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L’adolescence qui est un passage oblige n’était pas prise en considération dans la société algérienne et ce n’est que ces dernières décennies qu’elle a conquit la place qui lui était dévolue.

8-1 La prolongation de l’adolescence :

Dans le dialecte arabe, on remarque l’absence d’un terme véhiculant les spécificités de l’adolescence, la seule appellation est celle de « cheb », qui veut dire « jeune » et qui correspond à la puberté. Une puberté qui induit l’adolescent à un mariage précoce, de

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nouvelles taches de travails, de nouvelles responsabilités, le propulsant prématurément au statut d’adulte (Bensmail, 1994). Quoi qu’il en soit, la situation a changé, le phénomène de l’adolescence prend de plus en plus d’ampleur. Afin de comprendre ce bouleversement un détour par l’histoire est obligatoire:

L’Algérie au XIXème siècle est une société rurale dans laquelle le statut social des jeunes, en tant que période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, n’existait que pour une minorité de jeunes issues de grandes familles terriennes ou de la bourgeoisie citadine. Dans ces familles la transition entre l’enfance et l’âge adulte se caractérisait, uniquement pour les garçons, par la scolarisation dans les médersas voire même à l’université Zitouna de Tunis. Les jeunes pour poursuivre leurs études pouvaient être amenés à parcourir le pays ou à s’expatrier.

La majorité passe de l’enfance à l’âge adulte sans connaître l’âge de la jeunesse. Ils se marient souvent relativement jeunes, vers seize ou dix huit ans. Les garçons étaient contraints de travailler très tôt, entre dix et quinze ans, au moment où ils passent sous l’autorité du père ou du frère aîné.

Ces jeunes n’appartiennent pas à la jeunesse en tant que construction sociale mais sont en fait déjà des adultes. L’Algérie dans les années trente connut une véritable mutation culturelle et sociale de l’espace urbain. La scolarisation qui était encore peu développée, progressait. Entre 1921 et 1931, le nombre d’élèves scolarisés passa de quarante six milles à soixante neuf mille. Ils étaient encore une minorité au sein des jeunes musulmans. En 1939, cent quatorze mille enfants algériens étaient scolarisés dans les écoles primaires et maternelles. La scolarisation entraîna le recul de l’âge du mariage dans les milieux urbains.

Le passage par l’école leur permis d’avoir accès à la culture de l’imprimé. Ces jeunes développèrent leur culture politique par l’intermédiaire des journaux. Certains d’entre eux fondèrent même leur propre journal. Ces journaux spécifiquement algériens, même s’ils n’étaient pas nationalistes, eurent une importance particulière dans le développement du sentiment national parmi les plus jeunes. Par leurs préoccupations spécifiques, ils contribuèrent à la présentation et la représentation de leur communauté dans un territoire délimité, amorçant ainsi sa réappropriation.

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Le deuxième élément qui favorisa la constitution de la jeunesse fût la conscription qui fût imposée, non sans résistances aux algériens en 1911. Le service militaire obligeait les jeunes algériens à sortir de leurs milieux traditionnels. Ils se retrouvaient pendant trois ans avec des gens du même âge et ils partageaient ensemble une expérience commune. Là se développa une culture et un état d’esprit juvénile nouveau.

Ces changements sociaux étaient les éléments qui permirent l’apparition de la jeunesse en tant que catégorie sociale. Vers l’âge de treize ans, la majorité des jeunes scolarisés était exclue du système scolaire. Ils se retrouvaient sans travail. Ils n’étaient pas encore mariés.

C’est dans cette catégorie de la jeune population algérienne que naquit et se construisit durant l’entre deux guerres la "jeunesse". Cependant la période d’adolescence se prolonge d’avantage. Il n’est pas rare de voire de jeune gens de trente ans dépourvus d’immaturité et complètement dépendant de leurs parents. Cette prolongation de l’adolescence est, d’après Braconnier et Marcelli (1988), due à différentes raisons :

8-1-1 Des raisons physiologiques : la puberté apparaît de plus en plus tôt, ceci est dû

généralement à l’amélioration quantitative et qualitative de la nutrition.

8-1-2 Des raisons sociales : l’afflux des jeunes dans les lycées, les universités et la

prolongation des études en raison des exigences du marché du travail retardent l'entrée dans la vie active, donc les adolescents vivent de plus en plus longtemps aux dépends de leurs parents puisqu’ils sont dans l’impossibilité de subvenir à leurs propres besoins.

8-1-3 Des raisons commerciales : l’adolescent est devenu un important consommateur à

conquérir. Sur le marché, en retrouve de plus en plus de produits destinés spécialement aux adolescents (des gammes de vêtements, des produits pharmaceutiques, des jeux, etc.).

8-1-4 Des raisons technologiques : l’invention de nombreux gadgets pour les jeunes (les jeux

et consoles vidéo, les lecteurs CD ou MP3, MP4, etc.) et même le développement de certains moyens de communication comme les téléphones portables et l’Internet renforcent le besoin de distinction et d’autonomie chez l’adolescent.

8-1-5 Des raisons environnementales : le développement de l’urbanisation et l’existence de

zones urbaines où se retrouvent les bandes de jeunes (clubs sportifs, les salles de jeux, les maisons de jeunes, les cybercafés, etc.)

8-1-6 Des raisons phylogénétiques : la phylogenèse qui est l’étude de l’évolution des

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de nombreuses caractéristiques qui étaient celles de l’être humain au début de sa vie, c’est ce retardement qui serait à l’origine de la prolongation de l’adolescence. Ce n’est pas une connotation péjorative qui est visée par ce retardement, puisqu’il permet à l’individu de garder des qualités d’adaptation et de souplesse pendant longtemps.

En effet l’adolescence est loin d’être une sinécure. Alors que l’adolescent est en pleine mutation il doit aussi faire face à de multiples complications dont les causes sont exogènes, ceci est d’autant plus difficile quand c’est toute la société qui est impliquée.

8-2 Etre adolescent dans une société en crise :

L’adolescent algérien est dans une nouvelle aire qui le dépasse, une société qui fait figure d’oppresseur, où la marginalisation, l’échec scolaire et professionnel, la prostitution, la drogue, la violence font partie de son quotidien. Comment peut on expliquer la détresse morale à laquelle est confronté l’adolescent algérien ? La réponse à cette question nécessite une approche pluridisciplinaire :

8-2-1 L’histoire algérienne : un passé pesant

Nous avons appris à apprivoiser la violence et l’oppression et ceci suite au lourd passé auquel nous avons été sujets, les séquelles de la conquête des phéniciens, des romains, des arabes, des ottomans n’ont pas été des moindres, ni de la colonisation française. Après un bref repos et un semblant d’espoir et de paix, la vague de violence refait surface à travers les conflits politiques des années 1990, des milliers d’adolescents ont été témoins d’hommes politiques assassinés, de femmes et d’enfants égorgés, de bus piégés, etc. Ces images sanguinaires sont gravées a jamais dans leurs mémoires.

8-2-2 Modernisme et religion : un débat au cœur de la cité

L’islam qui signifie la soumission à la volonté divine est la principale religion pratiquée dans notre pays. L’islam est plus qu’une religion ou un mouvement politique, c’est un code moral, un mode de vie. Mahomet (QSSL) qui est l’envoyé de dieu et porteur du livre sacré est un exemple et un modèle d’identification pour Les jeunes.

Cependant, le niveau de la pratique religieuse -qui consiste en premier lieu en la prière- est relativement faible comparé à la floraison des mosquées qui a accompagné la vague islamiste. Pour coslin (2002) la raison de ce décalage est :

- plus les jeunes ont fait d’études, moins la croyance en dieu est solide - L’excès de foi se retrouve surtout dans les milieux populaires - L’influence des médias et l’envahissement par la culture occidentale.

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Ainsi l’adolescent se trouve dans une impasse, entre tradition et modernisme et n’a plus de repères. D’un coté une société en voie de modernisation envahie par les antennes satellites avec tout ce que celles-ci véhiculent comme idées libérales, et d’un autre coté, une religion et des traditions anachroniques qui font figure d’oppresseur.

8-2-3 Une défaillance dans le système économique:

Tous les mouvements politiques et les pouvoirs qui se succédèrent ont privilégié l’aspect économique au détriment de l’aspect humain et social. Le sujet algérien a été mis dans une équation politique, la première préoccupation des hommes politiques était le pétrole, le blé, le chômage…et non l’aspect social. Même les parents sont en cause, attirés par le mode de vie des occidentaux, et afin de satisfaire les besoins croissants de leurs progénitures, ils se livrent de plus en plus à des activités commerciales en dehors de leurs heures de travail laissant pour compte l’éducation de leurs enfants.

Un autre aspect du volet économique est également à prendre en compte. En raison de la durée des études un grand nombre d’adolescents se voient entrer dans la vie active plus tardivement et ce malgré la création d’emplois de jeunes. Il faut également noter que les postes vacants sont limités et que ce n’est pas la méritocratie qui motive les responsables des bureaux de recrutement mais les ‘’relations’’.

Ainsi l’adolescent algérien est laissé pour compte. Souvent négligé par ses parents et ignoré par les dirigeants du pays, il se voit imposer une tache majeure qui est celle de trouver sa voie par ses propres moyens. Cette nouvelle mission est loin d’être évidente, elle peut être accomplie avec succès comme elle peut être perturbée par diverses complications notamment par la confrontation à des événements frustrants parfois même marquants comme le décès d’un proche.

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