4.3 Moyens d’actionnement
4.3.3 Actionnement par inclinaison de la structure
4.3.3.1 Principe
L’actionnement par inclinaison consiste à incliner la structure d’aimants afin
de modifier la position d’équilibre des particules en lévitation. Comme il a déjà été
expliqué, la force de répulsion diamagnétique et le poids de la particule ne sont
plus colinéaires lorsque la structure d’aimant est inclinée. Une force apparaît selon
l’axe horizontal et la particule se déplace. Cette force est proportionnelle au poids
de la particule ainsi qu’à l’angle d’inclinaison. C’est par ce biais que l’inclinomètre
et le capteur de force ont été calibrés. Ce qui montre qu’il est possible de manipuler
une ou plusieurs particules simultanément.
Toutefois, cette solution déplace toutes les particules en lévitation. Or les
parti-cules se repoussent. Il serait donc intéressant de pouvoir les manipuler
individuel-lement, sans influencer la position de celles qui les entourent.
4.3.3.2 Déplacement d’une particule unique
La manipulation d’une particule unique nécessite deux points de stabilité
sépa-rés par une faible barrière de potentiel. Ainsi, une inclinaison de quelques dixièmes
de degrés suffit à fournir l’énergie nécessaire à une particule pour passer d’un puits
à un autre. Les particules se repoussant, les particules les plus proches de la barrière
ont besoin de peu d’énergie et donc d’une inclinaison plus faible pour la franchir.
A l’inverse, les particules qui en sont plus éloignées, ont besoin d’une inclinaison
plus importante. Ainsi, en jouant sur l’inclinaison, il est possible de contrôler le
nombre de particules franchissant la barrière de potentiel.
Voyons cela à travers l’exemple présenté figure 4.24. Trois particules sont en
lévitation au-dessus d’un canal. Un défaut magnétique crée une barrière de
poten-tiel. Deux points de lévitation stables apparaissent : les puits I et II. La particule
(2) passe du puits de potentiel I au puits II. Dans son puits de départ, la particule
est repoussée par la particule (3) (non visible sur la figure 4.24(a)). L’énergie qui
lui est nécessaire pour quitter ce puits est donc moindre que pour la particule de
droite. Dit autrement, l’angle requis pour faire passer la particule (2) d’un puits à
un autre est moindre que pour la particule (3).
Les aimants sont inclinés de sorte à créer une force dans l’axe du canal. Cette
force augmente avec l’inclinaison. Ainsi, lorsque l’inclinaison atteint un angle
166 CHAPITRE 4. POSSIBILITÉS ET APPLICATIONS POTENTIELLES
(a) t = 0s (b) t = 0.33s
(c) t = 0.66s (d) t = 1.0s
Fig. 4.24 – Lorsque la structure d’aimant est inclinée de l’angle adéquat, une
particule et une seule passe d’un puits de potentiel à l’autre. La position des trois
particules est montrée à différents instants.
donné, cette force est suffisante pour permettre à une particule de franchir la
barrière de potentiel.
Sur la figure 4.24(a), nous observons que pour un angle de 1,12
◦, la particule (2)
s’approche de la barrière de potentiel. Poussée par la particule (3), elle se déplace
(Fig : 4.24(b)), tombe dans le puits I (Fig : 4.24(c)) et, freinée par la particule (1),
elle s’arrête (Fig : 4.24(d)).
La particule (3) ne bénéficiant pas de la poussée d’une quatrième particule n’a
pas assez d’énergie pour franchir la barrière. Elle reste donc dans le puits II.
Il est à noter que la particule (3) est repoussée par la particule (2) et donc
visible à la limite de l’image à t=0s. Le départ de la particule (2) lui permet de se
déplacer au centre du puits. Inversement, la particule de (1), qui est poussée par la
nouvelle arrivante, change de position d’équilibre. Cette nouvelle position est telle
que le barycentre des deux particules est situé au centre du puits, position initiale
de la particule (1).
L’opération inverse, faire passer la particule (2) du puits I au puits II, est
également possible. L’angle requis est alors de -0,28
◦.
Un cycle de changement de position de la particule centrale a été observé sur
la plage angulaire [-0,28 1,12]
◦. Un phénomène d’hystérésis apparaît clairement
4.3. MOYENS D’ACTIONNEMENT 167
en fonction de l’inclinaison passée de la structure, une ou deux particules sont
présentes dans le puit I. Un cycle de ce type se retrouve pour toutes les particules
(Fig : 4.25).
Fig. 4.25 – Nombre de particules dans le puits de gauche en fonction de l’angle.
(en vert les transitions pour lesquelles l’angle a été mesuré, en rouge les transitions
ayant seulement été observées)
4.3.3.3 Perspectives
Deux éléments sont fondamentaux dans la manipulation individuelle de
parti-cules par inclinaison :
– la force de répulsion entre les particules,
– l’existence d’au moins deux points de stabilité séparés par une barrière de
potentiel.
Le premier élément dépend des particules utilisées. Cette force de répulsion a été
observée pour des particules solides dans l’air, mais également dans un liquide (Fig :
4.26(a)). Enfin, elle a aussi été constatée pour des gouttelettes d’eau en lévitation
dans l’air (Fig : 4.26(b)). Il est donc envisageable d’étendre cette application à la
micro fluidique ou bien aux particules et cellules en suspension dans un liquide.
(a) (b)
Fig. 4.26 – Une force de répulsion maintient séparés a) les particules de cuivre
dans un liquide, b) des gouttelettes d’eau dans l’air [33]
Le second élément, la barrière de potentiel, a été créé magnétiquement, à partir
d’un défaut des aimants. Toutefois, il est envisageable de la générer par un autre
168 CHAPITRE 4. POSSIBILITÉS ET APPLICATIONS POTENTIELLES
biais :
– Une conception spécifique des aimants, prévoyant un resserrement du canal.
– L’utilisation d’électrodes pour repousser (création d’un barrière) ou attirer
(création d’un puits) les particules chargées. L’avantage étant alors que cette
barrière est variable et commandable.
– L’utilisation d’un courant traversant perpendiculairement le canal,
repous-sant les particules par magnétophorèse, avec le même avantage que
précé-demment en termes de variations et de commande.
Par les barrières de potentiels commandées, on peut imaginer commander le
déplacement de particules une à une, de les orienter, de créer des carrefours et
bifurcations permettant de les trier.
Ceci ouvre donc la porte à la manipulation individuelle de particules ou de
gouttelettes de quelques micromètres et donc la mise à disposition, pour les
micro-usines chimiques de quantités très faibles et contrôlées de matière. D’importantes
applications dans la microfluidique digitale sont également envisageables ainsi que
pour le convoyage de microparticules.
4.3.3.4 Conclusion sur l’actionnement par inclinaison de la structure
Comme nous l’avons vu pour la calibration de l’inclinomètre ou du capteur
de force, incliner une structure d’aimants permet de déplacer simultanément une
ou plusieurs particules. Toutefois, sous certaines conditions, il a été démontré que
lorsque plusieurs particules lévitent diamagnétiquement dans un même canal, il
est possible d’en déplacer une et une seule. Plusieurs conditions nécessaires ont été
identifiées :
– les particules ont une interaction répulsive,
– deux ou plusieurs puits de potentiel sont présents le long du canal.
Lorsque ces conditions sont réunies, l’énergie nécessaire à chaque particule pour
passer d’un puits de potentiel à l’autre est différente. Cette énergie est apportée
par inclinaison de la structure aimantée. Ainsi, à certains angles bien définis, une
particule unique quitte un puits pour entrer dans un autre.
La démonstration a été réalisée expérimentalement pour des particules en
bis-muth en lévitation dans l’air. Cependant, ces conditions sont également remplies
pour des gouttelettes de liquide en lévitation dans l’air ou pour des particules
so-lides confinées dans un fluide. Cet actionnement devrait donc pouvoir être étendu
à d’autres systèmes en lévitation.
Dans le document
La lévitation Diamagnétique à l'Echelle Micrométrique: Applications et Possibilités
(Page 174-177)