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Si la prévention est essentielle, l’enjeu est également de mieux prendre en charge les conduites addic-tives, réduire les risques liés aux consommations et prévenir les dommages associés. En particulier, il convient d’améliorer le repérage précoce des personnes ayant une conduite addictive (cf. Objectif 3.3 : Savoir réagir dès les premiers usages problématiques de produits ou d’écrans/jeux) ainsi que leur accompagnement tout au long du parcours de soin et de vie.

Cette exigence implique que non seulement le secteur sanitaire et médico-social spécialisé en addic-tologie, mais aussi tous les professionnels amenés à accueillir et à prendre en charge des personnes présentant une conduite addictive, interviennent au bon moment et puissent communiquer, dans le cadre d’une organisation repensée en logique de « parcours », afin que chacun puisse contribuer de façon efficace et cohérente à l’accompagnement des personnes50.

Le secteur spécialisé en addictologie est rarement le premier point de contact avec le système de santé pour une personne ayant une conduite addictive ; en outre, au regard du niveau de prévalence des conduites addictives et de l’impact de celles-ci sur l’état de santé général, il ne serait pas perti-nent de restreindre au seul secteur spécialisé la prise en compte de cette problématique. Dès lors, la priorité au cours des prochaines années sera de faire des professionnels de premier recours – en premier lieu, les médecins généralistes - les acteurs pivot du repérage et la porte d’entrée des parcours de santé. La mise à disposition de ressources et référentiels doit également leur permettre de prendre en charge et accompagner directement davantage de patients (hors situations complexes) sans référer au secteur spécialisé.

Quant au secteur sanitaire et médico-social spécialisé en addictologie, il a connu de fortes mutations au cours des dernières décennies, notamment sous l’impulsion de plans ministériels successifs.

Il reste toutefois confronté à une série de défis :

• une faible visibilité de l’offre existante pour le grand public et pour les professionnels non spécialisés ;

• la variabilité des pratiques professionnelles, liée en partie aux qualifications diverses des personnels, mise en évidence dans les synthèses des rapports d’activité établies périodiquement par l’OFDT ainsi que dans des rapports successifs de l’IGAS51 ;

• la nécessité de diversifier les modalités d’intervention pour être en capacité de s’adapter à la multi-plicité des produits et des modes de consommation et de se projeter « hors les murs », directement auprès des personnes nécessitant un accompagnement ;

• un maillage territorial davantage fruit des implantations historiques que d’une adéquation actualisée aux besoins des territoires ;

• la prise de conscience de la pertinence d’une meilleure association ou prise en compte des usagers eux-mêmes ainsi que de l’entourage, en particulier des parents des jeunes patients.

Se pose donc la question de la capacité du secteur, tel qu’il est structuré aujourd’hui, à relever ces défis, alors que les orientations prises dans les nouveaux projets régionaux de santé sont appelés à impulser des recompositions de l’offre, tant dans ce domaine que dans des secteurs connexes.

En parallèle, se développent des modalités de prise en charge, telles que des formes d’accompagnement spécialisé sur la consommation de certains produits, ainsi que de nouvelles pratiques de réduction des risques. La loi de modernisation de notre système de santé a précisé, dans son article 41, le concept de

50 Les Addictions, Conseil économique, social et environnemental CESE, Juin 2015.

51 IGAS, « Evaluation du dispositif médico-social de prise en charge des conduites addictives », février 2014 et IGAS, « L’accès aux outils de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues », décembre 2017.

réduction des risques et prévu, à l’article 43, l’expérimentation sur six ans de salles dites de consom-mation à moindre risque (SCMR). Plusieurs villes se sont portées volontaires pour expérimenter ces SCMR. Deux d’entre elles, l’une à Paris et l’autre à Strasbourg, ont ouvert à l’automne 2016. S’il est trop tôt pour établir un bilan précis de cette expérimentation, on observe que ces salles ont trouvé leur public.

Les recommandations sur la prise en charge des personnes infectées par les virus des hépatites (VHB et VHC), ainsi que sur la place des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) du VHC, publiées début 2014, incitent à poursuivre et renforcer les actions et expérimentations entreprises dans ce sens. Il s’agit notamment du dépistage combiné VIH-VHB-VHC par TROD et de recherches portant sur d’autres modalités de dépistage, en particulier par auto-prélèvement sur buvard avec analyse à distance. Les recommandations de prise en charge de l’hépatite C de 2016 préconisent en outre de renouveler le dépistage de l’hépatite C, notamment en médecine générale, tous les ans chez les usagers de drogue et tous les six mois chez les injecteurs actifs, afin de proposer un traitement aux personnes infectées, de réduire les risques de circulation du virus et de renforcer les approches individualisées de RDRD pour éviter les recontaminations. Depuis juin 2016, le traitement de l’hépatite C par les antiviraux d’action directe est pris en charge par l’assurance maladie à 100 % pour les usagers de drogues sans critère de restriction comportementale et quel que soit leur stade de fibrose. Depuis août 2016, les CAARUD et les CSAPA peuvent réaliser des TROD du VHC et du VIH. Un rattrapage vaccinal contre l’hépatite B est également recommandé pour les usagers de drogue.

Les besoins de recherche dans les champs des soins et de la réduction des risques sont traités dans l’axe 4 (cf. Objectif 16.3 : Elargir les connaissances pour mieux réduire les risques et soigner).

La réduction des risques et la prévention des dommages ne revêtent pas uniquement un carac-tère sanitaire. Ce sont aussi les conséquences sociales sur l’individu qui doivent être prises en compte, afin d’éviter la mise en place d’une spirale d’exclusion – la consommation de produits rendant la participation à la vie sociale difficile (en particulier, trouver et conserver un emploi ou un logement) et la situation d’exclusion rendant la personne plus vulnérable à des addictions.

Les conduites addictives sont également fréquemment présentes dans des actes de délinquance, alimentant là encore une spirale difficile à briser, compte tenu de la forte prévalence des addictions en milieu carcéral. Or, la réponse est aujourd’hui insuffisamment adaptée aux besoins d’accompagnement et/ou de soins pour les usagers de substances psychoactives dont le parcours de vie croise le système judiciaire. Cela résulte en partie d’une méconnaissance par la justice de ce qui peut être utilement attendu des services de santé et à la complexité de certaines situations individuelles nécessitant des approches transdisciplinaires. Dans ce domaine également la recherche, l’innovation et l’évaluation doivent être mobilisées (cf. Objectif 16.4 : Elargir les connaissances dans le champ de la réponse pénale).

Au-delà du parcours de soins, c’est ainsi la consolidation de parcours de vie, par la mobilisation de partenaires extérieurs au secteur spécialisé en addictologie, qui est en jeu.

Enfin, l’intervention de la puissance publique vise à mieux prévenir les conséquences des addic-tions sur la société, dans la mesure où les conduites addictives sont susceptibles de provoquer des troubles à l’ordre public ou d’entraîner des dommages corporels pour des tiers, en particulier en matière de sécurité routière et de délinquance.

PRIORITÉ 6

Construire des parcours

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