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Adaptation des pratiques au Québec

5. TRANSFÉRABILITÉ DES MODÈLES AU CONTEXTE QUÉBÉCOIS

5.2 Adaptation des pratiques au Québec

Quelles sont les conditions à réunir pour adapter les pratiques jugées non directement transférables au Québec, ou pour modifier les mesures jugées transférables à la condition d’y apporter des changements mineurs? C’est la question à laquelle cette section vise à fournir des réponses concrètes.

Tel que mentionné dans le sous-chapitre précédent, la collecte et le compostage (ou la biométhanisation) de la matière organique putrescible sont encore marginaux au Québec. Or, il faudra très bientôt générer ces pratiques si le Québec veut atteindre l'objectif de bannissement de ce type de matière de l'enfouissement d'ici 2020, prévu par la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles. Le fait d'intégrer systématiquement ces pratiques aux écoquartiers québécois existants ou en devenir ne sera pas suffisant pour atteindre cet objectif, mais cela constituera néanmoins un signal positif pour que d'autres quartiers et villes du Québec emboîtent le pas. D'autres actions concrètes doivent être entreprises par le gouvernement du Québec pour stimuler ces pratiques, notamment la mise en place d'incitatifs financiers et de programmes de financement, ainsi que la création d'outils d'aide à la décision pour les décideurs locaux et régionaux (Robichaud, 2014). Il est également souhaitable d'informer davantage les municipalités, ainsi que les ICI se trouvant sur leur territoire, sur les programmes de soutien existants, dont le Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage (PTMOBC); ce dernier est financé par le Fonds vert, par le biais des redevances pour l’élimination de matières résiduelles et du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux Changements climatiques [MDDELCC], 2015). Le gouvernement provincial doit également exercer davantage de pression sur les MRC et les municipalités, afin qu'elles incluent des mesures concrètes pour la récupération et la mise en valeur de la matière organique putrescible dans les PGMR de deuxième génération. D'ailleurs, les Lignes directrices pour la planification régionale de la gestion des matières résiduelles (LDPRGMR), mises en place par le MDDELCC, prescrivent l'inclusion dans les nouveaux PGMR de mesures visant à contribuer à l'augmentation des quantités de matières récupérées, y compris pour les matières organiques putrescibles (Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs [MDDEFP], 2013).

Certaines actions doivent être posées pour que l’instauration d’un système de tri à la source des matériaux de CRD analogue à celui de Kronsberg devienne une réalité dans les projets d’écoquartiers au Québec. Certes, la province ne part pas de zéro en ce qui concerne le tri des matériaux de CRD. En effet, il existe divers types d’infrastructures qui permettent la gestion de ces matières au Québec, dont la

répartition et la capacité de traitement diffèrent sensiblement d’une région administrative à l’autre (Millette, 2010). Par exemple, le Québec compte une trentaine de centres de tri de matériaux CRD; le tri des matières à l’intérieur de ces installations est manuel, mécanisé ou effectué à l’aide de technologies de pointe, telles que les lecteurs optiques (RECYC-QUÉBEC, 2009). Cependant, la construction de ces installations (surtout celles de troisième génération, utilisant des technologies de pointe) requiert des investissements importants, ce qui peut faire augmenter, au moins à court terme, les coûts de recyclage des matériaux CRD dans les quartiers qui en sont dépourvus, tels que les nouveaux projets d’écoquartiers. Le tri des matériaux de CRD directement sur les chantiers de construction ou de démolition devient alors une alternative intéressante. Pour que cette pratique se concrétise, il faut toutefois que les entrepreneurs investissent dans des programmes de formation pour leurs employés et augmentent la supervision sur les chantiers (Millette, 2010). Cela représente des coûts additionnels qui, inévitablement, diminuent l’attrait de la pratique auprès des entrepreneurs. Le gouvernement provincial et les municipalités concernées devraient donc mettre en place des incitatifs financiers (subventions, remises de taxes ou autres) pour encourager cette pratique.

Par ailleurs, la tenue systématique de réunions citoyennes de planification environnementale dans les écoquartiers québécois, à l'instar de celles qui ont contribué à la création du quartier EVA-Lanxmeer, exigerait à la fois un changement de mentalité et une modification des structures de gouvernance québécoise. À l'heure actuelle, le développement urbain au Québec est principalement l'apanage des élus municipaux et des promoteurs privés; pour que les citoyens soient davantage impliqués dans les décisions d'aménagement, il faudrait non seulement qu'ils participent davantage à la vie publique de leur ville ou de leur quartier, mais aussi qu'ils disposent du temps et des tribunes nécessaires pour s'exprimer. Des modifications pourraient être apportées à la LAU, afin d'inclure une période minimale de consultation citoyenne pour chaque projet majeur d'aménagement, comme dans la Loi sur la Planification en vigueur au Danemark. La création de nouveaux écoquartiers pourrait également inclure systématiquement la constitution de forums citoyens, qui constituent des tribunes privilégiées pour les résidents de plusieurs écoquartiers européens.

L'analyse de transférabilité effectuée dans ce chapitre a permis de déterminer que la plupart des pratiques notables de gestion des matières résiduelles mises en oeuvre dans les écoquartiers modèles retenus sont transférables au Québec, sans qu'elles soient modifiées de façon substantielle. Toutefois, il reste à déterminer comment prioriser ces actions et de quelle façon les opérationnaliser sur le territoire

québécois. Il s'agit là de l'objet essentiel du chapitre suivant, qui comporte d'autres recommandations s'inscrivant dans les mêmes axes d'intervention.

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