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Activité de recherche sur les trous noirs : origine, histoire et évolution

VIII. EMISSION DE HAUTE ENERGIE DES TROUS NOIRS GALACTIQUES

1. Introduction

1.3 Activité de recherche sur les trous noirs : origine, histoire et évolution

Ma contribution (et celle des chercheurs qui j’ai encadrés) au thème de recherche sur les trous noirs concerne le volet de l’exploration astrophysique observationnelle de ces objets. Elle tient plus spécifiquement à la recherche et à l’étude des trous noirs par le moyen d’observations astronomiques et notamment par l’étude de l’émission de haute énergie des systèmes galactiques censés contenir des trous noirs accrétants.

33 Je dois avouer que je suis arrivé à l’étude des trous noirs, poussé plus par les données que par un choix réfléchi sur l’importance de ce domaine de recherche ou par une formation de relativiste. Je me considère plutôt formé à l’école italienne des rayons cosmiques et de l’astrophysique des hautes énergies, initiée par le physicien Giuseppe Occhialini, qui créa l’institut de physique cosmique à Milan (l’ancien IFCTR/CNR), et dont mon directeur de thèse en Italie a été l’étudiant. Pour l’histoire (voir par exemple Bignami 2006), Beppo Occhialini a eu un rôle non négligeable dans le développement des programmes d’astrophysique des hautes énergies en Europe, s’agissant notamment de l’astronomie gamma.

Je retrouve d’ailleurs dans l’histoire une certaine justification de ce parcours. Kip Thorne (1993) explique de façon lucide que les découvertes observationnelles clefs sur les trous noirs n’ont pas été réalisées, ni même envisagées, et encore moins sollicitées par les théoriciens relativistes (ceux mentionnés en chapitre 1.1) qui ont développé la théorie des trous noirs. Seule l’école russe dirigée par Yakov Zeldovich (et fortement influencée par Lev Landau) avait su combiner les études théoriques des trous noirs avec une exigence constante de recherche d’une preuve observationnelle dans le domaine astrophysique. Certes, la découverte des trous noirs n’a pas été le résultat du programme scientifique soviétique. Mais c’est plus dû au cadre politique et stratégique (course aux armements et conquête spatiale) qu’à un défaut de volonté. La chose curieuse, selon Thorne, c’est que finalement c’était bien la reprise du programme nucléaire soviétique en 1961 qui a poussé les américains à financer le programme de lancement sur fusées de détecteurs X pour contrôler les tests nucléaires russes depuis l’espace. C’est bien à partir de ce programme qu’on allait découvrir les sources X célestes. Et finalement ce fut bien Riccardo Giacconi (prix Nobel 2002), étudiant de Occhialini, héritier de l’école italienne des rayons cosmiques, qui découvrit sous la poussé de Bruno Rossi (autre italien au MIT, grande figure de la physique des rayons cosmiques) les sources X en 1962 (voir Giacconi & Tucker 1985).

J’ai donc rejoint la communauté des astrophysiciens spécialistes des trous noirs avec ma participation au projet SIGMA/GRANAT, un projet franco-soviétique avec participation bulgare et danoise. Les collègues russes étaient dirigées par Rashid Sunyaev, ancien étudiant de Zeldovich, et célèbre pour les nombreux résultats qu’il a obtenus dans le groupe de Moscou. Dans le projet, les partenaires russes, sous la direction scientifique de l’institut des recherches spatiales (IKI) de Moscou, ont fournit la plateforme (GRANAT) et le lanceur (PROTON), les instituts français de Saclay et du CESR de Toulouse étaient, sous la maîtrise d’œuvre du CNES, en charge de

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l’instrument principale, le premier télescope à rayons X durs et gamma mous basé sur une optique révolutionnaire (voir chapitre 2). Je n’ai pas moi même rencontré Zeldovich (mort en 1987), mais Jacques Paul (1998) relate comment, encore une fois il avait vu juste, c’est bien à lui que l’on doit l’engagement russe dans le projet. Il avait compris l’intérêt du programme proposé par les scientifiques français (Jacques Paul du CEA et Pierre Mandrou du CESR en tète) et le CNES, et c’est bien lui qui convaincra en 1984 l’Académie des Sciences de l’URSS de donner la priorité au programme GRANAT sur les projets d’astronomie ultraviolette. SIGMA s’est révélé ensuite être une formidable machine pour la chasse aux trous noirs galactiques.

Quelque mois avant le lancement, nous avions tenu une réunion avec nos collègues soviétiques pour réfléchir au programme d’observations. Sunyaev nous avait montré le spectre d’une source de la classe des novas X (il s’agissait de Nova Vulpeculae) obtenu avec l’instrument TTM (un instrument X monté sur la station spatiale MIR) qui montrait une émission qui s’étalait jusqu’à 30 keV avec un spectre dur. Rashid n’avait pas des doutes : il s’agissait selon lui d’un trou noir. J’étais sorti de cette rencontre avec deux convictions. Ces sources, les X-ray Novae, étaient extrêmement intéressantes. Par contre comme elles sont transitoires, il ne faut pas les rater quand elles entrent en éruption. Il nous fallait donc exploiter au maximum l’énorme champ de vue du télescope pour optimiser notre chance de les détecter et les étudier (chapitre 2). De surcroît, leur positionnement fin était essentiel pour déclencher des observations dans le visible qui pouvaient nous fournir l’estimation de la masse de l’objet compact.

Quand en janvier 1991 une nouvelle source brillante et très dure apparue dans la constellation de la Mouche, alors que j’étais à la station de réception d’Evpatoria en Crimée pour suivre les opérations du télescope SIGMA, je n’avais pas oublié Nova Vulpeculae. Je savais de quoi il s’agissait et qu’il fallait l’étudier à fond. Rentré à Saclay, j’avais analysé les données rapidement, j’avais approfondi mes connaissances sur les novas X et les systèmes binaires X a trou noirs, j’avais rédigé un papier avec la conclusion que la source était un nouveau et magnifique candidat trou noir et qu’elle montrait une émission à haute énergie. Avec les travaux sur le microquasar 1E 1740.7-9242 et la découverte de la source GRS 1758-258, ce fut un des mes premiers travaux sur les trous noirs galactiques, le début d’une quête passionnante et fructueuse.

Ma contribution à ce domaine de recherche, entre les années 1990 et 2005, peut se décliner en trois parties différentes :

35 • Contribution à la définition et à l’analyse des données de télescopes spatiaux pour la détection de rayons X durs et gamma mous. En particulier, j’ai participé en premier ligne à la mise en œuvre du système d’analyse des données de deux projets clefs de l’astronomie gamma européenne des années 1990 et 2000 les missions SIGMA/GRANAT et INTEGRAL.

• Etudes de l’émission X dur et gamma mou (20-1000 keV), le plus possible couplée à des données X (0,1-10 keV) et même à d’autres longueurs d’onde (radio, visible, infrarouge), des systèmes binaires X galactiques soupçonnées contenir un trou noir de masse stellaire. En particulier, j’ai exploré les systèmes transitoires qui présentent de larges excursions en taux d’accrétion et en luminosité.

• Recherche et étude de l’émission X, X dur et gamma mou depuis le trou noir supermassif au centre de la Galaxie.

Les trois volets sont présentés par la suite dans les chapitres 2, 3 et 4 respectivement et, pour chacun, j’ai choisi un minimum de trois articles significatifs pour illustrer le programme de recherche que j’ai conduit avec mes étudiants et collaborateurs.

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Bibliographie

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