue des mécanismes que du caractère (ir)réversible de l’adsorption des phénols [Moreno-Castilla C., 2004; Dadrowski A., 2005]. Quand la densité électronique des électrons π augmente (par fonctionalisation de l’adsorbat ou de l’adsorbant avec des groupes donneurs) les interactions dispersives sont renforcées. A l’inverse, les interactions dispersives peuvent être affaiblies par la présence de

groupes de surface attracteurs situés en bord de feuillet, mais également par des substituants sur le phénol [Streat M., 1995]. Par ailleurs, l’eau et l’adsorbat entrent en compétition pour donner des liaisons hydrogènes avec les groupes de surface. Les clusters d’eau formés peuvent masquer une partie de la surface active pour l’adsorption et bloquer l’accès à bon nombre de micropores. Ce phénomène disparaît lorsque l’adsorption est réalisée dans un solvant non polaire comme le cyclohexane.

L’existence de complexes donneur-accepteur, suppose des interactions entre les groupes carbonyles donneurs du carbone et les cycles aromatiques du phénol. Cette hypothèse ne trouve pas de preuve expérimentale mais justifie par ailleurs qu’une faible partie de l’adsorption du phénol soit plutôt « chimique », donc irréversible. Selon d’autres auteurs, la chimisorption du phénol est réalisée plutôt via une réaction d’estérification entre la fonction hydroxyle du phénol et les fonctions acide carboxylique présentes à la surface du carbone [Salame I.I., 2003].

L’adsorption comparative de phénol, d’aniline, de nitrobenzène et d’acide benzoïque réalisée dans l’eau et dans le cyclohexane, conforte la coexistence des deux premiers mécanismes décrits plus haut. Les interactions dispersives prédominent avec la contribution des liaisons hydrogènes au niveau des groupes carboxyliques [Franz M., 2000 ; Laszlo K., 2007 ; Ayranci E., 2006]. En conséquence, on mesure globalement que la quantité de nitrobenzène adsorbée est supérieure à celle de l’aniline, elle même supérieure à celle du phénol; la différence de solubilité étant la cause majeure. Cependant, la plus faible solubilité de l’aniline, comparativement à celle du phénol, ne conduit pas forcément à une quantité d’aniline adsorbée plus importante. En effet, la dissociation de ces espèces, dépendante du pH, modifie aussi leur solubilité. Pour l’aniline, à pH fortement acide, les répulsions électrostatiques sont alors très importantes, avec la présence en solution du cation anilinium (pKa = 4.63), et la surface de carbone alors chargée positivement [Villacenas F., 2006; Dunan O., 2005]. Quand pH>7, l’aniline est neutre et le groupe NH2 activant est donneur ce qui joue en faveur de l’adsorption. L’aniline présente une adsorption maximale à pH neutre et basique.

Le nitrobenzène, neutre dans toute la gamme de pH, ne montre pas de différences d’adsorption en fonction du pH. Le phénol présente une adsorption maximale sous sa forme non dissociée à pH neutre et acide [Podkoscielny P., 2008].

Quand la surface du carbone est chargée positivement (pH<pHZC), la présence d’une charge négative sur un adsorbat aromatique peut permettre de contribuer très favorablement au processus d’adsorption par le biais des attractions électrostatiques. Ainsi, l’adsorption comparative d’acide benzoïque, salicylique, nicotinique et para-aminobenzoique à différents

pH montre clairement la part des contributions électrostatiques en fonction de l’état de charge de l’adsorbat, dicté par les valeurs de pKa des différentes fonctions. Lorsque les attractions électrostatiques s’ajoutent aux interactions dispersives, la quantité adsorbée peut être augmentée d’un facteur deux [Ayranci E., 2006].

De la même manière, l’introduction progressive de groupes de surface par ozonation, et/ou l’ajout de charges supplémentaires sur l’adsorbat, permet de mettre en évidence la superposition des effets dispersifs et électrostatiques [Rivera-Utrilla J., 2002]. Ainsi, quand la quantité de groupes électroattracteurs sur le carbone ou sur la molécule en solution augmente, l’affinité pour l’adsorbant et les capacités d’adsorption diminuent. De manière générale, les cinétiques s’adsorption suivent des modèles du premier ordre [Dunan O., 2005].

Parmi les polluants organiques chargés, les tensioactifs font également l’objet de nombreux travaux. De part leur structure, ces molécules amphiphiles rendent compte du poids des deux contributions, hydrophobe et électrostatique, dans le mécanisme d’adsorption.

L’ensemble des résultats montre que l’adsorption est promue par les interactions dispersives, alors que les fonctions de surface sont à l’origine de répulsions électrostatiques avec les tensioactifs anioniques [Chen X., 2003; Valix M., 2004]. Pour illustrer ces résultats, citons le travail réalisé sur l’acide dodécanoïque, qui montre que les équilibres et cinétiques d’adsorption décroissent linéairement à mesure que le taux d’oxygène présent dans le carbone adsorbant augmente; ce qui suggère que la chimie de surface prédomine sur le volume poreux [Pendleton P., 2002; Pendleton P., 2003]. D’autres études confortent cette tendance en étudiant l’adsorption de surfactants non ioniques et anioniques sur un carbone oxydé sous air ou ozone et en montrant l’effet dramatique de l’oxydation sur l’adsorption [Chen X., 2003].

L’adsorption est nettement défavorisée à pH basique, où la dissociation de l’adsorbat et des groupes de surface donnent lieu à des répulsions électrostatiques [Wu S.H., 2001].

Pour les colorants, polluants des industries textiles, on aboutit à des résultats similaires à ceux obtenus pour les dérivés phénoliques. Les travaux menés par Dai M. et ses coll. ont apporté une grande contribution à la compréhension des mécanismes. Ainsi, en étudiant à la fois des colorants anioniques et cationiques, ils ont pu montrer que le pH a une conséquence sur la valeur du potentiel zéta du carbone et que trois cas de figure se présentent. Lorsque le potentiel zéta est nul, l’adsorption du colorant se fait majoritairement par des forces dispersives; lorsque celui est positif ou négatif on a alors soit des attractions ou des répulsions électrostatiques en fonction de la nature du colorant [Dai M., 1998]. Plus récemment, la modulation des groupes de surface acides, par oxydation puis réduction sous H2 entre 700 et 900°C, a permis de confirmer la superposition de deux mécanismes d’adsorption parallèles

qui impliquent des interactions soit électrostatiques soit dispersives. Ainsi, comme pour les surfactants anioniques, l’adsorption de colorants anioniques est directement liée au caractère basique du carbone et l’adsorption est défavorisée par une augmentation des groupes de surface acides. La présence de groupes carboxyliques est favorable à l’adsorption d’un colorant cationique mais les meilleures performances sont atteintes pour les carbones réduits sous H2 [Pereira M.F.R., 2003].

L’adsorption conjointe de colorants anioniques et cationiques semble être synergique, car l’adsorption d’une première espèce induit une charge à la surface du carbone et permet l’adsorption électrostatique de la seconde de charge opposée [Xiao J.X., 2005]. Toutefois, la taille des colorants (1.5 à 3 nm), légèrement supérieure à celle des phénols, ne leur permet pas toujours d’accéder aux micropores mais plutôt aux petits mésopores [Radovic L.R., 2000 ; Marsh H., 2006]. Ainsi, pour un tissu de carbone donné, présentant une distribution en taille de pores inférieure à 2 nm, l’adsorption de colorants acides (anioniques) de tailles différentes montre que les capacités et cinétiques d’adsorption sont d’autant plus élevées que le colorant est de petite taille [Hoda N., 2006]. Par ailleurs, si l’adsorption de colorants aromatiques sur la surface externe du CA s’avère très rapide (quelques heures), la diffusion intraparticulaire liée au diamètre des fibres et à leur nanotexture est très lente; l’équilibre n’est atteint qu’après plus de 72 heures [Donnaperna L., 2009]. Une étude très complète réalisée sur un grand nombre de colorants de structures différentes (anthraquinone, azoïque, triarylméthane, polymethine) et corrélant les données expérimentales avec des modèles QSPRs (Quantitative Structure Property Relationships) a permis de mieux comprendre le rôle des caractéristiques structurales dans le procédé d’adsorption. Il semble que si les cinétiques d’adsorption sont plutôt gouvernées par la taille des solutés, les capacités d’adsorption dépendent de leur structure chimique [Metivier-Pignon H., 2007].

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