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adéquation de la temporalité du document avec les réalités sociales

La prise en compte de la temporalité dans les documents de planification, l’exemple du PLU – Sarah Khouader Mémoire de master 2 Action locale et Projets de Territoires, 2017

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3 - L’adoption d’une approche temporelle dans la planification : la co-construction pour une meilleure

adéquation de la temporalité du document avec les réalités sociales

Quoi qu’il en soit, le territoire est composé d’acteurs multiples et la prise de conscience doit s’effectuer auprès des professionnels de l’urbanisme, mais aussi auprès des acteurs publics, des acteurs privés et des habitants. En effet, l’urbanisme temporel met l’humain au centre du projet. Il a vocation à prendre en compte toute la complexité du territoire anthropologique et de comprendre et analyser le rapport entre l’Homme et l’espace.

Ainsi, et on le remarque à travers les outils mis en place et leur vocation, l’urbanisme temporel doit inévitablement découler d’une démarche concertée pour deux raisons : d’abord pour disposer de l’adhésion de tous les acteurs du territoire et les sensibiliser à ce nouvel angle de vue de la planification, et ensuite pour intégrer au mieux l’habitant dans son application et saisir toute la dimension socio- culturelle que ne filtre pas la recherche quantitative. Il s’agit d’encadrer l’évolution d’un territoire vécu et donc d’adopter un raisonnement anthropologique et de faire intervenir les principaux concernés, afin qu’ils communiquent et rendent possible la réalisation d’une image la plus fidèle possible de leur ressenti, leur vécu et leurs besoins. Ainsi, la principale difficulté de cette nouvelle approche de l’urbanisme est d’avoir une vision et une interprétation des évolutions urbaines et sociales et de refonder la planification de manière à disposer d’un outil apte à appréhender la dimension générale de l’évolution tout en restant proche de chaque individu.

L’émergence du développement durable et sa prise en compte dans les évolutions législatives ont modifié le type de prise en compte de

l’habitant dans la planification. Leur rôle s’est transformé, passant d’un acteur à informer pour validation d’un projet fini à un acteur qu’il est nécessaire de consulter. Ce principe émerge d’une part d’un constat très simple : le projet de territoire est fait pour les habitants, il convient donc qu’ils puissent donner leur avis et leur vision avant qu’il ne soit fixé ; d’autre part, la montée en puissance des mouvements contestataires, de la volonté de comprendre, et la perte de « confiance » ou même de légitimité parfois des pouvoirs publics ont largement freiné voire stoppé certains projets. Une sorte d’adhésion de la population en amont est alors recherchée comme « conciliation » et comme signe de « bonne foi » de la part des porteurs de projet, qui au final ont tous vocation à élaborer des projets qui correspondent aux volontés citoyennes.

Ainsi, le changement le plus grand et sans doute le plus novateur apporté par la prise en compte du développement durable dans le PLU est l’intégration de l’habitant au cœur de l’élaboration du document. La concertation est engagée plus en amont, lorsque les grandes orientations sont encore à l’étude et ne sont pas encore fixées. Alors que la concertation et l’information de la population avait lieu seulement en fin de procédure d’élaboration des documents, elle intervient aujourd’hui obligatoirement tout au long de la procédure par le biais d’outils comme les cahiers ouverts en mairie, les sites internet, les registres. La loi SRU l’impose tout au long de l’élaboration du document mais ne détaille pas vraiment de quelle manière les habitants devront être concertés mis à part lors de

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83 l’enquête publique. Ainsi, libre à chaque commune de pousser la

réflexion à sa manière et aussi loin qu’elle le souhaite. La tendance actuelle reste cependant l’ouverture de registres de doléances en Mairie, où chaque citoyen peut y écrire son avis. La publication des compte-rendus de réunions et l’information aux habitants est obligatoire par le biais du site de la mairie, et l’ouverture de sites internet tend aussi à se développer. Le PADD se positionne au cœur de la procédure de concertation publique notamment grâce au débat en séance publique sur ses orientations qui doit intervenir au minimum deux mois avant le vote du projet de PLU.

Cependant, il existe plusieurs manières d’intégrer l’habitant au cœur du projet de territoire, et plusieurs degrés d’implication de ce dernier. La majorité des interventions de l’habitant relèvent aujourd’hui plus de la coopération à travers l’information et de la consultation, qui leur permet d’entendre et de se faire entendre. Toutefois, il n’existe aucune garantie de prise en compte de leur avis. Ces méthodes d’intégration de l’habitant ne correspondent pas réellement à une participation à l’action publique puisqu’il ne laisse pas la place à un échange entre citoyen et acteurs publics. Cet échange implique une possible confrontation qui n’est pas permise lorsque l’habitant s’exprime à travers un outil matériel (le cahier par exemple). L’absence d’un échange direct et suivi limite l’expression du citoyen qui n’y trouvera aucune réponse et finalement peu d’intérêt à l’idée d’exprimer une opinion qui restera probablement sans retour.

Dans le cadre de l’enquête publique et du débat sur le PADD, l’habitant est invité à proposer des actions et des orientations, ce qui marque une certaine avancée vers l’association effective du citoyen à l’élaboration du projet. Pourtant, là encore, c’est le décideur politique qui est maître de la décision finale et aucune garantie de prise en compte, ou du moins d’une quelconque considération de l’élu pour les propositions de l’habitant n’est émise.

D’autre part, on remarque que l’information aux habitants porte principalement sur des données brutes et sélectionnées avec soin qui ne leur offre pas toutes les clés de lecture de l’enjeu de la planification. Il est probable que si chacun était sensibilisé aux enjeux du PLU et à l’intérêt de leur participation, leur mobilisation serait renforcée. Il est essentiel qu’ils puissent saisir le lien entre la planification et les changements concrets qui pourront être effectués et qui participeront de l’évolution de leurs usages, pour qu’ils comprennent le lien étroit qui existe entre planification, réglementation et impact sur le confort de vie.

A titre d’exemple, la ville de Montréal a lancé une consultation à grande échelle portant sur son nouveau plan d’urbanisme en 2004. Il présente 7 grandes orientations qui visent à développer un document basé sur le principe de développement durable et exprime ses grands principes d’aménagement durable.

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84 La consultation est gérée par un organisme spécialisé, l’Office de

consultation publique de Montréal, et fonctionne en deux phases : des séances d’information et d’échanges dans chaque arrondissement de la ville et des auditions d’opinions et de commentaires.

D’après le bilan de la démarche, l’Office en conclut que le plan suscite l’adhésion citoyenne et que les sujets abordés portent davantage sur la

mise en œuvre du plan que sur le parti-pris « durable » de l’autorité publique compétente. Ainsi, le débat a peu traité du développement durable en lui-même et la notion a davantage été utilisée pour traiter d’autres sujets plus sectoriels pour faire valoir leurs intérêts et leurs préoccupations.

Figure 51 : La carte de l'occupation des sols selon le Plan d'urbanisme préliminaire de Montréal, source rapport de consultation publique, 2004

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