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Dans notre étude, 2122 patients ont été admis aux urgences de l’HMC de KaIA entre le 1er avril 2012 et le 30 septembre 2012.

La plupart des patients étaient des hommes militaires issus de l’OTAN dont l’âge était compris entre 28 et 44 ans.

Au sein des blessés issus de l’OTAN, la majorité des patients étaient soit Américains soit Français car les Etats-Unis et la France (après le Royaume-Uni) avaient les plus importants contingents présents en Afghanistan sur la période étudiée. La position géographique de l’HMC au sein de la Région de Commandement-Capital, sous responsabilité française, explique également cette répartition.

Les Afghans représentaient 22 % des patients sur l’ensemble de la période étudiée. Ce résultat est proche de celui de l’étude de Gourgiotis et al. avec 27,5% de patients afghans admis au niveau d’un rôle 2 allemand en Afghanistan sur une période de trois mois (24). Cependant ce pourcentage est inférieur aux 62 % de patients afghans de l’étude française de Bonnet et al. à KaIA entre juillet 2009 et décembre 2010 (25), et aux 66 % de l’étude canadienne de Brisebois et Tien à Kandahar entre 2006 et 2009 (26), mais il s’agissait de deux études concernant l’activité chirurgicale. Ces différences sont le reflet du lieu de l’étude (les urgences versus le service de chirurgie). En effet, notre analyse incluait tous les patients admis aux urgences, or les services de chirurgie accueillaient principalement des patients afghans (blessés de guerre et interventions chirurgicales programmées).

La population pédiatrique représentait 2,5 % de la totalité des patients admis aux urgences (tous étaient afghans). Ce résultat est comparable à l’étude de Walker et al. (28), mais celle-ci étudiait la prise en charge pré-hospitalière d’une population pédiatrique entre 2006 et 2007. Il est plus faible que dans l’étude de Borgman et al. (5,8%) (29) qui incluait les patients dans la population pédiatrique jusqu’à l’âge de 18 ans alors que nous avons défini notre population pédiatrique aux patients de moins de 15 ans.

Plus de 75 % des motifs d’admission en pédiatrie étaient de la traumatologie, du fait d’un grand nombre d’accidents de la voie publique sur le territoire. De plus le mode de vie des enfants afghans dans ce type de conflit les rend particulièrement vulnérables (pas de protection et vie en extérieur). L’étude anglaise d’Arul et al. retrouvait 63 % de blessés de guerre dans leur population pédiatrique (étude entre janvier et avril 2011 au sein de Camp Bastion (30)). En comparaison la proportion de blessés de guerre dans notre population pédiatrique était plus faible, mais les motifs d’admission des enfants aux urgences étaient parfois médicaux et pas uniquement traumatologiques.

Sur les six mois étudiés, les motifs d’admission aux urgences étaient majoritairement médicaux (58,6 %) et très variés avec plus d’une quinzaine de spécialités représentées. Parmi les motifs chirurgicaux, les trois quarts étaient de la

traumatologie non liée aux faits de guerre (NBI). Ce pourcentage se rapproche des

60 % retrouvés par les Allemands au niveau d’un rôle 2 en Afghanistan entre 2006 et 2010 (31). L’incidence de la traumatologie non issue des blessures de guerre est élevée et liée au mode de vie des militaires en opération extérieure (plusieurs milliers sur le camp de KaIA). En effet, de nombreux accidents surviennent et il faut les prendre en compte dans l’activité opérationnelle (accidents de la voie publique,

accidents domestiques, traumatologie du sport…). Cette accidentologie diverse

explique également la proportion majoritaire de pathologies ne nécessitant ni chirurgie, ni hospitalisation conventionnelle, activité similaire à celle d’un service

Les blessés de guerre représentaient 7,7 % de l’activité, soit 161 passages sur six mois. L’âge médian de ces patients était de 27,5 ans. Belmont et al. retrouvent un résultat similaire dans leur étude sur les conflits irakien et afghan de 2005 à 2009 (32). Les blessés de guerre étaient significativement plus jeunes que les non blessés de guerre et que les patients admis pour de la traumatologie non de guerre, car il existe beaucoup plus de patients pédiatriques au sein des blessés de guerre.

La grande proportion de civils afghans blessés de guerre est expliquée par l’absence de moyen de protection individuelle, mais aussi parfois par l’orientation préférentielle des blessés issus de l’ISAF vers le rôle 3 de Bagram (moyens d’évacuation aériens gérés par les Américains). Le fait que la proportion d’Afghans soit plus faible au sein des patients non blessés de guerre correspond à un biais de sélection. En effet, les Afghans n’avaient pas un accès libre au camp comme c’était le cas pour les militaires des troupes alliées, les contractors ou les civils non afghans.

Quasiment tous les blessés de guerre (adultes et enfants) étaient des polytraumatisés ou des brûlés et la majorité d’entre eux ont été orientés vers le service de réanimation ou le bloc opératoire après leur mise en condition au déchocage. Les agents explosifs étaient le mécanisme vulnérant le plus représenté au sein de ces patients, résultat identique à celui retrouvé dans la littérature depuis le début des conflits asymétriques avec le développement des IED (10, 11, 33). La localisation des blessures dans notre échantillon de blessés de guerre pris en charge en réanimation est comparable à l’étude américaine d’Owens et al. en ce qui concerne les blessures des membres mais retrouve des proportions plus élevées de blessures au niveau du tronc et de l’extrémité céphalique (9). Il s’agit d’un argument supplémentaire concernant l’efficacité des moyens de protection développés pour les combattants (gilets pare-balles). Le nombre moyen d’environ deux zones atteintes par patient est concordant avec l’importante proportion de blessures par polycriblage secondaire à des explosions.

Quinze pour cent des blessés de guerre ont été hospitalisés directement après leur passage aux urgences car ils ne présentaient pas de blessure mettant en jeu leur pronostic vital : il s’agissait de lésions liées à un polycriblage superficiel.

Nous avons observé quatre décès au sein de la structure d’urgence (deux blessés de guerre et deux pour motif cardiologique) L’efficience de la chaine santé française sur le territoire afghan a permis une stabilisation des blessés au niveau des rôles 1 et le transfert rapide des blessés en réanimation ou au bloc opératoire (moins d’une heure) après leur arrivée aux urgences. Cette efficience est possible grâce aux formations SC1 et SC2 enseignées dans les Centres de Formation Opérationnelle Santé (CEFOS) et CESimMO et à la formation spécifique à l’urgence dispensée à tous les professionnels de santé envoyés en Afghanistan. Les blessés de guerre recevaient tous les soins nécessaires dans ce contexte opérationnel avant leur

arrivée au rôle 3. De plus les délais d’évacuation des blessés entre le moment de la

blessure et l’arrivée dans les structures médico-chirurgicales étaient courts

(maximum deux heures) grâce à la disponibilité des moyens et aux faibles distances.

Les brûlés représentaient un petit échantillon de notre population (30 patients dont six blessés de guerre). Ils correspondaient à une plus faible proportion que dans l’étude américaine de Jeevaratnam et Pandya au niveau d’un rôle 3 afghan (34). La majorité des brûlés au combat de cette étude étaient des victimes de blast, or dans notre travail nous avions classé les blastés comme des polytraumatisés expliquant ainsi la proportion plus faible de brûlés.

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