• Aucun résultat trouvé

Adaptation du modèle d’hydratation à l’effet retard induit par le superplastifiant

Chapitre II. Modélisation du comportement du béton armé au jeune âge

3. Caractérisation expérimentale et équations constitutives

3.1. Caractérisation chimique du béton C50/60 du projet CEOS

3.1.2. Adaptation du modèle d’hydratation à l’effet retard induit par le superplastifiant

Pour étudier le comportement thermique du béton CEOS.FR, des relevés de température ont été effectués au cœur de plusieurs éprouvettes de béton ayant des températures initiales différentes. Les éprouvettes utilisées sont de forme cylindrique, de 12 cm de diamètre et 24 cm de hauteur. Un thermocouple a été placé au cœur de chaque éprouvette ainsi que dans le milieu ambiant afin de suivre la température de la salle de conservation des éprouvettes. Les relevés de températures correspondants à deux gâchées de béton dont les températures initiales sont 20.6°C et 38.2°C, sont présentés respectivement sur la Figure II-5 et la Figure II-6. Les résultats obtenus montrent un effet retard de démarrage des réactions d’hydratation en fonction de la température du béton frais.

Ainsi, à une échéance donnée, deux éprouvettes de béton issues de deux gâchées dont les températures de béton frais sont différentes, n’auront pas la même maturité et par conséquent les données de caractérisations expérimentales provenant de ces deux éprouvettes ne seront pas comparables. L’utilisation de l’âge de l’éprouvette (le temps) comme paramètre de suivi de l’évolution des propriétés mesurées n’est donc pas approprié. Or, il est probable que les différentes gâchées qui serviront à la fabrication des éprouvettes de caractérisation expérimentales n’auront pas exactement la même température initiale. On propose donc d’utiliser le degré d’hydratation comme paramètre de suivi de l’évolution des propriétés mesurées car il s’agit d’un paramètre intrinsèque du béton qui peut intégrer l’effet retard du superplastifiant sur les réactions d’hydratation.

Pour ce faire, l’hydratation des éprouvettes de béton issues de chaque gâchée doit être simulée pour déterminer le degré d’hydratation correspondant à chaque échéance de mesure expérimentale. Nous adaptons la loi de cinétique d’hydratation proposée par [BUFFO- LACARRIERE, 2007] en intégrant un nouveau terme (ï¹ôí) pour prendre en compte l’effet retard des superplastifiants (voir équation II-1).

92 Où :

- est un paramètre de calage,

- g traduit l’activation chimique des réactions d’hydratation - π représente l’accessibilité de l’eau aux anhydres

- h prend en compte la thermo-activation des réactions d’hydratation - S modélise les interactions clinker et additions pouzzolaniques

Les détails des termes A, g, π, h et S ainsi que les considérations physiques prises en compte sont présentés dans le Chapitre I et sont également disponibles dans [BUFFO- LACARRIERE, 2007 ; BUFFO-LACARRIERE et al, 2007].

Pour faciliter le calage de cette loi de cinétique, le terme d’accessibilité de l’eau aux anhydre a été modifié comme suit :

ùw= :; û−1  < ̅ ç üA  ý II-2 Avec ̅ç= íñþç í∙ ∅í∙ í>ñç II-3 Où :

-  est un paramètre de calage qui contrôle la forme de la loi de cinétique de réaction

- ü est un paramètre de calage qui caractérise l’épaisseur de la couche d’hydrate au-delà de laquelle la vitesse d’hydratation commence à baisser

- ̅ç caractérise la distance moyenne qui sépare l’eau du grain anhydre “i”. - íñþç est la concentration volumique des hydrates formés par l’anhydre “i” - í>ñç est la concentration volumique des anhydres de la phase “i”

- ∅í est la porosité de la pâte - í est la teneur en eau du béton

93

La définition du nouveau terme (ï¹ôí) doit prendre en compte le fait que la présence du superplastifiant retarde les réactions d’hydratation durant les premières heures de la mise en œuvre du béton [MORIN et al, 2001]. On propose de décomposer l’effet retard des superplastifants en trois phases de cinétique. Le premier phénomène pris en compte dans cette modélisation est la phase d'hydrolyse qui correspond au premier contact entre l'eau et des grains de ciment Portland lors du mélange de béton. Ce contact entraîne un dégagement de chaleur rapide mais limité. Ensuite, démarre une période de latence durant laquelle « l’agent » retardateur du superplastifiant est adsorbé à la surface des particules de ciment et agit comme une barrière de diffusion, rendant l’accès des molécules d’eau vers les particules anhydres du ciment difficile et, par conséquent, arrêtant l’hydratation. La dernière phase correspond à la fin de l'effet d’inhibition du superplastifiant par dégradation de la barrière de diffusion et au redémarrage des réactions d'hydratation. Les trois phases décrites précédemment sont prises en compte dans la cinétique des réactions à travers la fonction ï¹ôí comme suit :

ï¹ôí =  1 ,&  < @ V 0 ,& @ V <  < @@ 1 ,&  > @@ R II-4 Où : -  est le temps

- @ V est la durée de la phase d’hydrolyse - @@ est la durée de la période de latence

94

Notons que dans le terme proposé dans l’équation II-4, la durée de la période de latence dépend du type de superplastifiant utilisé, du dosage pratiqué dans la formule du béton et de la température du béton frais.

Dans ce travail on se consacre uniquement à l’étude de l’effet de la température initiale du béton sur le démarrage des réactions d’hydratation. Le superplastifiant « Cimfluid Adagio 4019 » est réputé pour retarder la prise lorsqu’il est utilisé en grande quantité, ce qui est le cas pour la composition du béton étudié, où il représente 1.35% en masse du ciment. Avec la loi de cinétique d’hydratation modifiée (équation II-1) nous simulons l’hydratation des différentes éprouvettes sur lesquelles nous avions précédemment relevé les évolutions de température. Dans cette modélisation, la durée de la phase d’hydrolyse est prise égale à 30 minutes pour toutes les éprouvettes étudiées. Les résultats obtenus par modélisation de deux gâchées ayant pour température du béton frais 20.6°C et 38.2°C sont montrés respectivement sur la Figure II-5 et la Figure II-6. On voit clairement que le modèle proposé intègre de manière satisfaisante la prise en compte de l’effet retard des superplastifiants.

Figure II-5 : Evolution de la température au cœur d’une éprouvette dont la température initiale du béton est de 20.6°C

10 15 20 25 30 35 40 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 T em p er a tu re ( °C ) Temps (heures) Expérimentation Modélisation Température_extérieure

95

Figure II-6 : Evolution de la température au cœur d’une éprouvette dont la température initiale du béton est de 38.2°C

On récapitule dans le Tableau II-2 la variation de la durée de la période de latence en fonction de la température du béton frais pour toutes nos gâchées testées. On remarque que la durée de la période dormante diminue lorsque la température du béton frais augmente. Cela traduit une thermo-activation des réactions.

Température du béton

frais (°C) 16.1 16.3 20.6 22.1 27.3 38.2

TLAT (heures) 24 22 19 18 16 10

Tableau II-2 : Variation de la durée du temps de latence en fonction de la température du béton frais 10 15 20 25 30 35 40 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 T em p er a tu re ( °C ) Temps (heures) Expérimentation Modélisation Température_extérieure

96

Ainsi, pour décrire la sensibilité de l’effet retard du superplastifiant à la température du béton frais, on propose une loi de type Arrhenius (voir équation II-5). Cette loi permet de prévoir la durée de l’effet retard connaissant la température du béton frais. Cette relation est basée sur une température de référence du béton frais qui est de 20°C et sur la durée de la période de latence correspondant à cette température.

@@ = @@äâå∙ :; û−=? S> @1 äâå−

1

@Uý II-5

Où :

- @äâå est la température de référence (293° K)

- @@äâå est la durée de la période dormante correspondant à @äâå - @ est la température initiale du béton frais

- ? constante des gaz parfaits

- => est l’énergie d’activation de l’effet du superplastifiant

Le calage de cette loi sur les résultats obtenus est consigné sur la Figure II-7 et montre que le modèle proposé décrit bien la sensibilité de la durée de la période de latence à la température du béton frais avec une énergie d’activation de l’effet du superplastifiant de =>⁄ =? 3256 ^*.

Pour une autre composition du béton contenant le superplastifiant utilisé dans notre formule de béton, la durée de l'effet de retard correspondant à la température de référence devra être déterminée avant d'utiliser cette formule. Autrement dit, cela signifie que l'énergie d'activation de l’effet du superplastifiant utilisé peut être étalonnée sur n’importe quelle composition de béton, mais la durée des effets des retards correspondant à la température de référence doit être déterminée expérimentalement en fonction de la composition du béton.

97

Figure II-7 : Variation de la durée de période de latence en fonction de la température initiale du béton frais